Le girondin Cyrille Chahboune a été victime d'une attaque au drone piégé en 2016 au Moyen-Orient. Il a perdu ses deux jambes. Mais il a gardé son esprit combatif et une féroce volonté de servir son pays. Via désormais le sport de haut niveau.
Ce lundi soir, c'est en moto que Cyrille, dit Cooper, arrive à l'entraînement. Une grosse cylindrée à trois roues qu'il pilote sans problème malgré ses jambes de titane.
Il rejoint ses co-équipiers du volley club du Haillan dans l'agglomération de Bordeaux où il s'est inscrit en 2018, à peine deux ans après l'attaque qui l'a laissé lourdement handicapé.
Octobre 2016, l'attaque au drone piégé
Octobre 2016. Il est en mission au Moyen-Orient avec son groupe de commandos parachutistes de l'air. Un drone des terroristes de Daesh explose à quelques pas de lui et de son frère d'arme Guillaume Ducrocq. Leur vie bascule.
Le drone a explosé. On est resté conscient. Ma jambe gauche a été arrachée directement. J'ai commencé à me médicaliser, à me mettre le garrot. Puis on a été évacué. Au final ils m'ont coupé la deuxième jambe aussi et j'ai fait un an d'hosto.
Cyrille Chahboune
Guillaume y a lui laissé une jambe.
Les militaires subissent plusieurs opérations, réapprennent à marcher, à effectuer les gestes du quotidien. "On repart à zéro, on a l'impression de tout recommencer" confie Guillaume.
Pour ces deux hyperactifs, plus question de partir en mission. "C'était une passion avant d'être un métier, on aimait ça, on se levait tous les jours pour ça. Là c'est fini. Il faut trouver une autre motivation, un autre processus de construction".
La reconstruction par le sport
A peine sorti de rééducation Cyrille a une idée en tête : devenir sportif de haut niveau. Il se met au volley assis et au tir, en rejoint les équipes de France handi et multiplie les expériences.
Je touche un peu à tout donc j'ai pu refaire du golf, de l'escalade, de la voile, de la plongée, du parachutisme. D'ailleurs je sors de la Coupe du Monde de soufflerie où je viens d'être sacré vice-champion du monde.
Cyrille Chahboune
Cyrille revient en effet des Bouches-du-Rhône où il participait aux premiers championnats du monde de handifly, la chute libre en soufflerie.
On dit que le sport c'est la vie c'est pas pour rien. On extériorise beaucoup de choses face à la pression, au stress. Quand on fait du sport on se libère, on pense plus à rien.
Cyrille Chahboune
Un rêve, les JO 2024
L'ancien para de l'air enchaîne les compétitions dans toutes les disciplines qu'il pratique. Avec l'équipe de France de volley assis il vise les Jeux Olympiques de Paris dans deux ans.
Les JO c'est le haut de la pyramide comme être commando parachutiste des forces spéciales. Y a pas plus haut. Je veux continuer à représenter mon pays, à porter haut les couleurs de la France, par le sport, par les victoires que je pourrais apporter.
Cyrille Chahboune
Il s'entraîne au minimum trois fois par semaine au Haillan, seul club de Gironde à proposer la discipline du volley assis, un sport extrêmement physique.
"Le volley assis c'est exactement pareil que le volley debout, même nombre de joueurs, le terrain est un peu plus court et on a le droit de bloquer le service. La première consigne c'est d'avoir une des deux fesses collées au sol au moment du contact du ballon" nous explique son coach du Haillan, Yannick Arsicaud.
Ici les équipes sont mixtes, filles, garçons, valides, non valides. "On déplace tout le poids du corps sur les bras principalement, ça réclame un bon gainage et beaucoup d'abdos. Cyrille, il est très bon, il a une vitesse de déplacement assez énorme. Il travaille beaucoup".
Pour les JO, son orthoprothésiste Jérôme Lamorère, qui fait désormais partie de sa vie, devrait sponsoriser l'équipe avec son cabinet spécialisé installé à Cenon.
Il suit de près son hyperactif de patient et s'attache à le soutenir au maximum. "L'objectif avec les prothèses c'est de le rendre le plus autonome possible. Pas complètement comme avant, c'est impossible, faut faire une croix là-dessus. Mais on essaie de s'en rapprocher au mieux" explique t-il en connaissance de cause, puisque lui aussi a perdu une jambe. Il s'avoue impressionné par la force et la volonté de Cyrille.
"Un double amputé fémoral qui se met au sol, se relève et marche avec une telle aisance c'est pas la grande majorité des patients ! Y en a pas énormément !"
Cyrille le reconnaît, s'il n'avait pas une telle condition physique il aurait beaucoup plus de mal à évoluer avec ses jambes d'appoint. "L'énergie que ça demande et la difficulté que ça entraîne, on n'imagine pas" confie t-il.
Raison de plus pour continuer à s'investir dans le sport. Et à montrer l'exemple.
Voir le reportage de C. Albo-Reichert et Laure Bignalet :