Témoignage. “Elle lui a arraché le lobe d’oreille", une institutrice de maternelle visée par une enquête pour violences sur mineurs

Publié le Écrit par Julie Chapman et Lisa Ducazaux

Le parquet de Bordeaux a ouvert une enquête pour violence, ce vendredi 15 mars, visant une enseignante de l’école maternelle Aliénor Bertrine de Belin-Béliet, en Gironde. Six plaintes auraient été déposées depuis ces derniers jours.

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Ce vendredi 15 mars, le parquet de Bordeaux a ouvert une enquête pour "violence volontaire sans ITT sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité". Elle a été confiée à la cellule contre les atteintes aux personnes et à l’enfance, la Cape, rattachée à la gendarmerie d’Arcachon. Dans le viseur de la justice, une institutrice de maternelle, qui enseignait à l'école maternelle Aliénor Bertrine de Belin-Béliet.

"Il a peur qu’on lui fasse mal”

La violence, une maman, qui souhaite rester anonyme, la découvre brutalement, à la rentrée 2023 de son enfant. “Elle lui a arraché le lobe d’oreille parce qu’il a oublié de mettre son étiquette. Ce n'est juste pas possible, on ne peut pas faire ça à un enfant”, assène la mère de famille.

Depuis, son fils de cinq ans vit dans l’angoisse. “S'il dépasse un dessin, il le déchire, se met dans des crises de nerfs phénoménales en disant qu’il est nul et qu’il ne sert à rien”, illustre la mère, la voix serrée.

Des propos que les autres mères de l’établissement ont également entendus. “Ce sont des violences psychologiques à longueur de temps”, précise-t-elle. Son fils, comme les autres enfants victimes, est aujourd’hui déscolarisé. “Il a peur et dit clairement qu’il refuse de voir la maitresse parce qu’il a peur d’oublier l’étiquette et qu’on lui fasse mal”, détaille cette mère de famille. 

Ces faits, connus depuis plusieurs semaines, circulent entre les parents d’élèves. “Je suis en colère parce que ça fait quinze jours et cette femme continue d’accueillir nos enfants. Il n’y a personne qui bouge, c’est inadmissible”, regrette cette mère, la voix tremblante.

Une fillette giflée devant témoins

Pour Émeline Perrodeau, l’angoisse débute à la rentrée 2023. Sa fille est “fâchée” dès le premier jour pour ne pas être “allée assez vite pour mettre ses chaussons”. Les faits se reproduisent et pousse les parents à rencontrer la maîtresse. “On s’est fait hurler dessus, elle a fini par nous dire qu’elle laisserait de côté notre enfant”, se souvient la mère de famille.

Pendant quelque temps, les réprimandes s’arrêtent. “Je me suis fait engueuler une fois devant tous les parents, car je lui ai dit que ma fille était perturbée par les cours, qu’elle avait développé des phobies”, confie Émeline Perrodeau. Fin septembre, sa fille est suivie par un psychologue, cette maman ignorant alors tout des violences physiques. “Il a fallu que je lui dise que je savais, pour qu’elle m’avoue que la maitresse lui avait tiré les oreilles”, explique cette maman, qui découvre en même temps que ces actes de violences concernent plusieurs enfants.

Il était hors de question que ma fille retourne avec ce monstre.

Emeline Perrodeau

Mère d'une enfant victime de violences

Les parents décident donc de porter plainte et découvrent que leur fille a été giflée devant plusieurs témoins. “Dès que je l’ai su, j’ai retiré ma fille de l'établissement et le lendemain, j’ai fait un mail à l’inspection d’académie”, explique la mère de famille. 

Depuis huit ans

Pourtant, les premières alertes remontent à près de dix ans. En 2016, le fils d’Élodie Gonzales est dans la classe de cette institutrice. “Quand je suis arrivée un soir, j’ai vu mon fils se faire violenter, la maîtresse l’a poussé et il est tombé au sol, avant de lui claquer la tête, quand il s’est relevé”, se souvient cette mère de famille. Déjà la “réputation de cette enseignante n’était plus à faire”. “Tout le monde priait, on espérait que nos enfants soient dans les bons papiers”, raconte-t-elle.

À l’époque, Élodie Gonzales porte plainte au rectorat et signale les faits auprès de la direction. “Personne ne m’a écouté. Quand les forces de l’ordre ont demandé le dossier, il était vide”, soupire la maman. Elle a donc déposé une nouvelle plainte jeudi 14 mars, son fils, aujourd'hui âgé de 13 ans, devrait faire une déposition, “pour porter haut et fort les voix de ces parents”.

Réunion publique

Dans la commune, le maire affirme n’avoir découvert ces agissements que récemment. “J’ai découvert la situation mercredi matin lorsque j’étais en réunion à la gendarmerie, une des gendarmes a pu m’expliquer la problématique”, explique Cyrille Declercq, le maire de Belin-Béliet. Impossible pour Élodie. “Tout le monde se connait, tout le monde était au courant. Ça fait juste dix ans qu’ils mettent tous des œillères”, confie Élodie Gonzales qui avait demandé à ce que ses autres enfants ne soient pas dans sa classe. “La directrice savait, les Atsem savaient. Elles se sont tues par peur de représailles”, regrette la mère de famille.

Face au raz-de-marée, le maire de la commune a organisé une réunion pour soutenir les parents. “Lors de cette réunion, on a ressenti beaucoup d’émotion, il y a des interrogations fortes sur la situation. Nous avons proposé la présence d’une tierce personne dans l’établissement, mais la décision revient à l’académie”, précise le maire de Belin-Béliet.

De son côté, l’académie de Bordeaux a confirmé avoir pris des mesures. “L'enseignante a été suspendue à titre conservatoire. Un inspecteur et un psychologue de l'éducation nationale se rendent sur place”, précise le rectorat. L’institutrice visée était également entendue ce vendredi par le Dsden, référent de l’académie de Bordeaux.

Au total, ce sont désormais six plaintes qui ont été déposées, jusqu’à ce vendredi matin. Les enfants victimes des violences ont tous été déscolarisés depuis.

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