En Gironde, 90 % des Ehpad publics sont en situation de déficit budgétaire. La directrice d'un établissement de la banlieue de Bordeaux nous a ouvert ses portes et raconte la situation financière “critique” qu'elle traverse aujourd'hui.
Quand elle traverse les couloirs du bâtiment, Amandine Bance salue chaleureusement chacun des résidents, tout sourire. Elle avance d'un pas décidé dans des couloirs défraîchis, rentre dans des chambres, pas toujours fonctionnelles, ni pour les résidents, ni pour les soignants. Au fil de son déplacement, la liste des difficultés s'allonge... et donne le vertige financier. "On est trop exsangue financièrement pour investir", soupire-t-elle.
Depuis dix ans, Amandine Bance est directrice de l'Ehpad public Manon Cormier à Bègles, dans la métropole bordelaise, une vocation. Ce qui ne l'empêche pas de constater, et de déplorer, au quotidien, les charges qui s'accumulent : travaux à effectuer, augmentation des denrées alimentaires et des charges, factures d'énergie qui ne cessent de grimper, salaires du personnel à revaloriser, etc. Une situation commune à tous les Ehpad publics de l'hexagone.
Asphyxie financière
La directrice est bien consciente que de nombreux travaux seraient nécessaires pour améliorer l'accueil des résidents. Mais Amandine Bance le reconnaît : elle est "épuisée", au bord de l’asphyxie financière.
On peut tout juste assurer le fonctionnement quotidien de l’établissement. On est trop exsangue financièrement pour investir sur des travaux d’ampleur.
Amandine Bance,Directrice déléguée de l’Ehpad Manon Cormier Bègles
Des comptes dans le rouge
Les dernières factures de gaz ont explosé : plus de 150 000 euros de plus qu'en 2022. Les comptes virent au rouge et les recettes n’évoluent pas.
On ne peut plus faire d’économie. Ce n’est plus possible.
Amandine Bance,Directrice déléguée de l’Ehpad Manon Cormier
"Si on doit réaliser des économies sur les professionnels, ce sera forcément au détriment de la qualité de notre accompagnement, au détriment de la sécurité et même de la continuité des soins", poursuit-elle.
Le Parlement s’est emparé fin janvier d'une proposition de loi pour le "bien vieillir", un texte promis depuis longtemps par l'exécutif. Après son évaluation, les professionnels de la santé ne le jugent pas suffisant.
Adapter les tarifs en fonction des revenus
Face à ce désarroi, le département de la Gironde tente de trouver de nouvelles sources de financement. Il permet désormais aux Ehpad publics d’augmenter le prix des chambres, mais seulement pour certains résidents. Les Ehpad publics restent des établissements plus accessibles en termes de tarifs que les Ehpad privés souvent assez onéreux.
"On a proposé la modulation tarifaire qui prend en compte le revenu des résidents et permet d'adapter le prix à la journée en fonction de ses revenus", explique Romain Dostes, Vice-Président au conseil départemental, chargé de la politique des aînés.
Avec un déficit budgétaire de 200 000 euros, Amandine Bance est contrainte de se tourner vers cette solution, mais elle demande un engagement beaucoup plus fort des pouvoirs publics. "C’est un SOS, un cri d’alerte. On est épuisés de grappiller de l’argent".
Il faut revoir l’ensemble du financement du modèle des Ehpad. On ne peut pas juste demander aux personnes âgées de payer plus.
Amandine Bance,Directrice déléguée de l’Ehpad Manon Cormier
L'Ehpad Manon Cormier a été créée en 1971 et est situé à Bègles, en Gironde. Les personnes âgées autonomes ou dépendantes y sont accueillies dans un quartier résidentiel, à proximité de la bibliothèque et de la Mairie.
Le 26 janvier, les responsables de treize établissements publics de Gironde, dont Amandine Bance, des soignants, des médecins, des résidents ou représentants de résidents, des parlementaires, se sont réunis en table ronde à l’Ehpad du Hameau de la Pelou à Créon. Avec des responsables de l’Agence régionale de santé (ARS) et du Département de la Gironde, financeurs de ces structures, ils ont échangé sur leurs inquiétudes.
En 2023, les Ehpad publics ont reçu une aide exceptionnelle de l’État. Aujourd’hui, c’est un plan de financement de dix milliards d’euros que réclame l’ensemble du secteur médico-social.