Lors des dernières tempêtes, les vents violents et les vagues ont grignoté le trait de côte. Une érosion naturelle, qui survient précocement cette année. Un rappel, pour les élus et les scientifiques, de "l'urgence à agir".
Au lendemain des tempêtes Céline, Ciaran et Domingos, l'heure est au bilan. Le bassin d'Arcachon notamment a vécu plusieurs épisodes de submersion et d'érosion que connaissent déjà ces côtes.
La députée de Gironde (8ᵉ) Sophie Panonacle (Renaissance) était à La Teste-de-Buch, ce 6 novembre, auprès des ostréiculteurs qui ont connu de nombreux dégâts, particulièrement sur le Banc d'Arguin où la moitié des parcs a été retournée par la tempête Céline.
À chaque visite, le même constat, le trait de côte recule. Le 4 novembre dernier, entre deux tempêtes, elle constatait déjà les dégâts au Pyla, à la Teste-de-Buch au sud, mais également au nord, sur la presqu'île et à la pointe du Cap-Ferret.
" Au niveau du poste de secours de la place du Petit Nice, on a perdu sept mètres. On croise les doigts pour qu'il puisse être maintenu à la saison prochaine, mais dans tous les cas, ça sera sa dernière saison. Il faut encore le reculer..."
Constats flagrants
Au Ferret, c'est le poste de secours de l'Horizon et le terminus du petit train qui devront être déplacés. "Il faut s'adapter", martèle la députée, même si elle le dit, ce sont là des structures légères,
Mais on a des endroits où les enjeux immobiliers, les enjeux d'infrastructures sont beaucoup plus lourds.
Sophie Panonacle - députée de la GirondeRédaction WEB France 3 Aquitaine
À Lacanau, le constat est le même : le trait de côte recule inéluctablement. Et les tempêtes ont visiblement entamé, une fois de plus, le trait de côte.
"On s'est rendu compte qu'on ne maîtrisait pas le rythme de l'érosion, puisqu'en fait, ce qui s'est passé en 2014, c'est qu'il y a eu un recul du trait de côte qui a été bien au-delà des prévisions !" admet Adrien Debever, premier adjoint au maire de Lacanau (33)
Pendant l'hiver 2013-2014, le recul avait déjà atteint les prévisions de 2030 et il se poursuit. " Ce que l'on maîtrise moins, c'est le rythme auquel ça se fait et la forme que ça peut prendre".
L'équipe de Laurent Peyrondet est arrivée au lendemain de ces tempêtes et a tenu à mettre en place des protections “écologiques”. Au bout de dix ans, "elle tient ", même si "durant cette séquence de cette semaine de tempête, elle a un peu bougé sur la partie nord. Quelques blocs de pierres déplacés, mais c'est tout".
Changer les mentalités, notre rapport au bord de mer, et faire face à l'érosion, "ça va coûter beaucoup d'argent, mais ça va aussi prendre beaucoup de temps", reprend Sophie Panonacle. Et on ne peut plus attendre.
Érosion et submersion
Dans son rapport, le GIEC prévoit une augmentation du risque d’érosion et de submersion. Deux phénomènes qui menacent les territoires littoraux.
"L'érosion côtière, c'est une perte de matériaux provoquée par le phénomène naturel de baisse d’apport de sédiments à la mer par les fleuves depuis plus 5 000 ans", explique le directeur du GIP Littoral Nicolas, Castay. "Ça s’est accéléré à certains endroits par la présence d’aménagements côtiers. C’est aussi un phénomène cyclique : l’hiver, la houle hivernale et les tempêtes et coups de mer érodent le trait de côte. Et l’été, la mer est plus calme".
S'il peut y avoir un équilibre avec un réengraissement des plages au printemps, depuis 20 ans, on observe " l’abaissement des plages en altitude. En moyenne, en Gironde, on est sur des retraits de 1 à 3 mètres par an".
L'autre risque, lié aux récentes tempêtes, c'est le phénomène de submersion qui aggrave l'érosion.
" C'est quand, en raison des conditions météo, la mer entre ponctuellement dans les terres ".
Ces deux risques vont être amplifiés par l’élévation du niveau de la mer. Avec le changement climatique, on assiste à cette élévation et c’est un phénomène qui va s’accélérer d’ici à 2050.
Nicolas Castay, directeur du GIP Littoral Nouvelle-Aquitaineà la rédaction web de France 3 Aquitaine
" Ces tempêtes hivernales ont des effets sur la côte. Et dans les zones de côte sableuse, elles vont venir accélérer un phénomène habituel ". Nicolas Castay, le directeur du GIP littoral Nouvelle-Aquitaine, note cependant seulement la précocité des phénomènes.
" C'est vrai qu’elles arrivent au cœur de l’automne. On va arriver dans une saison où la probabilité de tempêtes est plus importante, alors que le littoral a déjà été fragilisé". La saison hivernale ne fait que commencer et le " niveau des plages est plus bas qu'à l’approche des hivers passés, qui étaient notamment plus cléments".
Depuis une douzaine d'années en particulier, les risques majeurs d'érosion et de recul du trait de côte font l'objet d'une surveillance, mais surtout de mise en place de stratégies territoriales.
Réveil en 2014
Du nord au sud de la Nouvelle-Aquitaine, toute la façade atlantique est concernée : l'Ile d'Oléron, le secteur du Royannais, de Soulac à Lacanau, le Bassin d’Arcachon et La Teste-de-Buch. Plus au sud, on compte aussi Biscarrosse, la côte basque et sa problématique de falaises.
" Sur ces territoires concernés par les risques, il y a déjà des stratégies et des plans d’action de mise en sécurité que l’on mène depuis 2011, avec Xynthia en Charente-Maritime et depuis 2014 avec les tempêtes sur les côtes sableuses des Landes et de la Gironde.
Pour le directeur du GIP, les dangers sont connus et identifiés. " Le risque érosion et submersion sont des risques quantifiés, suivi, surveillés par les collectivités compétentes qui se sont organisées. Il y a une vigilance et une action publique, sur l’activité du front de mer, et sur les quartiers menacés. À côté de ça, il faut aussi éviter de nouvelles situations de risques."
Concrètement, grâce aux prévisions de risques, on connait les secteurs où éviter de construire.
Nicolas Castay - GIP LittoralRédaction WEB , France 3 Aquitaine
Mais le plus dur sera, selon lui, la prochaine étape à l’horizon 2050, avec des recompositions spatiales et des mesures restrictives à imposer dès maintenant, comme l’accès aux dunes. En effet, certains quartiers, ou des stations, ont été aménagées dans des secteurs sans prendre conscience de l’existence d’un risque.
Une "urgence à agir"
Quand on parle à Sophie Panonacle des tempêtes de référence, celles de 1999, 2009, l'hiver 2013-2014, elle rétorque " Nous sommes en 2023 ! Parfois, ça peut me mettre un peu en colère. On ne peut plus attendre, on est face à cette urgence climatique. Donc, l'adaptation des territoires littoraux, aujourd'hui, est urgente !' ", lance celle qui porte également la casquette de présidente du Comité National du Trait de Côte CNTC), lancé en mars 2023 par la secrétaire d’État chargée de l’Écologie, Bérangère Couillard.
La nature, elle est là, le changement climatique, il est là, et on ne peut plus rester la tête enfoncée dans le sable .
Sophie Panonacle, députée de Girondeà la rédaction web de France 3 Aquitaine
Après les dernières tempêtes, et avec l'anticipation d'autres, pendant l'hiver, une réflexion se met d’ailleurs en place, notamment à la commune de Lège-Cap-Ferret. " La mise en œuvre de la stratégie locale de gestion intégrée du recul du trait de côte pour Lège-Cap-Ferret, passe par la contractualisation avec l’État d’un Plan Partenarial d’Aménagement (PPA)", assure la députée . Elle témoigne de " l’urgence à agir en donnant des moyens financiers aux projets d’adaptation des communes littorales au changement climatique".
243 communes engagées
C'est l'objet d' une liste-décrets des communes, " mise en place dans la "Loi climat et résilience" votée l'année dernière.
"Les communes qui souhaitent vraiment mener ce travail d'adaptation et de relocalisation s'inscrivent auprès du ministère dans le cadre de ce décret, qui va, derrière, les obliger à mettre en place une cartographie de leur littoral", explique l'élue. Cette cartographie va permettre d'identifier "une zone rouge" où l'urbanisation, le développement de l'innovation sera totalement interdit".
Aujourd’hui, 243 communes sont inscrites sur un peu plus de 500. Une liste qui devrait progresser. À la clé des finances, la députée insiste, il ne faut pas se tromper, on ne reproduira pas les erreurs du passé.
On ne financera pas des ouvrages n'importe où. On ne va pas monter le mur de l'Atlantique, c'est hors de question.
Sophie Panonacleà la rédaction web de France 3 Aquitaine
Dans le cas de Lacanau, signataire de cette liste, il s'agit à court terme, c'est donc la protection en dur du front de mer, reconstruite en 2014 et “réensablée chaque hiver pour nous emmener jusqu’à 2050”.
Dans un deuxième temps, il s'agira pour la station balnéaire d'avoir anticipé des "mutations dans les usages du front de mer".
" Il n'y aura plus de plages au niveau de la centrale, l'ouvrage sera directement au niveau de l'eau, donc les plages seront sur le nord et sur le sud de l'ouvrage. On sera plutôt sur une configuration d'un espace public qui sera un "balcon sur l'océan".
Une renaturation de la dune est également prévue. Le tout avec une date en tête “2030”.
Changer les mentalités
" On sent quand même que les mentalités sont mûres pour commencer à parler de ça ", termine Adrien Debever qui ajoute que "l'essentiel, c'est de pouvoir profiter de la plage quand il fait beau. On peut très bien mettre sa voiture un peu plus loin, avoir des logiques de navettes".
Le développement durable et l'écologie " ne doivent pas être punitifs, parce que sinon, ça ne sera jamais accepté par les populations".
On peut très bien muter dans nos usages sans renoncer au plaisir d'aller à la plage, de prendre un bain de mer. C'est tout à fait compatible.
Adrien Debever, adjoint au maire de Lacanauà la rédaction web de France 3 Aquitaine
“En tout cas, ce qui est sûr, c'est que dire, on ne change rien, profitons tant qu'on a le temps est une folie. C'est irresponsable " !
Malgré les réticences anciennes, le message semble de mieux en mieux passer auprès des populations.