Un audit des finances de la Ville, a été réalisé. Selon la majorité, il dévoilerait «une situation financière marquée par une croissance excessive des dépenses au cours de ces dernières années». Et «les marges de manœuvre financières de la Ville» seraient aujourd’hui «contraintes" .
Cet audit mené par le cabinet Klopfer est présenté par Pierre Hurmic lors d’une conférence de presse ce lundi après-midi. Selon le maire de Bordeaux, « l’état des lieux financiers de la Ville de Bordeaux révèle une situation saine de façade, mais qui en réalité, masque une gestion opportuniste et peu anticipatrice des précédentes équipes ».
Les choix d’une gestion peu optimisée et d’investissements somptuaires au détriment des équipements de proximité, laissent des marges de manœuvre amputées en ce début de mandat .
Nicolas Florian, invité du 19/20 en Aquitaine ce lundi a réagi aux propos tenus par Pierre Hurmic.
"On a pas lu le même rapport d’audit", a-t-il affirmé. "Il dit que la situation financière de la villle est bonne et que la gestion a été bonne pendant les six dernières années".
« Une bonne santé de façade »
L’analyse rétrospective des finances de la Ville sur la période 2014-2019 porte sur le budget principal. Celle-ci montre « des ratios financiers respectés et plutôt bons avec 56,5 M€ d’épargne brute », et également « 402,6 M€ de recettes réelles de fonctionnement en 2019 », indique la mairie dans un communiqué. De quoi placer Bordeaux « dans le top 4 des villes qui ont le plus de recettes réelles de fonctionnement par habitant ». Selon elle, plus de la moitié de ces recettes seraient d’origine fiscale, avec des impôts directs au-dessus d’un échantillon de villes comparables.
La pression fiscale est plus importante à Bordeaux qu'ailleurs", affirme Perre Hurmic. "Elle est près de 40% supérieure à des villes comparables de la même strate.
Sur ce sujet Nicolas Florian a rappelé sur notre plateau avoir baissé les impots locaux. "Sur les impots, bien sûr qu'ils sont toujours trop chers", a-t-il dit. "C'est pour cela que je les avais baissés deux années de suite, deux fois 1%.
"Si vraiment la nouvelle équipe considère que les impots sont trop élevés, on va voter un budget au mois de mars qu'elle nous propose une baisse de la fiscalité. Je l'avais fait, donc qu'ils continuent. Et si j'avais été réélu, j'aurais continué".
« Une croissance contenue en apparence, grâce à des transferts significatifs de charges à Bordeaux Métropole »
« La Ville de Bordeaux affiche 346 M€ de dépenses réelles de fonctionnement en 2019, soit un ratio de 1 344 €/hab », indique la mairie. « C’est un ratio qui la situe bien au-dessus de la moyenne des plus grandes communes françaises. Au cours de ces 5 dernières années, on constate une croissance des charges de 25 M€ soit de +1,5%/ an en moyenne. Une croissance contenue en apparence, grâce à des transferts significatifs de charges à Bordeaux Métropole qui ont permis de masquer une croissance de charges de personnel ».
« La Ville a transféré à Bordeaux Métropole 85 M€ de ses charges notamment par le transfert de personnel (près de 1 335 agents) », indique le communiqué. « A noter que la Ville a également reporté une partie de sa dette sur Bordeaux Métropole et en particulier 120 M€ pour le stade Matmut Atlantique ». Selon la mairie, cette pression fiscale ainsi que les transferts à Bordeaux Métropole expliquent une épargne brute à « un niveau relativement élevé » mais qui aurait pu l’être « à un niveau supérieur ».
Malgré ce transfert (du Grand Stade) à la Métropole, la Ville de Bordeaux va devoir payer pour une durée indéterminée 2,4 millions d'euros annuels à la Métropole en raison du transfert.
"Une logique d’investissement tournée vers des équipements somptuaires"
La mairie dénonce une politique d’investissement en trompe l’œil. Celle-ci serait supérieure aux autres villes alors même que les investissements dans les équipements de proximité auraient décliné. En cause des investissements réalisés pour le Grand Stade (122 M€), la Cité Municipale (30 M€) et la Cité du Vin (31M€).
Autant d’investissements somptuaires qui ont été possibles selon Pierre Hurmic, par la vente de Régaz (104 M Euros) et le report de 120 M€ de dette du stade Matmut à la métropole.
Bref autant d’éléments qui expliqueraient que , "la ville affiche une capacité de désendettement de 4,4 ans fin 2019, très en deçà des 8 ans du seuil de vigilance ".
Et surtout cette pression fiscale a essentiellement nourrit des investissements qui sont parfaitement somptuaires ou inutiles au détriment d'équipements de proximité.
"Quand on regarde dans le détail, sur la dette le rapport dit, ce que je savais d'ailleurs, qu'il ne faut pas dépasser 10-12 ans de remboursement de sa dette", a rétorqué Nicolas Florian sur France 3 Aquitaine. "On est à moins de cinq ans, on fait partie des meilleurs élèves en France parait-il sur la capacité de désendettement".
Des marges de manœuvre amputées par manque d’anticipation
Dans son communiqué la mairie indique que « le choix du recours à un partenariat public privé pour la Cité municipale et le stade Matmut Atlantique, ont entraîné une hausse soudaine de l’endettement de 152 M€ en 2016 (122 M€ pour le stade et 30 M€ pour la Cité municipale), suivi d’une baisse lors du transfert à la métropole ».
Des dépenses et parallèlement un manque d’anticipation dénoncés par Pierre Hurmic, notamment concernant la taxe d’habitation. « Si sa suppression est compensée pour les collectivités pour les niveaux antérieurs, sa progression liée à l’augmentation de la population, n’est plus garantie », affirme la majorité. Un défaut d’anticipation qui empêcherait aujourd’hui la majorité d’augmenter sa masse salariale dans la police municipale alors que « Bordeaux doit faire face à une montée de l’insécurité », mais aussi dans les écoles et crèches alors qu’un certain nombre de nouvelles structures de ce type doivent être prochainement livrées.
Equipements municipaux : « il faudra plus qu’un mandat pour les remettre à niveau »
« L’ampleur des investissements nécessaires pour remettre à niveau les équipements municipaux, la marge de manœuvre financière de la Ville dégradée au cours du précédent mandat et amputée par ailleurs par la crise, nécessitera plus d’un mandat pour les remettre à niveau en totalité », conclut la mairie. « Cette situation est également dégradée par les conséquences financières de la crise sanitaire pour la ville ».
« A Bordeaux, 20 M€ ont été mobilisés dans le financement de la crise, soit près de 40% de l’épargne brute 2019 », eut-on lire dans ce communiqué. « Enfin, conformément aux engagements pris, la Ville se doit de trouver les marges de manœuvre nécessaires aux investissements considérables imposés par l’urgence climatique (rénovation thermique des bâtiments publics comme privés, végétalisation de nos espaces publics, quartiers apaisés et partage de la rue, ...) et sur laquelle la Ville de Bordeaux accuse également un retard important ».
"Nous on va garder le même niveau d'investissement, avec les charges dont on hérite mais on va mieux ventiler les investissements futurs en gardant cette conduite, la sobriété. C'est à dire qu'on va investir au profit d'équipements de proximité pour les Bordelais, et surtout entretenir des équipements en mauvais état dont on a hérité".
Le maire sortant de Bordeaux Nicolas Florian, a ironisé sur la position de Pierre Hurmic et de ses équipes. "On a l’impresion que cette équipe est une majorité dans une posture d’opposant", a-t-il affirmé dans notre journal ce lundi soir. "La campagne électorale elle est finie. On n'a plus besoin d'un maire opposant. Il a été pendant trente ans l'opposant, maintenant ils sont aux affaires, à eux de prendre des décision. La ville a été bien gérée, la santé financière est bonne, qu’ils se mettent au travail", a conclu Nicolas Florian.
Voyez le reportage de Marie Neuville et Pascal Lécuyer