Depuis 30 ans, un cabaret transformiste se détache au milieu des vignes médocaines. Dans le village de Couquèques, le Saint Sabastien accueille chaque année des milliers de spectateurs. Un succès grandissant loin d'être acquis, lors de sa création dans les années 90.
À Couquèques, dans le Médoc, il existe une vieille maison de pierre, ornée de glycine. Derrière les volets sombres se cache un lieu atypique : le Saint Sabastien, un cabaret transformiste. Malgré la sobriété de la façade, en trois décennies, le lieu est devenu une institution pour des milliers de spectateurs.
Beyoncé et Brigitte
Ils arrivent en car par centaines. Venus de tous les coins de l’Aquitaine, ces spectateurs s'apprêtent à assister à l’un des cinq spectacles mensuels du cabaret. Au programme, deux heures de numéros, burlesques ou émouvants, réalisés par les six artistes de l’équipe. Dans leur dernier spectacle, “C’est pas mon genre”, le public rencontre, entre autres, les sosies de Brigitte Bardot ou Beyoncé.
Pourtant, il y a 28 ans, le succès de ce lieu transformiste était loin d’être assuré. Au cœur des vignes médocaines, l’idée que des hommes se “déguisent” en femme choquait encore la population. “Les gens étaient frileux. Ils ne comprenaient pas trop pourquoi on enfilait une robe, on mettait une perruque ou on portait une poitrine. Mais ils sont venus par curiosité et c’est ce qui nous a fait avancer”, explique Fabrice Pesenti, l'un des deux propriétaires du cabaret.
► Le reportage de Lisa Ducazaux et Pauline Juvigny
L'oncle et la tante
En 1991, Fabrice doit relever un second pari, plus personnel. Faire vivre cet ancien café-restaurant, en mémoire de son grand-oncle et de sa grande-tante Saint Sabastien, anciens propriétaires du lieu. “J’ai toujours été amoureux de cette maison, elle avait du caractère. J’ai donc embarqué ma mère pour reprendre l’activité. J’ai grandi ici, c’était un lieu de fête, de bonne restauration où l’on mangeait des pibales et des lamproies”, se remémore Fabrice Pesenti
Je pense qu’ils seraient ravis que ce lieu continue de vivre, mais je crois qu’ils auraient été surpris et un peu sceptiques en me voyant arriver sur des talons.
Fabrice Pesenti,Propriétaire du Saint Sabastien
Mais avec les années, les villages ont perdu de nombreux habitants et l’affluence reste timide. Se transformer, cette fois professionnellement, a donc été la stratégie. Puisant dans sa passion du spectacle, ce maçon refaçonne le lieu en cabaret. “J’ai toujours aimé le spectacle, j’adorais aller au cabaret de Jean-Jean, à Bordeaux. Aujourd'hui, c’est lui qui vient me voir”, s’amuse le propriétaire du cabaret.
Pas question pour autant, de tirer un trait sur le passé. Sur les étagères, entre les talons et les boules à facettes trônent toujours cruches de Ricard et verres estampillés, vestiges de l’enfance du propriétaire.“J’aime garder des traces de la vie qu’il y avait avant, ça fait partie de l’âme de la maison. Comme ce comptoir ou ce gros buffet repeint en violet”, explique Fabrice Pesenti.
Enfant, j’avais une vieille machine à coudre et je créais des costumes pour mes sœurs. On faisait des spectacles, des pièces de théâtre.
Fabrice Pesenti,Propriétaire du Saint Sabastien
Bande de copains
Au départ, en 1996, c’était “une bande de copains” qui animait le lieu. “Il y avait Robert qui travaillait dans les vignes, Bernard, un pâtissier et deux trois copines, dont Betty qui faisait une sublime Mireille Mathieu”, raconte le propriétaire du Saint-Sabastien.
Désormais, l’équipe accueille une ancienne danseuse de l’opéra de Paris, devenue chorégraphe pour les numéros du spectacle. “Le monde artistique a pris le relai, avec des créations plus émouvantes, plus travaillées”, reconnaît le passionné de cabaret.
Fermé en juillet, le lieu propose une vingtaine de spectacles d’ici au mois d’août. En septembre, un nouveau show sera proposé. Entre les rideaux rouges et les murs violets de la salle, le thème semblait tout trouvé. Le spectacle s’intitule “Haut en couleurs”.