L'Opéra de Bordeaux part, malgré tout, à la rencontre de son public

Alors que le monde de la culture manifeste contre la politique du gouvernement en cette période de Covid, comment font les artistes pour continuer à créer et se produire ? L’Opéra de Bordeaux multiplie les opérations hors les murs et les captations pour continuer à respirer.

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Ils ont besoin d’oxygène. Les artistes sont en manque. Tout comme le public. Alors, certains interviennent dans des écoles ou des EHPAD, tandis que d’autres font le choix de passer par des intermédiaires pour diffuser leur art. La direction de l’Opéra de Bordeaux multiplie les initiatives pour que danseurs, chanteurs, ou encore musiciens, continuent de nous enchanter, quel que soit le biais.

" Nous avons juste à cœur de partager notre passion"

Le 11 mars dernier devait se jouer au Grand Théâtre de Bordeaux « Hommage à Anne Franck » avec le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux. La représentation, destinée au jeune public, a été annulée du fait de la crise sanitaire. Mais une solution a été trouvée : le concert a été enregistré pour être diffusé dans les collèges et les lycées inscrits dans les parcours d’éducation artistique et culturel autour de la Citoyenneté.
De la même manière, le Ballet réfléchit lui aussi à un spectacle jeune public à destination des établissements scolaires pour la saison prochaine.

Le Chœur de l’Opéra de Bordeaux, lui, s’est déjà lancé. Ces dernières semaines, il a aussi multiplié les interventions en milieu scolaire tout en respectant les règles sanitaires. Les artistes se sont donc rendus dans différents établissements de la Métropole, dont le Lycée Victor Louis de Talence.
En temps normal, la direction de l’établissement permet à 4000 élèves de se rendre à L’Opéra à travers des sorties scolaires. Cette année, tout a été annulé mais les lycéens n’ont pas été en reste. Ce jour-là une dizaine de chanteurs du Chœur est venue à eux. Plusieurs classes ont pu en profiter notamment la section bilingue italien. Les échanges avec le chef de chœur, Salvatore Caputo, se sont donc faits « en version originale ». Un vrai « plus » pour ces élèves.

De la musique classique, Mélissa n’en « écoute pas forcément ». Elle préfère le rap. "Mais maintenant peut-être que je vais le faire ", dit-elle. Si Inès, élève de 2nde avait quelque petites notions grâce à la chorale, elle l’avoue, "ce n’est pas un truc qui me branche à 100%". Les pupitres les plus graves aux plus aigus sont étudiés. Les élèves apprennent à sentir les vibrations dans leur cage thoracique. Ils découvrent, pour certains, leurs cordes vocales.

C’est un ensemble de voix que je n’ai pas l’habitude d’entendre et franchement du coup ça m’a donné envie d’aller regarder des vidéos et pourquoi pas, d’aller voir plus tard un concert.

Chloé

A voir le plaisir des élèves, la direction de l’établissement envisage de prolonger ces interventions au sein même du lycée, crise sanitaire ou pas. 
Christine Lamicq est une ancienne enseignante. Aujourd’hui, la soprano fait partie du Chœur de l’Opéra de Bordeaux. Alors, ces interventions en milieu scolaire lui rappellent de vieux souvenirs. Et chanter devant un public après une année quasiment blanche devenait vital. "C’est un vrai plaisir parce qu’il y a un partage et ils se rendent compte que nous sommes des gens comme tout le monde, accessibles, et que nous nous avons juste à cœur de partager notre passion ", sourit-elle.

Et l’Opéra c’est de l’émotion. Quand c’est vécu en direct, c’est bien plus fort que derrière un écran de télé.

Christine Lamicq, soprano

Multiplication des captations pour la télévision ou la radio

Les musiciens de l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine font eux aussi des interventions dans des écoles ou des Ehpad. Et parallèlement, ils accélèrent le rythme des captations. Samedi 27 mars, a été diffusé sur France musique « La Voix humaine / Point d’orgue » capté à Paris. Les musiciens de l'ONBA ont en effet remplacé en urgence leurs homologues luxembourgeois au Théâtre des Champs-Élysées pour que cette création soit maintenue.
La semaine dernière, ces mêmes artistes travaillaient sur un bestiaire.  Des œuvres extraites du « Carnaval des animaux » de Saint-Saëns, des extraits du « Lac des Cygnes » de Tchaikovski, « L'Oiseau de Feu » de Stravinski ou encore « Le Vol du bourdon » de Rimski-Korsakov ont ainsi été réunies. La captation qui en a été faite sera utilisée lors d’une exposition, cet été, au Grand Théâtre et également diffusée sur Radio Classique.

Ce jour-là, l’orchestre réalise des « patches ». Certains passages, parfois très brefs, sont retravaillés. En régie, des musiciens et techniciens, casques sur les oreilles, les guident, corrigent et encouragent aussi. Le chef d’orchestre assistant est là pour guider tout le monde dans le petit studio mitoyen de la scène de l’auditorium où jouent les artistes. « Peut-être qu’on fait la fin dans un premier temps pour régler cet accord et ensuite, on refera une prise, si vous le voulez bien », crache une voix depuis un petit haut-parleur positionné sur la scène. « Okay, okay », répond Paul Daniel à la régie, avant de briefer les musiciens. La salle est vide, pas un spectateur. Des micros ont été installés un peu partout par les équipes de la radio.

"On ressort de là (...) beaucoup plus fatigués que quand on a tout donné pour le public ».

« Il faut être très clair avec les couleurs, les dynamiques, l’énergie qui doivent être transférés dans les hauts parleurs, explique Paul Daniel, chef d’orchestre.  Et c’est très important que cette énergie et cet esprit de créer la musique soient très clairs pour un public qui ne voit pas l’orchestre.

Alexis Descharmes, violoncelle solo, confirme. Jouer sans public n’a pas la même saveur et ne procure pas les mêmes émotions. Le travail est donc bien différent. " Quand le public n’est pas là, on n’a pas cette adrénaline, donc on est obligé d'aller chercher une énergie un peu artificielle pour les micros et qui n’est pas du tout la même et qui ne porte pas du tout de la même façon ", dit-il derrière son masque de papier.

On ressort de là, après ces « faux concerts », absolument épuisés, beaucoup plus fatigués que quand on a tout donné pour le public.

Alexis Descharmes, violoncelle solo ONBA

Donner sans recevoir, mais pour encore combien de temps ? Les membres de l’orchestre National de Bordeaux Aquitaine, comme de nombreux artistes, sont obligés de passer par des intermédiaires, que ce soit la télévision ou la radio, pour aller à la rencontre de ce public en manque lui aussi.
Voilà à quoi tous en sont réduits aujourd’hui du fait de la crise sanitaire. En attendant des jours meilleurs, le bestiaire enregistré par l’ONBA sera diffusé sur Radio Classique le 23 avril prochain à 20H30.

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