Au lendemain du drame, la stupeur et l’effroi sont toujours très vifs dans ce quartier pavillonnaire de Mérignac. Une femme âgée de 31 ans, mère de trois enfants, est morte en pleine rue, après avoir été brûlée vive par son compagnon. Il venait de sortir de prison.
C’est l’incompréhension dans ce quartier pavillonnaire réputé tranquille de Mérignac. Comment un tel drame a-t-il pu avoir lieu ? Il est 18 h 10, ce mardi soir 4 mai, quand des habitants de l’avenue Carnot entendent des cris et plusieurs détonations.
" Au départ, on croyait qu’il s’agissait de pétards confie un riverain. On pensait que des jeunes s’amusaient".
Mais très vite, ils prennent la mesure du drame qui est en train de se nouer. Selon les premiers éléments, la femme âgée de 31ans, parvient à s’enfuir de la maison, mais ne peut aller très loin, poursuivie par son compagnon armé dans la rue.
On l’ a croisé, il est passé devant nous avec un fusil de chasse et des cartouches. On a appelé la police. Entre temps, il a mis le feu à la maison.
Selon le parquet de Bordeaux, " deux témoins la voient alors tomber au sol ". Son conjoint, armé, lui tire dessus une première fois, puis une deuxième. Elle est blessée, touchée aux cuisses allongée sur la voie publique, mais respire encore.
L’individu âgé de 44 ans, duquel elle était officiellement séparée, s’empare d’un bidon dans une camionnette stationnée à proximité, asperge son épouse d'un liquide et l'immole par le feu. Les secours n’ont pas pu la sauver. La maison familiale située à quelques centaines de mètres du lieu du drame était dans le même temps découverte en partie incendiée, vide de tout occupant.
L'auteur qui a quitté les lieux à pieds sera interpellé par les services de la BAC, sans occasionner de blessé parmi les forces de l'ordre, peu de temps après, à 18 h 45 à proximité, avenue Léon-Blum, sur la commune de Pessac.
Le parquet confirme que l'intéressé était lourdement armé, porteur d'un fusil de calibre 12, d'un pistolet à gaz et d'une ceinture de cartouches. Après une première enquête, il s’avère que Mounir B, est défavorablement connu des services de police et de l'autorité judiciaire.
Il venait de sortir de prison
Sa femme, Chahinez, était une femme battue. Ces violences conjugales dont elle était victime étaient connues dans le quartier. Toujours selon le même riverain, qui tient à rester anonyme, la police était venue à plusieurs reprises au domicile conjugal.
Il y a eu des rapports médicaux. La première fois, on n’ a pas compris, elle a eu le larynx écrasé à 75%, pour moi, il y avait déjà tentative de meurtre !
Des voisins affirment que les familles respectives faisaient pression pour que le couple revive sous le même toit. Ce que la jeune femme aurait accepté. L’entourage explique que le mari était revenu dans la maison, il y a peu de temps malgré une interdiction d’entrer en contact ou d’approcher son épouse ordonnée par la justice.
Elle était très gentille, discrète. C’est quelqu'un qui fermait les volets quand son ami gueulait pour pas que ses voisins l’entendent.
Déjà condamné pour violences sur la victime
"Chahinez disait que c'était un monstre. En juin, elle avait eu le larynx écrasé. Il n'a fait que trois mois de prison et il continuait à circuler dans le quartier", ajoute Anne, qui se souvient d'avoir vu la victime avec "deux yeux au beurre noir".
Le 15 mars, Chahinez avait porté plainte au commissariat de Mérignac contre son conjoint pour une agression commise dans la matinée, selon le parquet. Mais l'intéressé, recherché par la police, était "introuvable". Il avait été condamné le 25 juin 2020 par le tribunal correctionnel de Bordeaux dans le cadre d'une comparution immédiate pour violences volontaires par conjoint, la même victime, à la peine de 18 mois dont 9 mois assorti d'un sursis probatoire pendant 2 ans avec mandat de dépôt décerné à l'audience.
Ensemble, ils ont eu un enfant. Les deux autres de la maman sont issus d’une première union. Âgés de 3,7 et 11 ans, ils ne se trouvaient pas au domicile au moment des faits.
Les deux plus jeunes étant dans une structure de garde, l'aîné chez une amie. Ils ont fait l'objet d'une prise en charge psychologique par le SAMU. Ce mercredi, une cellule psychologique est mise en place à partir de 18 heures au Centre social et culturel du Burck à Merignac pour toutes celles et tous ceux qui souhaitent parler de ce traumatisme.
"Cela se voyait qu'elle se faisait battre. Mais elle était très discrète, elle disait à nos mères que c'était compliqué", explique Chahima, 19 ans, qui a ouvert une cagnotte via Instagram (TousavecChahinez) "pour qu'elle puisse être enterrée en Algérie auprès de sa famille". Son pays, d'où elle était arrivée il y a cinq ans. Elle s'était alors mariée à Mounir B, algérien également.
Pas de téléphone
De nombreuses questions restent en suspens. La mise en danger de la victime avait-elle été évaluée à sa juste mesure à la sortie de prison de son compagnon, pourtant condamné pour violences conjuguales ? Comment Mounir B a t-il pu revenir au domicile conjugual en dépit de l'interdiction d'approcher son épouse ? Selon le parquet de Bordeaux, Chahinez ne disposait pas de téléphone grave danger, ce téléphone mis en place pour les victimes de vioences conjugales qui permet d'alerter les secours très rapidement, en appuyant sur une seule touche. Mounir B, lui ne portait pas de bracelet électronique.
Une enquête est ouverte du chef d'homicide volontaire par conjoint et destruction par incendie. Elle a été confiée à la sûreté départementale. Mounir B est toujours entendu en garde à vue ce mercredi.
Selon les associations de défense des victimes de violences conjugales, 38 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint depuis janvier 2021. Avec le meurtre de cette maman à Mérignac, il s'agit du 39è féminicide enregistré en France cette année.
Marlène Schiappa déléguée chargée de la citoyenneté se rend en Gironde ce jeudi 6 mai. Elle se rend au commissariat de Mérignac avant un point-presse à la préfecture de la Gironde.
Le reportage à Mérignac de Thibault Grouhel, Nicolas Pressigout et Sylvie Tusc-Mounet