Les photos de champignons commencent à "fleurir" sur les réseaux sociaux. C'est de saison, ou presque : nous n'en sommes qu'aux premières pousses. On vous donne quelques conseils pour une cueillette en toute sécurité.
Depuis quelques jours, les ramasseurs exhibent leurs toutes premières trouvailles de la saison. Pour certains, il ne faut pas chercher bien loin de Bordeaux ! Des girolles, quelques jeunes cèpes... de quoi faire saliver les amis sur les publications.
Les habitués, qu'ils cueillent dans les Landes ou le Médoc, tairont bien sûr leurs coins, mais quelques-uns vous gratifieront de la photo d'une belle poêlée de cèpes ou de girolles. De bolets ou de pieds de moutons pour les connaisseurs.
Première poêlée de #cèpes
— 𝕃'Â𝕞𝕖 𝕒𝕘𝕚𝕥 (@Fabricebx) September 15, 2024
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Mais ce n'est que le début. L'été n'est pas encore vraiment terminé, même si les températures nocturnes ont baissé, surtout cette dernière semaine. "Ça commence à peine chez nous", témoigne le mycologue Jacques Boyer, qui a pu faire quelques sorties.
Cet expert en champignons est, avec Aurélie Sanchez, co-gestionnaire de l'association CEMA (Cercle d'Études Mycologiques en Aquitaine) qui rassemble une cinquantaine d'adhérents. Il assure n'avoir pas trouvé grand chose lors de ses dernières sorties, si ce n'est "des choses qui nous intéressaient nous". Autrement dit, rien de bon à se mettre sous la dent.
Le passionné comprend cet engouement de début de saison, mais met en garde contre l'enthousiasme inconscient de certains amateurs et délivre quelques conseils.
On ne va pas n'importe où
"En général, un champignon est associé à un arbre. Par exemple, le cèpe de Bordeaux est associé aux chênes ou châtaigniers. Pas la peine d'aller dans les pinèdes du bord de l'Atlantique ! Sous les pins, il y a d'autres bolets ou catalans par exemple", détaille Jacques Boyer.
Ensuite, les forêts en Aquitaine sont très souvent des domaines privés, même si vous ne voyez pas de clôture. "La bonne pratique commence par aller fureter dans des bois communaux ou municipaux. Quand ce sont des parcelles privées, on n'est pas censé aller chercher des champignons dedans ou alors avec l'accord du propriétaire. C'est une loi générale : ce qui est sur un terrain appartient au propriétaire de ce terrain", rappelle le mycologue.
On choisit bien son équipement
Comment doit-on s'équiper ? Le mycologue est formel : "On prend un panier, pas de sac en plastique !" La raison est très simple : "il faut savoir que les champignons sont des organismes à putréfaction très rapide.
Si vous les mettez dans le plastique, la belle récolte que vous avez faite le matin, le temps de rentrer chez, vous, avec le soleil, elle deviendra un nid à bactéries
Jacques BoyerMycologue
Des bactéries qui pourraient avoir des conséquences fâcheuses. Vous risquez "une bonne gastro et même un séjour à l'hôpital", ajoute Jacques Boyer. Pas de la faute du champignon mais des bactéries.
Autre équipement indispensable : un couteau. "Parce qu'un champignon, ça se déterre, on ne coupe jamais le pied au ras du sol ! Ça ne sert à rien de le laisser, il ne repoussera pas", rappelle le passionné. Et ensuite, en coupant, on se prive d'informations. "Sur ce bas du pied, il y a souvent des caractères discriminants permettant une bonne identification".
On se renseigne avant la dégustation
Jacques Boyer préconise aux novices qui ont des doutes sur la cueillette, de se renseigner auprès des pharmaciens. , "Quand ils s'y connaissent !", insiste-t-il. Car même si la mycologie fait partie du programme d'enseignement des pharmaciens, elle n'est pas également enseignée ni suivie.
Autre piste, les associations mycologiques, qui seront à même de vous renseigner ou vous mettre en garde.
"On se renseigne AVANT de manger !" , insiste Jacques Boyer. La préconisation peut sembler incongrue ou faire sourire, mais il n'est pas rare pour le spécialiste de recevoir des photos de la cueillette, voire de la poêlée, après le festin de champignons... Et les symptômes des amateurs, parfois inconscients, vont du simple dérangement gastrique au risque mortel.
En cas de doute, on appelle le centre anti poison
Le mycologue est lui-même expert auprès des centres antipoison nationaux. "Au niveau national, il y a près d'une trentaine d'identifications par jour !"
Une interface a été mise en place avec une "mycoliste" des champignons, permettant aux urgentistes de répertorier les symptômes. Avec les photos des patients intoxiqués, ils peuvent partager et identifier grâce aux experts, le type de champignons.
"Cette mycoliste permet une intervention très rapide avec un contact auprès d'une cinquantaine de mycologues qui peuvent, sur le nombre, répondre aux urgentistes. Les professionnels de santé pourront alors adapter le protocole de soins, le plus rapidement possible. Et dans certains cas, cet appel sauve des vies.
L'amanite phalloïde, il faut intervenir dans les six heures. Elle est mortelle. Et des amanites phalloïdes, il y en a partout !
Jacques BoyerMycologue