Les livreurs à vélos sont à bout. Dans une cinquantaine de villes, ce samedi 2 et dimanche 3 décembre, les coursiers à vélo se rassemblent pour dénoncer une précarisation croissante de leur métier. Leur rémunération a baissé de 80% en six ans.
Place de la Victoire dans le centre de Bordeaux, une cinquantaine de cyclistes est rassemblée. Dans leurs dos, ces sacs devenus les symboles des coursiers des grandes plateformes de commandes de repas.
Ce ne sont pourtant pas les degrés qui freinent leur mobilisation. “Ils craignent de ne plus pouvoir travailler s’ils sont identifiés”, nous souffle un de leur collègue, le casque vissé sur les oreilles.
Pédaler pour 2,85€
Leur colère a explosé fin novembre, lorsque Uber Eats, suivi par les autres plateformes, ont décidé de baisser leur rémunération, unilatéralement. “Depuis six ans, elle a baissé de 80 %, dont 40 % tout récemment. Mon quotidien, c’est de pédaler pour livrer un burger sous la flotte pour 2,85 € contre au moins 5 € il y a cinq ans”, tempête Jérémy Wick, un coursier bordelais.
En “grève” temporaire, ces livreurs ne peuvent toutefois s’empêcher de consulter leur téléphone, qui sonne sans cesse. Sur leur écran, des propositions de course s’affichent. “Là, c’est une commande de 10 km pour 14 €. Le retour n’est évidemment pas compris là-dedans”, ironise Jérémy Wick.
Une précarisation qui pousse ces travailleurs indépendants à multiplier les courses et les heures. “Pour avoir un SMIC, il faut faire au moins 120 h par semaine. Certains ne s’arrêtent pas de 6 h à 22 h, voire plus tard”, souffle Khalifa Koeta, coprésident de l’AMAL, l'Association de mobilisation et d'aide aux livreurs.
Six fois plus dangereux que le bâtiment
Une course pour leur client, mais aussi contre le temps. “On est payé environ cinquante centimes du kilomètre, du coup, on prend forcément des risques”, explique Khalifa Koeta.
Ce mois-ci, certains nous confient avoir enterré au moins trois de leurs collègues. Tous, confirment assister au moins à un accident par jour. “Nous sommes la profession la plus accidentogène, tous métiers confondus. Être livreur, c’est six fois plus dangereux que de travailler dans le bâtiment”, illustre Jérémy Wick.
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Pour engranger un maximum de courses, tout en limitant les risques, certains optent désormais pour la voiture. “C’est strictement illégal, mais les plateformes font jouer la concurrence et préfèrent fermer les yeux”, explique Zélia Braze, représentante syndicale en Nouvelle-Aquitaine de l’Union des Indépendants qui couvre les livreurs à vélo et les chauffeurs VTC. “Quand des coursiers font des livraisons de 29 km en quinze minutes, tout le monde sait bien que ce n'est pas à vélo”, assène-t-elle.
Loin d’être les premières, ces manifestations nationales veulent faire pression sur ces plateformes, souvent localisées à l’étranger. “Chaque bataille mènera vers la victoire”, veut positiver Jérémy Wick. “Déjà, une directive de la commission européenne sur la présomption salariale pour les travailleurs de ces plateformes vient d’être adoptée.”
Se battre pour des toilettes
De leur côté, les syndicats confient échanger avec le ministre du Travail pour établir un cadre juridique pour limiter les actions de ces plateformes. “Leur rémunération est opaque, leurs comptes sont suspendus sans préavis, nous avons même dû négocier un tarif réduit pour permettre aux livreurs de s’acheter les sacs”, liste Zélia Braze. Ces sacs, vendus initialement à 120 € leur sont désormais proposés à 43 €. Un coût conséquent auquel s’ajoute leur moyen de locomotion, leur équipement, jusqu’à leur mutuelle. “On a dû se battre pour qu’ils aient un local où se retrouver et se protéger des intempéries et tout simplement aller aux toilettes”, indique la syndicaliste.
Face à cette colère, la direction d'Uber Eats a tenté d'apaiser les tensions en proposant une augmentation temporaire du revenu horaire. "Après avoir entendu les inquiétudes sur la nouvelle tarification exprimées par certains livreurs, nous portons temporairement la garantie minimale de revenu horaire de 11,75€ à 14€ et nous prenons nos responsabilités pour nous assurer que le niveau moyen de tarification des courses demeure identique”, indique un porte-parole de la plateforme.
Dimanche, un nouveau rassemblement est annoncé à Bordeaux, place de la Victoire. Sous leur casque, ces livreurs espèrent faire avancer les choses. “Nous voulons seulement être reconnus comme des humains et être payés dignement”, ponctue Jérémy Wick, enfournant son vélo vers une nouvelle commande.