L'Insee a, pour la première fois, coopéré avec les agents de la Ville de Bordeaux, les associations caritatives et des habitants bénévoles pour compter les SDF dans la nuit de jeudi 20 à vendredi 21 janvier 2022.
"C'est une volonté de recenser les sans-abri, ceux qui passent les nuit dehors. A la rencontre des personnes qu'on ne voit pas", explique Pierre Hurmic, maire de Bordeaux.
La Ville de Bordeaux a organisé la première édition de la Nuit de la solidarité jeudi 20 janvier 2022 de 18h à minuit, en collaboration avec l'Insee pour le recensement de la population. L'objectif de cette opération est de connaître précisément le nombre de personnes sans-abris, leurs profils et leurs besoins "afin de définir des politiques publiques solidaires adaptées au territoire".
450 bénévoles mobilisés
C'est un constat partagé par de nombreuses grandes villes en France dont Bordeaux. "Il existe un flou sur le nombre de gens vivant à la rue, ils ne sont pas tous recensés, on n'a pas de chiffres antérieurs ", selon Harmonie Le Cerf, adjointe à la mairie de Bordeaux qui participe pour la première fois à ce recensement national avec 17 autres villes.
L'idée de cette Nuit de la solidarité est d'identifier les personnes à la rue, quartier par quartier. Pour cette opération de grande ampleur, la Ville de Bordeaux a réussi à mobiliser 450 bénévoles pour participer à ce recensement auxquels s'ajoutent 165 agents municipaux.
"130 chefs d'équipe se sont répartis les 91 divisions de la ville qui correspondent au découpage de l'Insee. ll y avait plusieurs équipes dans les secteurs à forte densité, c'est-à-dire qui correspondent à des bidonvilles, explique l'adjointe. "C'est le cas sur les quais de Brazza, et de la Souys ou à Bordeaux-Lac où il y a de grands campements sauvages".
Parmi les bénévoles, de nombreux élus, des habitants, des étudiants, des membres d'associations comme le Samu social ou des agents du CCAS qui ont tous reçu une formation de l'Insee pour mener le recensement auprès de ces populations.
561 personnes ont été recensées
Grâce à cette mobilisation sans précédent, 561 personnes ont été recensées hier dans les rues et les campements de la ville. "Ces personnes viennent s’ajouter aux 287 hommes, femmes et enfants actuellement à l’abri dans des squats, dont le recensement a été effectué par les services municipaux et métropolitains en parallèle de la Nuit de la Solidarité. Ce sont ainsi au moins 858 personnes qui nécessitent une mise à l’abri urgente à Bordeaux", selon un communiqué de la mairie ce vendredi au lendemain de l'opération de recensement.
Des chiffres totalement contestés par la préfète de la Gironde Fabienne Buccio.
"La réalité des appels au 115 (cette nuit-là ) dément formellement ce chiffre. Aucun appel n'a été recensé pour une demande d'hébergement d'urgence alors des places étaient disponibles" fait-elle savoir dans un communiqué de presse.
"L'amalgame des situations enlève toute crédibiltlé à cette action" déplore Fabienne Buccio. "Le nombre de personnes en situation d'urgence à la rue n'est pas connu. C'était pourtant l'intérêt de l'opération." conclue-t-elle. La préfète déplore ce mélange des situations et des réalités très différentes : les personnes dormant réellement à la rue, campements de rom et personnes en squat, décrit le communiqué préfectoral.
Des questions pour quoi faire ?
Les bénévoles sont allés à la rencontre des SDF. Leur mission était de leur poser des questions sur leur âge, leur situation familiale, depuis quand elles sont à la rue et pourquoi. Quand a eu lieu leur dernière consultation avec un médecin, ou encore est-ce qu'elles ont déjà appelé le numéro d'urgence sociale le 115.
Un formulaire traduit en français, en anglais, en bulgare et en arabe leur a été également remis.
Les résultats définitifs et complets seront communiqués par l'Insee en mars/avril, mais, dans la journée de ce vendredi, la mairie de Bordeaux devrait communiquer sur le nombre de personnes rencontrées hier soir.
"Au-delà du recensement, en fonction des réponses aux questionnaires, on verra comment la Ville de Bordeaux peut trouver des solutions pour ceux qui veulent être aidés. C'est la première fois que l'on fait cela à Bordeaux", selon Pierre Hurmic.
"La Ville de Bordeaux et son CCAS sont pleinement mobilisés pour y contribuer : par l’hébergement de 43 familles (près de 100 personnes) au sein du patrimoine municipal, et par l’ouverture de structures dédiées à l’accueil des sans-abris, comme l’hiver dernier à Gouffrand, cet hiver aux Chartrons, avec la Fondation Abbé Pierre et Aquitanis, et dans les semaines qui viennent avec la création d’hébergements modulaires. La Ville poursuit également son travail pour faciliter l’accès de toutes et tous à l’hygiène, avec l’installation de douches publiques, à la santé, avec une mutuelle solidaire, à la nourriture, avec une augmentation de 90 000 € du budget dédié à l’aide alimentaire" selon le communiqué de la mairie.
Un logement pour trouver un travail
Lors de la Nuit de la solidarité, les bénévoles ont croisé Romain dans le secteur de la rue Sainte-Catherine, à Bordeaux. Romain est coiffeur de profession et vit dans la rue depuis un an et demi. L'homme, âgé d'une trentaine d'années, a répondu aux questions du recensement en se demandant si cela va l'aider à trouver un logement rapidement.
"Je suis à la rue depuis un et demi et je me bats pour obtenir un logement. Je suis coiffeur et je peux facilement trouver un emploi, mais j'ai besoin d'avoir un domicile pour travailler".
Je dois être présentable et en forme pour travailler, et quand on dort dehors, c'est pas facile.
Romain, coiffeur et SDF à BordeauxFrance 3 Aquitaine
"A Bordeaux, il n'y a aucune structure à l'écoute", déplore ce SDF. "ils mélangent toutes les personnes dans les centres d'hébergement d'urgence. Les gens sortis de prison avec les migrants et les gens comme moi qui cherchent du travail. Je me suis battu pour trouver un emploi, mais le CAIO (ndlr le centre d'accueil et d'information pour les personnes en situation de précarité à Bordeaux) ne m'aide pas pour trouver un logement je ne comprends pas pourquoi. Et là, je suis à bout de force", témoigne Romain désespéré.
Voir le reportage de Catherine Bouvet et Thibault Grouhel :