Dans le Blayais, en Gironde, les riverains de la centrale nucléaire de Braud et Saint-Louis ont à leur disposition en pharmacie des comprimés d'iode à utiliser en cas d'incident nucléaire. Une campagne de distribution a commencé, mais selon des associations environnementales, les habitants seraient peu informés de l'existence de ces pastilles.
Isabelle est née à Braud-et-Saint-Louis. Dans cette commune du nord Gironde, la centrale nucléaire fait partie du paysage. Et parce qu'elle vit dans un périmètre de 10 kilomètres de la centrale du Blayais, elle est concernée par la campagne de renouvellement et de mise à disposition de comprimés d’iode. Celle-ci a été lancée le 16 septembre, aucun justificatif n'est demandé.
Pas de quoi inquiéter la Girondine, venue les chercher en pharmacie. "Il faut, on ne sait jamais. On se dit qu'il n'y a aucun risque, c'est aussi bien de les avoir", estime-t-elle dans un sourire.
Des communes exclues
Ces campagnes, instaurées tous les cinq ans, semblent ne pas être aussi efficaces qu'elles le devraient, pour informer et ainsi protéger ces populations. La dernière fois, seules 25 % des personnes concernées étaient venues retirer leurs comprimés en pharmacie.
La nouvelle campagne prévoit donc une distribution sur 10 km à la ronde autour de la centrale, au lieu des 20 km prévus par l'arrêté préfectoral de mai 2018. Situé à 15 km, Blaye et ses habitants ne font donc plus partie de ce périmètre. Ce qui étonne fortement le pharmacien de Blaye. "C'est un peu embêtant parce qu'on est quand même assez proches ! Les gens qui travaillent à la centrale sont clients de la pharmacie", déplore-t-il.
Les habitants déplorent également le manque d'informations autour du risque, assurent n'avoir reçu aucune communication à ce sujet.
Même si ce n'est pas de grosses réunions, on pourrait quand même envoyer un courrier, prévenir les gens. Nous, on habite à côté quand même...
Un Blayais
Insuffisant selon les associations
Plusieurs associations environnementales et l'association Que Choisir estiment le dispositif mis en place est insuffisant, qu'il s'agisse de la largeur du périmètre comme de la campagne d'information. La Sepanso, "Estuaire pour tous", "l’Association de défense des sites et habitants de Haute Gironde", "Saintonge boisée vivante" et Greenpeace dénoncent le fait que seuls les habitants de ce périmètre de 10 kilomètres sont informés.
Patrick Maupin, de la Sepanso 33 (Commission nucléaire du Blayais), estime, lui, que l'Etat est défaillant. "C'est une règle portée dans le code de la sécurité intérieure : l'Etat est responsable de la sécurité civile, de la définition et du contrôle des moyens", insiste-t-il.
L'iode, pour protéger la thyroïde
Ces distributions préventives sont organisées depuis 1997. Un accident sur un réacteur nucléaire peut engendrer un rejet d’éléments radioactifs dans l’atmosphère contenant notamment de l’iode radioactif. Le premier danger, immédiat, est l'iode 131, un gaz radioactif. D'après l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, si ce gaz est respiré ou avalé, il "se fixe sur la glande thyroïde et peut ainsi augmenter le risque de cancer de cet organe, surtout chez les jeunes".
La prise d'un comprimé d'iode stable, dans ce cas-là, "protège de manière temporaire la thyroïde". Celle-ci "va absorber l’iode stable jusqu’à saturation, et ne pourra donc plus incorporer l’iode radioactif qui serait éventuellement respiré ou ingéré", lors de rejets radioactifs dans l'environnement.
Pour cela, le comprimé doit être ingéré "quelques heures précédant l'exposition ou à défaut, le plus rapidement possible, dans les premières heures après". Les personnes les plus sensibles aux effets de l'iode radioactif sont les femmes enceintes, les femmes allaitantes et les enfants dont la thyroïde est encore en formation. Des personnes sensibles qui, en l'état actuel des connaissances, ne présentent pas de contre-indication à l’administration d’iodure de potassium.
Dans un communiqué, la préfecture de la Gironde rappelle qu’en "cas de déclenchement des sirènes d’alerte, et du dispositif FR Alert (alerte par notification ou SMS sur les téléphones portables), il faut se mettre à l’abri dans un bâtiment en dur et se tenir informé du comportement à adopter". C'est dans ce cas-là que "le préfet peut être amené, sous certaines conditions, à ordonner la prise d’iode stable, mettre à l’abri ou évacuer tout ou partie du périmètre couvert par le rejet atmosphérique".