Ordures, dépôts sauvages, incivilités : dans ce quartier de Bordeaux, les habitants sont à bout

Le quartier populaire de Saint-Michel à Bordeaux est sale. Malgré six ramassages de poubelles par semaine, les déchets s'amoncellent au coin des rues, au grand dam des riverains. La mairie, consciente du problème, tente d'agir et lance, dès juin, une brigade anti-incivilités qui aura pour mission de verbaliser les contrevenants.

"Hier matin, en sortant de chez moi, j'ai retrouvé mes roses trémières, qui sont plantées devant la façade de mon domicile, arrachées et jetées en morceaux sur le trottoir", déplore Jean-Luc (le prénom a été modifié). Installé dans le haut du quartier Saint-Michel à  Bordeaux, entre le cours Victor Hugo et la place de la Victoire, il constate que "les saletés et les incivilités vont crescendo ces dernières années".

Dépôts d'ordures sauvages

Jean-Luc habite le quartier depuis 24 ans. Le quartier Saint-Michel a toujours été "un peu sale, mais la situation se dégrade". Le ramassage des poubelles noires par les agents de Bordeaux Métropole se fait quatre soirs par semaine à 21 heures, et celui de la poubelle jaune, deux fois par semaine. Malgré cela, des déchets sont déposés quotidiennement sur les trottoirs.

Les dépôts sauvages sont quotidiens à l'angle des rues. Poubelles éventrées, meubles démontés, des matelas, etc.

Jean-Luc,

habitant du quartier Saint-Michel à Bordeaux

"Cela se produit la nuit. Et quand je ne rentre pas mon bac noir le soir vers 23 heures, je le retrouve plein le lendemain matin : d'autres gens s'en servent", raconte ce Bordelais qui, avec son voisin, appelle "très souvent" le numéro Allo mairie proximité.

"Ce service de la ville est généralement assez réactif pour les déchets légers, mais quand ce sont des meubles, c'est plus long, il faut insister".

Tous les habitants du quartier Saint-Michel font le même constat. Une réunion du conseil de quartier en présence d'Olivier Cazaux, élu à la mairie de Bordeaux, a permis de faire récemment un état des lieux et de présenter les mesures engagées pour y remédier.

Plusieurs rues du quartier sont impactées par les saletés et les incivilités : rue Permentade, rue Leyteire, ou rue Bigot. Mais aussi le bas de Saint-Michel, vers la place centrale de la Flèche et les Capucins.

Plus de 27 % de déchets en deux ans 

Olivier Cazaux a présidé la réunion de quartier le 22 mai dernier. Le quartier Saint-Michel est réellement de plus en plus sale. L'élu bordelais annonce des chiffres en augmentation dans le sud de la ville. Sacs-poubelles déposés en dehors du bac noir : 740 kg par habitant et par an, contre 400 kg/hab dans les autres quartiers de la ville. Et 1 500 encombrants sont enlevés chaque mois : canapés, meubles et objets lourds. Soit 27 % de plus de déchets dans les rues entre 2021 et 2023.

Depuis le Covid, les habitudes ont changé. Il y a davantage d'emballages individuels, les gens achètent plus de repas à emporter et mangent dans la rue. Ils jettent aussi plus facilement les déchets sur la voie publique.

Olivier Cazaux,

maire de quartier Saint-Michel, à Bordeaux

"L'incivilité est bien là"

Y a-t-il suffisamment de poubelles dans les quartiers ? Des habitants se posent la question.

Sur le cours de la Marne, entre la gare Saint-Jean et la place de la Victoire, la ville de Bordeaux vient d'installer douze nouvelles corbeilles dans la rue. "La ville n'est pas plus propre pour autant", constate le maire de quartier. " Cela fait plus de travail pour les agents, mais pas de résultat, l'incivilité est bien là".

Selon la mairie de Bordeaux, de nombreux professionnels, restaurateurs ou commerçants, "ne jouent pas le jeu". Malgré des opérations citoyennes de sensibilisation les années précédentes, mégots et  déchets augmentent sur la voie publique.

Une nouvelle brigade anti-incivilités

Les habitants ont effectivement un numéro d'appel Allo proximité. "Nous avons une délégation de service publique avec Suez qui a entre 48 h et 72 h pour intervenir. Mais, il faut prendre rendez et cela peut prendre du temps, car les encombrants sont nombreux et les agents n'ont pas toujours le temps de tout embarquer, reconnaît l'élu. Une situation qui "génère des frustrations et des interrogations de la part des riverains". Trois agents de quartier font aussi des rondes pour signaler les rues à nettoyer. Rien n'y fait.

La propreté est un vrai sujet à la mairie de Bordeaux. Un des engagements du maire écolo Pierre Hurmic. Une brigade incivilités déchets existe depuis plusieurs années. Elle arpente les trottoirs de la ville, fait les poubelles aussi parfois pour trouver une facture, une adresse, le nom du dépositaire des déchets à la sauvage, hors bac. Une facturation est alors adressée au contrevenant pour le coût de l'enlèvement.
"De nombreux commerçants ont été verbalisés, assure Olivier Cazaux, mais cette verbalisation n'est pas comme une amende de police". En juin, la mairie va lancer une nouvelle brigade anti-incivilités, une branche de la police municipale, avec des pouvoirs de police, qui pourra mettre des contraventions aux personnes qui jettent leurs ordures dans les rues, "un engagement de Pierre Hurmic".  "Le problème est général dans tous les quartiers de la ville", poursuit le maire de quartier.

Bordeaux est une belle ville, mais on la salit.

Olivier Cazaux,

maire de quartier Saint-Michel, à Bordeaux

"Dix mois d'attente pour évacuer mes déchets verts"

Le manque de déchetterie au sud de la ville est aussi une explication. La déchetterie provisoire Carles-Vernet est actuellement hors-service. "Pour évacuer les encombrants, c'est une problématique". Et malgré l'extension du quartier Belcier-Saint-Jean-Vernet, rien n'est envisagé à ce jour, selon la mairie.

Les riverains de Saint-Michel déplorent en même temps le manque de solution pour les biodéchets. "Je me suis inscrit, mais la liste d'attente est de dix mois pour évacuer mes déchets verts rue Duhamel, regrette Jean-Luc, et ce malgré la législation qui impose l'obligation du tri des biodéchets depuis le 1ᵉʳ janvier 2024.

De l'incivilité à l'insécurité

Ce manque de propreté s'ajoute au sentiment d'insécurité des riverains, " Certaines rues sont à éviter, elles ne sont pas fréquentables à partir de certaines heures du soir, surtout pour les jeunes filles, poursuit par ailleurs Jean-Luc dont la fille n'est pas rassurée quand elle circule seule à pied à Saint-Michel.

Dans le quartier, l'insécurité est, elle aussi, devenue un problème majeur. "À notre arrivée à la mairie de Bordeaux, la nouvelle majorité a fait faire un audit sur ce sentiment d'insécurité. Le manque de propreté dans une rue donne un sentiment d'insécurité justement, c'est étonnant, mais c’est une réalité", dit l'élu.

Pour rappel, le quartier Saint-Michel fait l'objet d'un GLTD (groupement local de traitement de la délinquance) depuis 2021. Trois secteurs "sous tension" ont été identifiés : l'axe Victoire-cours de la Marne-Capucins, le bas du cours Victor Hugo (près de la porte Bourgogne), et le secteur des quais de la Garonne.

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