Ce mardi 9 février, une nouvelle permanence de la mairie a été inaugurée. On y trouvera différents services de proximité, de médiation, d’Etat civil mais aussi une permanence des élus. « Ça peut changer quelque chose », juge un habitant. « Il faut aller plus loin », répond un autre.
Au pied des barres, quelques caméras, un petit groupe de personnes, dont le maire de Bordeaux Pierre Hurmic et son adjoint de quartier. A quelques pas, ils observent la scène. Parfois dubitatifs.
Ce mardi matin 9 février, une permanence municipale a été inaugurée dans le quartier des Aubiers. C’est la maison du projet qui va l’accueillir. Elle ouvrira ses portes trois jours par semaine. Les habitants pourront y rencontrer les élus, avoir recours aux services de l’Etat civil, ou encore à des médiateurs. Un signal fort de la mairie en direction de cette cité du Nord de Bordeaux, seulement quelques semaines après la mort d’une jeune de 16 ans lors d’une fusillade. Un pari, aussi. Pour certains habitants, si cette permanence n’est qu’une façade sans action réelle, alors les tensions pourraient être ravivées.
« Reprendre confiance dans les institutions »
Cette permanence était dans les tuyaux depuis quelques temps, mais les récents évènements survenus début janvier dans la cité auraient apparemment accéléré la dynamique. La mort du jeune Lionel, âgé de 16 ans, lors d’une fusillade a semble-t-il précipité l’ouverture de cette permanence. « Il était prévu dans le programme de Bordeaux Respire que la mairie reviendrait au cœur de la cité en utilisant les locaux actuellement occupés par le centre d’animation dans le cadre du projet urbain », expliquait ce matin Vincent Maurin, maire adjoint du quartier Bordeaux Maritime. « On ne peut pas attendre le projet urbain, il faut que le projet vienne tout de suite ».
L’objectif est clairement de retisser un lien entre les pouvoirs publics et les habitants de ce quartier qui se sentent délaissés. « Il est important que les habitants qui ont un sentiment légitime de relégation, de déclassement, puissent reprendre confiance dans les institutions », analyse le maire adjoint du quartier. « La Ville est l’institution de proximité par excellence. Il était donc important qu’on ait une réponse immédiate, urgente, dans une cité qui a besoin d’une autre considération. Et il est urgent également de refonder un dialogue intergénérationnel, habitants / élus, habitants / associations, pour construire ensemble et accompagner le projet de renouvellement urbain ».
« Dans un moment vraiment difficile où les services publics sont malmenés, il était important que la ville montre l’exemple. Et aujourd’hui c’est un premier exemple du retour du service public dans la cité ».
Des élus sur le terrain ?
C’est l’objectif affiché. Certains habitants sont pour le moins circonspects. « En ce qui me concerne, je ne pense pas que ce soit une bonne idée », annonce Samy. « Pour que ce soit une bonne idée, il faudrait que ce soit pour pas mal de gens ici un centre d’intérêt, et je n’y vois pas actuellement l’intérêt (…). Là, récemment on a demandé à ce qu’il y ait une aire de jeux pour les petits du quartier parce qu’ils n’ont pas de quoi s’extérioriser etc. Ça n’a jamais été fait. Donc la permanence je ne vois pas quel intérêt. Ça doit certainement être dans leurs centres d’intérêt à eux. Nous en ce qui nous concerne, ça ne va rien changer ».
De leurs côtés les élus y voient une vraie dynamique. « Lorsque j’ai proposé d’ouvrir cette permanence à l’ensemble des élus de la majorité municipale, il y a eu des réponses quasi spontanées d’un grand nombre d’entre eux », se réjouit Vincent Maurin. « Ça montre que nos élus, notamment nos jeunes élus qui n’ont pas encore toute l’expérience politique, ont envie d’occuper le terrain. C’est vraiment à l’image de ce qu’on essaie de distiller avec Pierre Hurmic. Des élus de terrain, à disposition des habitants, et cette permanence leur donne l’occasion de venir au cœur de la cité".
« A l’image de », justement les habitants se méfient des discours politiciens et de l’image qu’ils souhaitent renvoyer. D’autant qu’ils ont eux-mêmes le sentiment de pâtir d’une image dégradée. « Si c’est juste pour venir et montrer que voilà, qu’il n’y ait pas de suite, ça ne sert à rien », annonce Samy. « Et c’est justement à cause de ce genre de choses qu’il y aura encore plus de tension. Le fait de ne pas voir ces choses aboutir, ça peut créer d’autres tensions (…). Quand vous laissez quelqu’un à l’abandon, à un moment, il se démerde comme il peut. Et des fois, c’est compliqué ».
Ecoutez l'interview de Samy, un habitant des Aubiers. Il nous explique ce qu'il pense de cette nouvelle permanence municipale :
Du concret
C’est donc bien là que se situe le nerf de la guerre. « On a une boucherie, une boulangerie, un stade derrière et c’est tout, on a rien d’autre en fait », se désole Salem.
Un exemple cristallise ce sentiment de manquer de tout, La Poste. Les locaux ont été brûlés lors de la nuit de la Saint-Sylvestre. Salem souhaiterait que ces permanences des élus permettent de faire machine arrière pour pouvoir à nouveau disposer d’un bureau de La Poste dans le quartier. « Ça serait bien aussi qu’ils nous remettent la poste, parce que ça fait du business pour tout le monde. Surtout pour les personnes âgées. Parce que nous, on a des personnes handicapées ici, ils ne peuvent pas aller à la Poste jusqu’à Saint-Louis. Des fois on les amène en voiture pour qu’ils fassent leurs courses, qu’ils payent leur loyer, c’est très compliqué.
C’est un peu le western, c’est un peu le désert sur la poste. On est beaucoup dans le quartier quand même, de ne pas avoir une banque, vous voyez ? Ce n’est pas de notre fait. C’est une connerie qui est arrivée, ça devait arriver, c’est arrivé. Mais après, faut pas pénaliser tout le monde. S’ils peuvent nous aider à remettre La Poste et tout ça, c’est déjà beaucoup. Je pense qu’il y en a beaucoup au quartier qui vont retrouver le sourire. (…). Les personnes âgées, les personnes qui ont un travail, ceux qui ne parlent pas français, parce que à la Poste il y a des personnes qui viennent nous aider, qui remplissent des papiers. Maintenant c’est la galère, il faut aller jusqu’à Saint-Louis. C’est compliqué, en plus c’est là-bas qu’il y a eu l’histoire avec les mecs des Aubiers.
Plusieurs règlements de compte ont en effet eu lieu ces derniers mois entre les habitants de certains quartiers comme les Aubiers, le Grand Parc ou encore Chantecrit.
Bernard, lui, vit aux Aubiers depuis près de cinquante ans. C'est à dire depuis la création de ce quartier. Cette permanence, il n’y croit pas. « Il faut aller plus loin », dit-il. « On paye des loyers à 600/700 euros là. Et puis voilà… Vous voyez dans quoi on vit ? On paye des loyers, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs. Je suis là depuis 1972, je suis un des plus anciens. Et depuis 1972, il n’y a rien qui bouge. Que faire ? Je ne sais pas. Je ne sais plus ».
Les habitants attendent en effet avec impatience la rénovation annoncée des logements du quartier. Aux Aubiers, on dénombre 1300 logements sociaux pour 3 800 habitants.
Ecoutez l'interview de Bernard, habitant des Aubiers depuis 1972 :
« Les choses vont avancer, peut-être pas aussi vite qu’on le souhaiterait, mais.. .»
Salem nourrit quelques espoirs. Cette permanence va peut-être amener « plus de convivialité », selon lui. « Il y aura plus de gens à voir, plus de gens d’ailleurs qui viendront dans le quartier, avec qui partager d’autres sentiments, d’autres vues, d’autres partages. Ça peut changer quelque chose bien sûr. Ça peut être des sorties pour les petits, pour les vacances, pour pas qu’ils fassent des bêtises sur le quartier. Moi je trouve que c’est quelque chose de bien ». Ecoutez l'interview de Salem en intégralité :
Des espoirs de changement, et de changement rapide dont les élus sont bien conscients.
Les choses vont avancer, peut-être pas aussi vite qu’on le souhaiterait mais en tous les cas, je m’engage à ce que très rapidement on ait de nouvelles avancées pour l’ensemble des difficultés qu’il nous surmonter collectivement.
« C’est un quartier avec énormément de ressources, des professionnels investis, des associations qui sont sur le terrain en permanence, un quartier village et un quartier qui a une histoire mais qui a aussi envie de se projeter. Et pour se projeter, il faut trouver toutes les réponses aux besoins en termes de logement, de qualité du cadre de vie, de propreté, de besoins scolaires, de besoins jeunesse, je suis très attaché à ce qu’on construise un vrai projet pour la jeunesse dans cette cité ». Des besoins en termes d’emploi aussi. Le taux de chômage atteint des records aux Aubiers. . En 2019 il était de 55%. Le revenu fiscal moyen y est de 572 euros par mois. Les Aubiers est le quartier le plus pauvre de Nouvelle-Aquitaine derrière l’Ousse des Bois à Pau. Un thèeme qui sera sûrement abordé lors du premier conseil de proximité le 25 février prochain.
Découvrez le détail des permanenes :
- 1er et 3e mardi du mois de 9h à 12h : mairie de quartier (pour toute question sur la vie du quartier) + service état civil
- 2e et 4e mardi du mois de 9h à 12h : mairie de quartier (pour toute question sur la vie du quartier) et médiation sociale
- 1er mercredi du mois de 9h à 12h : mairie de quartier (pour toute question sur la vie du quartier) + l’association d’Aide Pour la Relation Parents-Enfants reçoit des familles (ado, jeune adulte, parents…) autour des questions sur les relations parents/enfants
- 1 et 3e samedis du mois, de 10h à 12h, permanence des élus municipaux - 2e samedi du mois de 10h à 12h : permanence du conseil citoyen du lac (regroupement d’associations et d’habitants qui relaient les demandes et initiatives des habitants de leur quartier, participent aux instances de pilotage du projet de renouvellement urbain