Hier le Président Macron a prolongé le confinement jusqu’au 11 mai et annoncé en sortir progressivement...Les cafés et restaurants devront encore rester fermés et ne savent pas quand ils pourront réouvrir. Réactions des restaurateurs de Gironde qui attendent un plan de relance.
« Les lieux rassemblant du public, cafés, restaurants, cinémas, salles de spectacles et musées, resteront fermés à ce stade », cette phrase prononcée hier par le Président de la République a été ressentie par certains comme une douche froide…
A QUAND LA REOUVERTURE DES RESTAURANTS ?
Pour Hervé Valverde, patron du Bistro du Sommelier depuis 1987 à Bordeaux : « cela fait 41 ans que je travaille, j’ai connu des périodes difficiles dans ma carrière mais pas une période comme celle-là. Je pense qu’il va y avoir de la casse dans la restauration, des gens qui ne pourront pas rouvrir… C’est surtout les petites structures qui vont être mises à mal. C’est difficile pour nous quand on a 5 ou 6 clients à table, comment on va faire pour les espacer, et pour les brasseries parisiennes ou bistrots où tu es épaule contre épaule, et le personnel, il va falloir qu’il travaille avec un masque ?…C’est quand même triste, on crée un lien social… Après je n’en veux à personne, malheureusement c’est un aléa de la vie, qui est très très lourd. Dans ma profession, on avait plaisir à se retrouver au marché ou chez Métro, pour s’approvisionner et boire un café, là il n’y plus cela… »
« Personnellement, et même avec des amis restaurateurs, on s’en doutait », commente ce matin également Romain Cazalas du Bistrot Le Coq à Bordeaux. « C’était compliqué de se dire que demain on allait pouvoir réouvrir nos cafés et restaurants, très honnêtement je ne suis pas étonné, mais la date de peut-être mi-juillet cela fait un peu loin…Les rassemblements comme les Epicuriables (allées de Tourny à Bordeaux), auxquelles je participe depuis 3 ans ne sont pas autorisés… Quand j’ai vu la semaine dernière l’annulation de la Fête du Vin, là j’ai compris, on s’y attendait pour cet événement aussi. »
Pour ce restaurateur à la tête de 3 établissements, il a du comme les autres s’adapter en mettant ses « 5 salariés au chômage partiel, mettre les projets en stand-by et tout décaler à 3 mois: on se met dans la difficulté. »
Sur la première période, on a pu bénéficier du report des charges Urssaf qu’il faudra de toute manière assumer, l‘autre difficulté c’est de sortir les loyers », Romain Cazalas du Bistrot Le Coq
« Avec ma propriétaire sur Le Coq on a pu s’arranger, quant aux encours avec les banques, on a pu décaler les crédits. C’est surtout l’après qu’il faut anticiper… Il y a eu ce prêt d’Etat auquel on a pu souscrire mais avec au bout d’un an un remboursement sans trop de frais ou alors étalé sur 5 ans. Notre plus grande demande, c’est que les assureurs jouent le jeu, que la perte d’exploitation puisse être assurée au moins sur une partie du chiffre d’affaire, pour les restaurateurs c’est le plus important. »
DES ANNULATIONS DE CHARGES TRES ATTENDUES
Au Café de la Gare 1900, c’est un coup dur aussi pour Dominique Clément et son associé Stéphane Coeuret, qui venaient de racheter cet établissement, relancé par Jean Lissague en face de la gare de Saint-André-de-Cubzac, qui en avait fait un endroit très prisé parmi les brasseries de Gironde: « c’était il y a tout juste un an, cela se passait bien, on faisait un peu plus de 200 couverts par jour, 7 jours sur 7, avec 18 salariés…"
« Le confinement, on respecte le choix et après il y a l’aspect économique. Le déconfinement est prévu à partir du 11 mai sauf pour les restaurants, nous nous ne sommes pas concernés, quand on va réouvrir on ne sait pas, un mois après ? Et comment cela va se passer ? Une table sur deux ? La capacité va dégringoler et est-ce qu’on va être soutenu financièrement ? »
« Le prêt d’Etat ce n’est pas une subvention, ce sont des difficultés pour nos entreprises plus tard. S’il y a des suppressions de charges, ça c’est bien, ça va nous aider car on est inquiet et on se demande si on va pouvoir conserver les employés. La banque a réagi très rapidement pour débloquer les fonds, cela a permis de payer tout le monde. Mon inquiétude est vraiment l’aspect économique car il faut 70 000€ par mois pour couvrir les frais fixes, loyer, électricité, etc tous frais compris, c’est lourd. Ce qui a été fait, c’est vraiment bien, mais s’il y a des annulations de charges, ça va nous soulager (comme l’a laissé entendre le Président Macron). Dominique Clément confie par ailleurs qu’ils avaient aussi comme projet de refaire la cuisine et les toilettes de l’établissements, pour 180 000€ d’investissements hors taxe, « tout cela est reculé… »
IL FAUDRA REPRENDRE UNE ACTIVITE NORMALE SELON L’UMIH
« On n’a pas de visibilité, mais ce n’est la faute de personne, ni des politiques, ni des médecins, ni de l’ARS; personne n’a les clés de lecture », commente tout d’abord Laurent Tournier, le président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie de Gironde qui regroupe 4000 établissements (cafés, hôtels, restaurants) avec 25 000 salariés.
« Pour l’heure et dans un premier temps, on s’occupe de confiner nos entreprises correctement, ce qui n’est pas forcément le cas":
0 chiffre d’affaire devait correspondre à 0 charge, on n’y est pas. Il faut que les banques, assureurs, bailleurs et prestataires prennent la mesure de l’événement et nous permettent de franchir le gué » Laurent Tournier, président UMIH Gironde.
« Dans un deuxième temps, le déconfinement doit être ON ou OFF; un déconfinement partiel serait dommageable pour nos établissements (on ne peut pas couper en deux le personnel ou les clients, avec limitation de 100 personnes par exemple). Il faudra reprendre une activité normale pour refaire de la trésorerie et faire repartir la machine ».
LA QUESTION DES AIDES
Quant aux aides, comment les perçoit-il ? « Les aides elles sont là mais il faut déjà bien les mettre en place. Le système bancaire est complètement engorgé par les fortes demandes de prêts, il y a une demande extraordinaire et le problème c’est la réponse. Aujourd’hui tout le monde n’a pas droit aux prêts et notamment au prêt d’Etat, les banques font un tri entre les bonnes entreprises et les moins bonnes, des entreprises déjà fragilisées depuis plus d’un an à cause des mouvements sociaux des gilets jaunes et des retraites".
On milite pour que tous les petits dossiers inférieurs à 30000€ soient acceptés, mais aussi pour une exemption totale de charges » Laurent Tournier, président UMIH Gironde.
Il est clair que la réouverture doit être accompagnée, avec des aménagements et un vrai plan de relance, « l’Etat a fait un gros travail en mettant nos salariés au chômage partiel, mais nos entreprises ont encore 15% de charges fixes.Il faut que cette partie-là soit prise en charge par les assurances, l’Etat, des prêts bancaires pour ne pas mettre à mal nos entreprises. C’est pour cela que l’on demande un exemption ou un allégement des charges pour faire face à la reprise. »
« En général au printemps, l’été et à l’automne c’est là qu’on engrange une bonne partie de trésorerie, mais quand on impacté un tiers ou la moitié, cela va faire défaut en janvier ou février quand nos entreprises sont en veille. On n’échappera pas à des mesures d’accompagnement pour éviter cet hiver trop rigoureux et que certaines entreprises ne fassent défaut… »La vraie casse va intervenir avec les plus fragiles. ma peur est davantage tournée vers l’hiver prochain » Laurent Tournier, président UMIH Gironde.
Le Président de l’UMIH national a interpelé ce matin le Ministre de l’Economie Bruno Le Maire à ce sujet ainsi que Jean-Baptiste Lemoyne secrétaire d’Etat auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères.
Quant aux restaurateurs, ils préparent déjà le jour de réouverture « on va faire une carte plus réduite et baisser les prix sur certains vins, et on va relancer comme cela », confie Hervé Valverde du Bistro du Sommelier.
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