Allaitement : "Pas devant les enfants", le tabou et les critiques viennent souvent des femmes

Au vu des nombreux témoignages de soutien à Maÿlis, agressée à Bordeaux pour avoir allaité son bébé en public, le débat mobilise. Ce cas est révélateur de ces critiques que subissent les mamans au quotidien, presque toujours de la part d'autres femmes et souvent en famille.

 

 

 

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L'allaitement est un temps fort de la maternité. Certaines femmes l'abordent sereinement, telle une évidence, d'autres ont besoin d'être rassurées sur leur façon de faire, pour le bien-être de leur bébé et pour elle-même. Et la gifle infligée il y a quelques jours à la jeune maman Maÿlis à Bordeaux a mis un coup de projecteur sur cette pratique naturelle. 

Nous avons voulu en savoir plus auprès de l'association bordelaise, La Leche League. Aurore Buino-Lanvin fait partie de l'association depuis 2011, d'abord en tant que maman et, depuis un an et demi, comme animatrice. 
Elle assure des permanences téléphoniques et des animations auprès des mamans "qu'elles allaitent ou non". C'est un engagement bénévole qui nécessite une formation particulière et cadrée (entre un mois et plus d'un an). Car l'idée, explique-t-elle c'est "le partage d'expériences", le fait de mettre des mamans en relation, "ne pas donner de conseils, mais des informations".

La démarche de cette association, qui est une émanation de l'association mondiale anglo-saxonne, c'est de l'accueil et de la bienveillance auprès des femmes avec une approche nourrie de communication non-violente, d'écoute active et de pédagogie positive. Des mots qui prennent tout leur sens dans ce contexte car si l'allaitement maternel est censé être un choix personnel, force est de constater que beaucoup sont prompts à donner leur avis.

Dans ces réunions (par zoom en ce moment) deux à trois fois par mois, on parle des débuts de l'allaitement mais aussi du sevrage, des nuits, etc... la parole est libre et chacun peut ainsi exprimer ses difficultés, ses doutes et partager avec les autres, "les mamans comme les papas d'ailleurs", précise Aurore.

Pas "devant les enfants..."

Aurore explique qu'elle ne recueille pas plus de confidences sur ces critiques ces derniers temps, qu'habituellement mais que le sujet est récurrent. Elle plaisante même sur le fait que les animatrices programment systématiquement une réunion dédiée "spéciale réunion de famille" avant les congés de fin d'année... Pourquoi ? Parce que c'est dans ce contexte de retrouvailles, de mélange de génération, que les critiques fusent. Même dans un coin du salon, abritée par un châle, cette maman s'entend dire : "Ben tu ne vas pas faire ÇA, là...", "devant les enfants". Parfois même sous couvert de bienveillance : "tu devrais te mettre dans une chambre...", à l'écart donc. 

Aurore explique qu'elle-même ne s'est jamais interdite d'allaiter en public "j'en étais fière même", mais bien-sûr, dans un coin, à l'abri des regards en utilisant un châle pour masquer son sein... Elle raconte les témoignages des femmes pour qui "c'est plus compliqué" en famille, avec cette appréhension avant les repas festifs  : "J'ai vraiment pas envie...", "on va me dire ça fait déjà quand même un an que tu allaites..." 

Car la durée est également sujet à critiques, "même si l'OMS préconise deux ans et demi d'allaitement maternel", rappelle Aurore qui confirme également : "passés six mois, le regard des autres changent."...

Couvrez ce sein que je ne saurais voir...

Si Molière se riait de l'hypocrisie et de la bien-pensance face à la beauté des femmes, on a affaire ici à un excès de pruderie. Ces critiques jettent d'une certaine façon une étiquette sur ces femmes qui sembleraient exhiber leur poitrine à tout-va dans un but de séduction voire pornographique... Et certaines, ressentant cette honte qu'on leur impose finalement, préfèreraient se cacher.

D'après ces retours, c'est "souvent des femmes" qui émettent ces critiques. Les hommes "je ne sais pas pourquoi, semblent moins gênés" et de là, Aurore explique les "véritables stratégies que développent les femmes pour ne pas avoir à allaiter en public" : certaines tirent leur lait avant d'effectuer une course avec bébé, d'autres organisent un arrêt dans un espace dédié d'un magasin d'ameublement.

Parmi les témoignages de soutien à Maÿlis, celui de Marie-Noëlle : "Je me souviens personnellement avoir allaité ma fille âgée de quelques semaines dans un salon de thé où je m’étais accordée une pause gourmande après un rendez-vous médical. Je trouvais ça tout de même plus agréable d’allaiter ma fille dans ce contexte confortable plutôt que dans la voiture, derrière mon volant. La serveuse me tend alors un bon en me disant que c’était une réduction de quelques % à valoir sur un châle pour couvrir mon enfant dans le magasin de puériculture d’en face. Je me souviens l’avoir fait répéter car je n’avais pas compris. En soi, ce n’est pas si grave. Mais l’idée est là.

Se couvrir pour ne pas être vue en train de commettre l’irréparable …

Marie-Noëlle, maman d'Eliott, Yael et Lison

D’avoir à couvrir son bébé, d’avoir à se couvrir pour ne pas être vue en train de commettre l’irréparable … nourrir son enfant de la manière la plus naturelle qui soit. Avec ce que mon corps produit naturellement, pour lui. Grâce à deux seins qui sont conçus exactement dans ce but unique, comme pour tout mammifère. En précisant (même si je n’ai pas à le faire) que je portais une tenue adaptée et que personne n’a vu un cm2 de ma peau".

Heureusement, elle témoigne également des autres "regards bienveillants et les tendres discussions initiées quand j’ai allaité mes trois enfants en public. A chaque fois, j’ai été émue par cet élan humain ressenti, rassemblant autour d’une même source de bonheur, la vie, les enfants".

Pas étonnant que le poids social, ce regard des autres, interfèrent parfois dans ce choix des femmes à entamer voire poursuivre cette démarche particulière dans la vie d'une mère.

Dans leurs réunions, ces animatrices bienveillantes le savent, la démarche d'allaitement va bien au-delà du nourrissage. Car si c'est la fonction première, elle participe au développement psychomoteur du bébé (par le réflexe de succion) qui va rapidement se retourner, mais également une fonction affective (toucher) avec sa mère. Ça vaut peut-être le coup de les encourager ou de les laisser en paix. 

Maÿlis, la maman qui s'est fait gifler avec son bébé dans les bras pour l'avoir allaité en public (début mai dans un relais colis à Bordeaux), a eu le courage de porter plainte. Cette agression aura au moins eu le mérite de susciter les réactions (notamment de soutien) mais permet sans doute de nous interroger sur la nocivité de ces tabous d'un autre temps et sur le manque de bienveillance envers les jeunes mamans.

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