C'est un débat qui anime la société. Yoann Brossard, lui, est secrétaire général de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité. Adjoint au maire de Blaye, en Gironde, il assure que sur son territoire, habitants et soignants y sont favorables. La convention citoyenne sur la fin de vie se réunit pour la première fois le 9 décembre.
C'est un sujet qui touche à l'intimé de chacun. Un groupe de citoyens, tirés au sort, devra s'atteler à la lourde tâche de faire des propositions sur l'encadrement de la fin de vie. Cette convention citoyenne se réunit vendredi 9 décembre pour la première fois.
Lui milite pour l'autorisation de l'euthanasie en France. Un engagement qui l'anime depuis plus de 10 ans, "celui dont je suis le plus fier", écrit-il sur son compte Twitter. L'adjoint au maire de Blaye, Yoann Brossard, est secrétaire général de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).
Le débat divise. Retrouvez l'interview sur franceinfo de Xavier, infirmier en soins palliatifs, qui assure que sa "mission" n'est pas de "donner la mort". Selon lui, "la mort ne sera jamais une réponse digne à la souffrance humaine".
Yoann Brossard, n'est pas du même avis, il défend ce qu'il appelle "le droit à mourir dans la dignité". Entretien.
Vous portez ces revendications depuis longtemps. Avez-vous l'impression que la question de la fin de vie s'est davantage imposée dans le débat public ces dernières années ?
Absolument. Depuis la loi Veil, certains médecins, certaines personnalités de la société civile se sont emparés du sujet. Avec les lois sur le PACS, sur le mariage pour tous, sur la PMA, les gens se sont rendus compte que la fin de vie était un sujet sociétal à traiter. Dans nos sociétés désormais, on part du principe que 'mon corps m'appartient', que 'je suis le seul maître de mon corps'.
À la base, ce sont les citoyens qui se sont emparés du sujet en disant : Pourquoi devons-nous absolument souffrir quand on est en fin de vie ? Pourquoi devons-nous absolument dépendre du bon vouloir d'autrui, des soignants, des proches ? C'est un sujet qui est de plus en plus sur la place publique.
Évidemment, les associations comme la nôtre œuvrent depuis des décennies sur le terrain, pour que les mentalités des responsables politiques puissent évoluer sur le sujet. Pour qu'ils considèrent qu'il s'agit bien d'un sujet sociétal de libre choix, de liberté individuelle, et pas seulement d'un sujet médical.
Vous dites qu'il s'agit d'un débat porté par les citoyens, est-ce donc une bonne chose qu'une convention citoyenne soit chargée de réfléchir à ce sujet et de faire des propositions ?
Ça va dans le bon sens, même si au départ, on a regretté la mise en place d'une énième convention. Parce qu'il y a déjà eu différentes commissions et comités, le groupe d'étude parlementaire sur la fin de vie existe depuis des années, le Cese avait déjà rendu un avis... À chaque fois, ces instances concluent qu'il faut faire évoluer la loi.
Et en même temps, la convention citoyenne peut être un excellent moyen de donner la parole aux citoyens. Nous, à l'ADMD, nous sommes confiants quant aux résultats de cette convention citoyenne.
Vous êtes adjoint au maire de Blaye, dans le nord de la Gironde, est-ce un débat que vous avez sur votre commune ou avec des soignants ?
J'ai énormément de discussions avec des soignants. Je vous assure que le médecin de ville et le soignant est favorable, je le vois au quotidien. Sur le territoire, en Haute-Gironde, les gens ne savaient pas forcément que j'étais secrétaire général de l'ADMD. Quand ils l'ont appris, ils sont venus vers moi, en m'expliquant qu'ils ne comprenaient pas pourquoi on en était encore là. Des citoyens, des élus, des soignants en maison de santé ou en hôpital.
On entend souvent dire que la loi Leonetti est suffisante, mais qu'elle n'est pas assez appliquée.
Cette loi est une absurdité. Elle prévoit la sédation profonde et continue. Mais cette sédation n'est possible qu'en toute fin de vie, dans les derniers jours, les dernières heures. Avant, vous avez déjà subi des souffrances et une agonie.
De plus, la loi Leonetti indique que les directives anticipées, qui permettent d'exprimer ses dernières volontés, sont non-opposables. C'est-à-dire que les médecins ont le droit de ne pas les respecter.
Il y a une hypocrisie avec la loi actuelle. C'est une véritable rupture d'égalité : Si vous êtes riche, vous pouvez partir à l'étranger. Si vous êtes pauvre, vous pouvez tenter un suicide, mais ce n'est pas très apaisant pour une fin de vie digne. Et sinon, débrouillez-vous. C'est un peu ce qui se passait avec l'IVG, c'est un petit point de comparaison avec la loi Veil.
Qu'est-ce que vous demandez exactement ? Le suicide assisté ? L'euthanasie ?
Les deux. Nous souhaitons une grande loi pour renforcer les soins palliatifs. Il est inadmissible que dans notre pays, on ait un quart des départements qui n'ont pas d'unité de soins palliatifs.
Ensuite, parce que les soins palliatifs ne répondent pas à toutes les maladies et à toutes les situations, il faut qu'on donne la possibilité de l'euthanasie, du suicide assisté. Et les patients ont le droit de changer d'avis, c'est important de le dire.
Enfin, les médecins doivent respecter les directives anticipées, dans le cadre légal en vigueur évidemment.
Reconnaissez-vous les questions éthiques posées par ce débat, notamment concernant la volonté de personne concernée ?
Le manque d'éthique, il a lieu aujourd'hui. Il y a quelques années, une enquête de l'INED (Institut national des études démographiques) démontrait qu'il y avait 4000 euthanasies clandestines pratiquées dans les hôpitaux français chaque année. Parmi elles, certaines avaient été pratiquées sans le consentement du patient. Sous quel prétexte pouvons-nous nous mettre à la place du patient, du citoyen ? On doit respecter son choix. Tant qu'on n'a pas de cadre légal, on ne protège pas. Les dérives, elles ont lieu aujourd'hui dans notre pays. Qui sommes-nous pour dire à la personne qu'elle doit encore subir des souffrances ?
Comment, concrètement, s'assurer que la personne concernée est consentante et qu'elle n'est pas manipulée par quelqu'un d'autre par exemple ?
Les directives anticipées sont essentielles. Il faut en faire la promotion. Très peu de personnes les ont remplies. Et puis, il y a aussi un suivi. On n'obtient pas une euthanasie en claquant des doigts, il y a un parcours de soin. En Suisse par exemple, vous êtes entendu par un psychologue, vous êtes suivi par un médecin. On va vous demander de réitérer votre demande à plusieurs reprises et à plusieurs semaines d'intervalle. Il y a des garde-fous.