Ils sont à peine majeurs vivent à Bordeaux, et ont décidé de d'agir pour le climat. Un engagement au quotidien, qui se poursuit sur le terrain dans des actions militantes. Rencontre.
En ce vendredi 25 mars, le téléphone de Vincent Freyermuth ne cesse de vibrer : le lendemain, a lieu à Bordeaux une grande marche des jeunes pour le climat. Une initiative menée par Youth for climate, un mouvement que Vincent, 20 ans, vient de rejoindre. L'heure est aux derniers derniers préparatifs, avant l'arrivée d'un millier de participants place de la Victoire.
Une première pour Vincent :"J'avais envie de m'engager depuis assez longtemps. J'effectue actuellement un service civique dans une association, ce qui me laisse du temps libre. J'ai rencontré des personnes militantes, et ça m'a donné envie de m'engager et d'organiser cette marche ", résume le néo-girondin, originaire d'Alsace.
Les premières marches pour le climat sont apparues il y a une dizaine d'années. Depuis 2018, et les prises de paroles de l'activiste suédoise Greta Thunberg, elles se sont multipliées, rassemblant des centaines de milliers de personnes, en France et dans le monde. Parmi elles, de nombreux lycéens et étudiants, particulièrement sensibles à la question du changement climatique.
Ce sujet nous concerne tous. Il nous touche maintenant et va nous toucher encore plus fort très bientôt. C'est, à mon sens, le sujet le plus urgent du moment.
Vincent Freyermuth, militant pour le climatFrance 3 Aquitaine
Assis aux cotés de Vincent sur les bords de Garonne, Jean Salzstein, 20 ans également, et membre de l'organisation de Youth for climate depuis déjà plusieurs années. "A chaque marche, on se demande ce qu'on peut faire cette mobilisation, analyse-t-il. Au début, l'idée était de sensibiliser en masse et de réveiller les troupes : on croise beaucoup de jeunes qui ont envie d'agir mais ne savent pas comment.
Finalement, on voit bien que chaque mobilisation permet d'amener l'écologie dans les débats politiques et dans les médias".
Un engagement au quotidien
Tous deux ont progressivement modifié leurs modes de vie, afin d'être en accord avec leurs idées. A commencer par la recherche d'information sur les sujets environnementaux : les médias militants, les livres, ou encore les outils de vulgarisations scientifique leurs permettent d'approfondir leurs connaissances. .
"Concrètement, au quotidien, je suis végétarien, je fais attention à ma consommation d'électricité, j'utilise beaucoup les transports en commun et j'évite de prendre la voiture, je trie les déchets..., énumère Vincent. Mais, pour moi, tout ça ne suffit pas. C'est pour ça que je suis passé au militantisme". Jean a, lui aussi, opté pour un changement d'alimentation. Par défi tout d'abord, puis par conviction écologique, il est, lui aussi, devenu végétarien. Une démarche réfléchie, pensée pour "la gestion des ressources naturelles" : selon les données de WWF, un tiers des cultures de la planète est affecté à la production d'aliments pour animaux.
Eco-anxiété
Vagues de chaleur, fonte des glaces, inondations, biodiversité en péril... Tous les effets du réchauffement climatique sont connus, documentés par des scientifiques, et régulièrement médiatisés. Pourtant, les actions concrètes pour les limiter restent timides, voire inexistantes. De ce constat est né une "éco-anxiété", une forme d'angoisse bien connue des militants.
"Aujourd'hui, tout le monde se dit 'pour l'écologie'. Mais beaucoup ne font rien pour changer leur mode de vie. J'ai l'impression que personne ne va pas agir jusqu'à ce qu'il soit trop tard, jusqu'à ce qu'on ne puisse plus vivre comme aujourd'hui", regrette Vincent.
Le jeune homme est conscient que son engagement n'est pas toujours compris dans son entourage. "Je sais que parfois, je suis perçu comme une personne pénible, pessimiste, obsédée par l'idée de sauver les ours polaires. Les gens ne comprennent pas qu'on milite pour notre survie ! "
Le fait de s'engager, d'être actif et de se sentir utile, allège énormément cette angoisse. S'entourer de personnes avec qui on peut partager cette inquiétude, prendre du temps pour s'impliquer, ça aide beaucoup.
Jean Salzstein, militant pour le climatFrance 3 Aquitaine
Le déclic du Giec
Dans leurs discussions, Jean comme Vincent citent régulièrement le dernier rapport du Giec Publié en février, ce compte-rendu dressé par un groupe d'experts intergouvernemental, appelle dans l'urgence à une transition écologique et à la lutte climatique. Il dénonce également le manque de volonté politique dans l'objectif de réduction des émissions de CO2 et alerte sur les conséquences catastrophiques de cette inaction.
A sa lecture, Vincent, déjà sensible à la question, s'est senti "très en colère". "Je me suis décidé à me lancer dans des actions que je n'avais pas l'habitude de faire. Et de m'investir sérieusement dans l'organisation et la communication autour de la marche à Bordeaux ". Un engagement tout frais, mais "qui va rester à vie", assure le jeune homme.
Du simple intérêt à l’engagement militant
Jean, lui, se souvient avoir découvert l'écologie au lycée agricole de Blanquefort. "C'est là que j'ai appris qu'on pouvait étudier l'écologie de manière scientifique. Que les gens qui faisaient ça n'étaient pas des écologistes mais des écologues. Je n'en avais jamais entendu parler auparavant !", raconte-t-il. Etudiant en 2 e année de physique à l'université de Bordeaux, il s'interroge désormais sur la façon de poursuivre le militantisme à la fin de son cursus.
Un jour sur deux je me dis que je vais faire mon métier, et m'engager dans une association à côté. Le lendemain, je me dis que ce serait bien de concilier les deux, de travailler dans un domaine avec des répercussions positives sur l'environnement.
Jean Salzstein, militant pour le climatFrance 3 Aquitaine
Une question trop souvent absente des débats
Au fil des ans,les questions environnementales se sont fait une place dans tous les programmes présidentiels. Pourtant, tous deux partagent amèrement le même constat : le sujet reste trop peu abordé dans la campagne. "Ça devrait la question centrale des débats, estime Vincent. L'écologie représente le plus souvent une toute petite partie des programmes, ça devrait passer avant des sujets comme l'immigration, poursuit-il.
Les candidats proposent des mesures pour faire joli, mais on ne voit pas de réelle implication sur le sujet.
Vincent Freyermuth, militant pour le climat
"Je n'ai pas le sentiment que le sujet soit maîtrisé, abonde Jean. J'ai quand même l'impression que les seules fois où les candidats parlent d'écologie c'est pour critiquer la stratégie de leurs concurrents", poursuit-il.
Un vote incertain
Quid du vote de ces militants écolo ? Vincent hésite encore devant la quantité des candidats, tiraillé entre ses convictions et le vote utile. "Les programmes se confondent encore un peu tous dans ma tête, je vais devoir me pencher à nouveau sur le sujet", .
"Autour de moi, tout le monde est persuadé que je vais voter écolo", sourit Jean. Lui a été séduit un temps par Christiane Taubira, "une femme, qui venait de Guyane, j'ai bien aimé l'idée. Et la charte de la primaire populaire je trouvais ça au dessus des autres". La réaction de Yannick Jadot, qui a refusé de s'y associer, l'a déçu. "Ça, plus sa position sur le nucléaire... ça m'a vraiment embêté".
Le candidat EELV, souhaite sortir du nucléaire d'ici 2040-2050, et la fermeture d'un maximum de réacteurs dans les années à venir. L'étudiant en physique a du mal à adhérer : "Même si elle reste polluante à long terme, le nucléaire reste une énergie non-carbonée, qui me semble plutôt correcte en tant que solution alternative. La priorité c'est quand même d'arrêter les énergies carbonées (pétrole, charbon, gaz, ndlr...).
"Les énergies renouvelables ont aussi des impacts auxquels il faut réfléchir. Les éoliennes, par exemple, créent des champs magnétiques qui perturbent la migration de certains oiseaux. On ne peut pas choisir une seule source d'énergie, il faudrait combiner."
Malgré leurs doutes, il l'assurent, ils voteront tous les deux Mais ils se laissent jusqu'au dernier moment pour se décider.