Le Sidaction, c'est ce week-end. Trois jours de mobilisation pour célébrer cette année 30 ans de lutte contre le VIH. L'événement de sensibilisation et de collecte de fonds pour la lutte contre le virus du sida est porté par des bénévoles, des chercheurs et médias qui rappellent que le SIDA n'est pas encore vaincu.
Dans les haut-parleurs, quelques tubes des années 80 donnent le ton. Les bénévoles et acteurs associatifs sont motivés pour accueillir, informer et orienter vers le dépistage, notamment. Trente ans après, le style musical bien que vintage est toujours en vogue. Le Sida, lui aussi, est toujours là, malheureusement. La lutte continue, martèlent les militants.
Avec son gilet orné d'un ruban rouge brodé dans le dos, Maryse s'active sur l'un des stands colorés place de la Victoire à Bordeaux. Ce 23 mars 2024, elle est encore de la partie pour ce rendez-vous du Sidaction qui, cette année, affiche trente années de lutte au compteur.
"Tout le monde était désarmé"
Le préservatif est la plus sûre des protections. Si l'époque a changé, le message reste le même. Maryse Tourne, cofondatrice du collectif Sida 33, peut en témoigner. Elle était là "dès le début". Elle se souvient parfaitement de cette époque-là. Il faut dire qu'elle était déjà très investie dans ce rôle d'information et de prévention de tous les publics autour du thème de la sexualité. Elle a co-fondé, en 1981, le Centre d'Accueil et de Consultation pour une information sur la Sexualité (CACIS) au Grand Parc à Bordeaux.
C'est là qu'elle a commencé à comprendre l'ampleur du phénomène.
On a vu le Sida arriver. On dépistait les VIH... On a inventé la prévention. Personne ne savait où on allait au départ !
Maryse TourneCofondatrice du CACIS et du collectif Sida 33
"Les pronostics à l'époque, à la fin des années 1980 , début des années 90, indiquaient que les chiffres des contaminations allaient doubler chaque année en France. Les pouvoirs publics se sont inquiétés. Le gouvernement avait créé l'Agence française de lutte contre le sida. Tout le monde était désarmé !"
C'est au CACIS que se faisaient aussi des dépistages des Infections sexuellement transmissibles (IST). "Ce qui m'a frappée, c'est que c'étaient des femmes qui venaient nous voir. Et on disait aux femmes que la grossesse n'était pas possible ! (en étant porteuses du VIH, NDLR)
On a été très concernées dans les quartiers. Il y a eu des familles, des fratries entières qui ont été contaminées et qui sont décédées...
Maryse TourneCofondatrice Collectif Sida 33
30 ans de Sidaction
A l'époque, au Cacis, pour Maryse et ses collègues, la mission est claire : "aider-accompagner-dépister mais aussi faire de la prévention !" Et leur public, c'était d'abord les collégiens, les lycéens. "Là, on s'est dit, il faut inventer la prévention ! Apprendre à se protéger, les modes de contamination par le jeu".
Le premier Sidaction, elle s'en souvient aussi, c'était en mars 1994 et il a marqué les esprits avec des moments forts comme quand la comédienne Clémentine Célarié, émue, embrasse un homme séropositif à l'antenne. Cette image fait d'ailleurs partie du spot vidéo de la campagne 2024 du Sidaction.
"Je sais. J'ai appris. Je transmets". Maryse est riche de ces petites formules percutantes et pleines de bon sens. "L'idée, c'est de former des personnes qui, quand elles vont avoir appris, vont le faire savoir aux autres".
Maryse compte beaucoup sur cette transmission auprès de personnes-relais. Le fait de trouver les bonnes personnes qui sauront partager cette information. Comme Tristan, qui a depuis pris des responsabilités au Girofard (centre LGBTI+ de Bordeaux), ou quand elle a formé Aïcha qui a pu, ensuite, "inviter ses voisines", par exemple, pour parler du préservatif interne.
Dépistage avec résultats immédiats
Aujourd’hui, on meurt toujours du sida, même si la recherche avance. On compte 1,3 million de nouvelles contaminations et 630 000 personnes décès chaque année dans le monde. Et malgré ces trois décennies de campagnes de sensibilisation, il y a une forme de déni autour de ce virus sexuellement transmissible. Ainsi, on estime en France que près de 24 000 personnes pourraient être séropositives sans le savoir.
Joann Plusalainet s'occupe du dépistage sur la place de la Victoire. Ce samedi, les personnes qui poussent la porte du camion ont tous les profils d'âge, de genre, de sexualité. Chacun est accueilli individuellement. "Lors de l'entretien, on voit un peu ses connaissances, ses prises de risque s'il y en a eu ", détaille Joann. "Après, avec son consentement, on réalise un dépistage et on donne les résultats tout de suite".
Le dépistage consiste à prélever une goutte de sang au bout du doigt qui sera ensuite analysée. Si le test est positif, un accompagnement de la personne permet de "mettre un traitement en place". "Grâce à ce traitement, elle ne pourra plus transmettre le VIH à d'autres personnes".
Des jeunes peu concernés ?
Les spécialistes le rappellent, le dépistage doit devenir un réflexe pour tous car il reste le seul outil pour connaître son statut sérologique. Rappelons-le, être mal informés ou se sentir peu concernés peut conduire à des comportements à risque. Aujourd'hui, les résultats d'un sondage IFOP pour le Sidaction auprès des jeunes sont alarmants. Parmi ceux qui déclarent avoir de multiples partenaires non réguliers, 45 % d’entre eux affirment ne pas utiliser systématiquement de préservatif lors des rapports sexuels et 42 % ne pas avoir fait de test de dépistage dans les 12 derniers mois.
En cas de doute ? D'après ce même sondage IFOP, ces jeunes ne sauraient pas, pour 36 % d'entre eux (15-24 ans), où se faire dépister, ni, pour 39%, qu'il existe un traitement d’urgence contre le VIH si un risque a été pris.
Discrimination
Parmi les jeunes également, les préjugés sont légion. 31% des 15-24 ans interrogés refuseraient de parler à leur entourage de leur séropositivité et un peu plus d'un jeune sur quatre "pense qu’une personne séropositive sous traitement peut représenter un danger pour les autres". Par ailleurs, 44% des Français "seraient mal à l’aise s’ils apprenaient que la personne qui garde leur(s) enfant(s) était séropositive". Un tiers serait également "mal à l’aise à l’idée de partir en vacances avec une personne séropositive". Une personne sur quatre le serait, "si son ou sa collègue de travail était séropositive".
L'expérience de ces Sidaction montre que la mobilisation ne faiblit pas, mais qu'il s'agit d'adapter les modes d'information et de prévention notamment auprès des jeunes. La peur ne doit pas être le seul moteur pour les inciter à vivre une sexualité choisie et plus sûre.
Plus d'informations sur le site Sida Info Service