Aurélie a à peine plus de 40 ans quand elle découvre être atteinte d’un cancer du sein. Pendant trois années, elle enchaîne les traitements, et doit aussi affronter une leucémie. Aujourd'hui en rémission, elle témoigne de ses craintes, et de ses difficultés à se réapproprier la nouvelle personne qu'elle est devenue
Ses cheveux ont repoussé, mais la page est loin d’être tournée. À ceux qui lui disent, qu’elle a un grand tableau blanc devant elle, pour tout réécrire, Aurélie répond "Ok, mais je commence par quoi ?" .
Cette maman d’un petit garçon, voit sa vie basculer quand elle apprend, en 2021, être atteinte d’un cancer du sein. Tout s’enchaîne alors : les opérations, la chimiothérapie, la radiothérapie, l’hormonothérapie, les rencontres avec les oncologues. Parcours classique dans ce type de maladie. Et puis arrive le mois de juillet et cet été 2022 qui ne lui laisse aucun répit.
Une écoute parfois défaillante
Aurélie est fatiguée, trop à son goût. Elle se doute que quelque chose ne va pas. Si les médecins ont été très présents jusque-là, elle ressent alors que l’écoute n’est plus la même. " Ils sont pris dans leur quotidien professionnel. Et puis il y a tellement de gens qui viennent avec les mêmes symptômes que moi, ils n’ont pas su à ce moment-là prendre de la hauteur ".
Elle doit alors se battre pour se faire entendre. "J’avais 44 ans, j’étais comme une personne âgée avec des symptômes que je ne comprenais pas. Des douleurs partout. J’avais beau aller chez mon médecin traitant, voir deux oncologues différents, expliquer ce que j’avais, une fois, deux fois .. "
Les médecins considéraient que les symptômes étaient la suite logique de l’hormonothérapie et qu’il n’y avait rien d’autre.
AuréliePatiente en rémission
"C'est ça la réalité de la santé en France "
De sa propre initiative, Aurélie décide de faire une prise de sang. Pour elle, pour son petit garçon, son mari, sa famille. Les résultats révèlent, une nouvelle maladie. C’est une leucémie myéloïde, due au traitement de la chimiothérapie. "C'est rare, mais ça arrive !", dit-elle un brin fataliste. L’histoire se répète : traitements et hospitalisations. La mère de famille est de nouveau confrontée au monde de l'hôpital, mais aussi à ses failles, son manque de personnel.
La mère de famille se remémore ce jour où elle s’apprête à retrouver l’hôpital. Elle apprend qu’elle va pouvoir disposer d’une chambre individuelle. Une situation plutôt rare, qui la surprend. Elle découvre ensuite qu’elle a pu bénéficier de ce petit confort à la suite d’une fermeture de lit pendant l’été. "C’est ça aussi la réalité de la santé désormais en France, ils ne peuvent pas faire autrement."
Aujourd’hui, la Girondine est, comme le stipule le jargon médical, en rémission profonde sans savoir ce que cela signifie réellement. "Qu’est-ce que ça veut dire, on ne sait pas trop, au final ! La solution, c'est d’apprendre à vivre avec !"
L'après traitement, nouvelle étape à franchir
Comment gérer l'après, une fois les traitements terminés ? Comme beaucoup d'autres malades, Aurélie se sent démunie. "Quand je suis sortie de mon hospitalisation pour ma leucémie, j'ai été remise dans la société comme si rien ne s'était passé", se souvient-elle.
Elle regrette un manque d’accompagnement et dénonce le fait d'être livrée à elle-même, avec le sentiment d'être replongée dans un quotidien qui n’est plus tout à fait le sien. "Quand j’ai fait mon premier rendez-vous de suivi, mon hématologue m’a dit : 'ah, c'est bien, vous allez pouvoir reprendre votre vie comme vous l’avez laissée'. Je lui ai dit, mais vous ne vous rendez pas compte, je ne peux pas !"
J'ai vécu des traitements lourds, un autre cancer puis à nouveau des traitements lourds. La vie ne se reprend pas comme ça !
AuréliePatiente en rémission
Avant la maladie, Aurélie était à la tête d’une entreprise spécialisée dans la prévention de la santé. Un poste que son état ne lui permet plus d’occuper. Elle est aujourd’hui en invalidité à 50 %. "C’est-à-dire qu’à 46 ans, je ne peux plus travailler plus de 50 % de mon temps et pour moi, le travail est une valeur importante".
"Tout peut rebasculer"
Il n’existe pas de parcours spécifique de rétablissement après le cancer. Aurélie a choisi d’être "actrice" de sa vie comme elle dit, car personne ne viendra la chercher à la maison. "On ne s’en rend pas compte, mais la chimio et les traitements font que vous perdez beaucoup de choses ! Vos cheveux, vos sourcils, vous perdez votre féminité. Comment se réapproprier cette nouvelle personne, ce nouveau vécu ? on ne nous l’apprend pas."
Je ne sais pas si je serai là demain, donc il faut apprendre à se réinventer avec ça. A tout moment, je peux refaire une prise de sang et tout peut rebasculer
AuréliePatiente en rémission
Tous les matins, Aurélie voit son fils et son mari partir à l’école et au travail sans savoir ce que sera sa journée à elle. Alors, elle se donne des rendez-vous. Son podcast qu’elle a créé pour s’occuper, son groupe de marche nordique qui la ramène à la société et l’oblige à faire de l'exercice et puis peut-être bientôt le théâtre qu’elle aime tant. "Ce sont des efforts que l’on va chercher, mais vous ne vous rendez pas compte ce que cela demande".
Pour Aurélie, témoigner est important." Oui, les médecins ont leur expertise. Ils sont là pour nous soigner et nous guérir. Et merci à eux. En revanche, il faut aussi apprendre à avoir du discernement sur ce qu’ils nous annoncent, ce qu’ils nous disent, faire ses propres recherches".
Prendre la parole et faire part de son expérience. L'ancienne chef d'entreprise est aujourd’hui au côté de la Ligue contre le cancer. Elle espère, à l’avenir, faire entendre sa voix sur ces parcours de santé compliqués