Le HPV ou papillomavirus peut causer de nombreux cancers. Après avoir été elle-même malade d'un cancer du canal anal, Laure, 49 ans, veut briser les tabous liés à cette contamination et milite pour la prévention, alors qu'une campagne de vaccination est relancée dans les collèges.
Laure Roulle a été diagnostiquée il y a deux ans. "Ça ne s'oublie pas, c'était un 14 février, se souvient-elle. Le 14 février 2022, j’ai appris que j’avais un cancer lié au HPV, avec une tumeur de 5 centimètres".
Le HPV, ou papillomavirus humain, reste encore très souvent associé au cancer du col de l'utérus. Mais en réalité, le virus peut favoriser l'apparition de cancers de la sphère ORL, gynécologique, ou encore du canal anal, comme ce fut le cas pour Laure. Son cancer est considéré comme invasif, il touche deux organes et est classé T4.
Voir cette publication sur Instagram
Gêne persistante
Le diagnostic de cette mère de famille, aujourd'hui âgée de 49 ans, est survenu au terme d'une longue errance médicale. "Je n'ai pas eu forcément de douleurs ni de symptômes, mais plutôt une persistance de gênes", explique-t-elle.
"Un symptôme d'angine, ça arrive à tout le monde. Mais quand ce symptôme n'est pas passé au bout de trois semaines ou d'un mois, c'est là qu'il faut s'inquiéter, alerte-elle. Pour la partie du canal anal, c'est pareil : la gêne est souvent considérée à tort comme des hémorroïdes".
Néanmoins, s'il y a une persistance de symptômes, ça vaut vraiment la peine de faire des recherches approfondies pour s'assurer que ce n'est pas un cancer.
Laure RoulleAssociation No Taboo
"Un virus aussi banal que la grippe"
La quadragénaire veut lever les idées préconçues : "les personnes malades n'ont pas forcément eu une vie assez "libertine".
"Le HPV est un virus manuporté, les préservatifs ne sont pas la solution. Et lors de caresses intimes, une femme peut facilement se retrouver avec un virus HPV sur ses parties". Les médecins lui indiquent qu'elle a été au contact de ce virus, entre quinze et vingt-cinq ans avant que son cancer ne soit diagnostiqué.
C'est un virus aussi fréquent, aussi banal que la grippe. La plupart des gens vont l'éliminer, mais il va rester dans l'organisme et la personne peut développer des cancers.
Laure RoulleAssociation No Taboo
Après de longues séances de chimiothérapie et de radiothérapie pelvienne "assez complexes", aujourd'hui, Laure "va bien". " Le compte rendu de mon oncologue, en date de la semaine dernière, indique 'aucune tumeur détectable, maladie stable'. Ça ne veut pas dire que je suis guérie", tempère-t-elle.
"Parler de ces choses"
En témoignant des dangers liés au virus HPV et de son expérience personnelle, Laure sait qu'elle participe à briser un tabou. "Quand on me demande où est mon cancer, ça devient très compliqué de parler de cette zone-là, reconnait-elle. J'ai fini par me dire qu'il fallait prendre le problème dans l'autre sens, parler des choses pour prendre les bonnes mesures de prévention.
Laure crée l'association No Taboo, qui informe sur les cancers liés au virus HPV, rappelle l'importance du dépistage, propose aux malades d'échanger sur le sujet, et milite pour la vaccination. Une vaccination qui s'adresse à tous.
Les hommes ne sont pas que vecteurs et transmetteurs. Ils peuvent aussi être touchés, et sont en première ligne des cancers ORL.
Laure RoulleAssociation No Taboo
Un discours appuyé par Sylvie Quelet, médecin et conseillère médicale à l’ARS Nouvelle-Aquitaine, qui rappelle qu'en France, 6 400 cancers liés au HPV se développent chaque année. "Nous sommes tous contaminés, renchérit-elle, et depuis peu, on s'aperçoit de l'importance des infections ORL et des cancers ORL liés au HPV".
"On voit heureusement diminuer les cancers liés au tabac et à l'alcool. En revanche, on voit apparaître des cancers ORL chez des gens plus jeunes et qui ont des caractéristiques différentes", alerte le médecin. Elle aussi milite pour une large couverture vaccinale.
Campagne de vaccination au collège
Depuis 2023, la vaccination généralisée et gratuite est proposée à tous les élèves de 5e. Les parents ont jusqu'au 29 septembre pour s'inscrire. Elle ne doit, en aucun cas, se substituer aux dépistages et aux frottis.
Ce vaccin, non obligatoire, mais fortement recommandé, peut se faire pour les jeunes âgés de 11 à 14 ans en 2 injections, et pour ceux âgés entre 15 et 19 ans qui n'auraient pas été vaccinés, en trois injections. Une vaccination "pratiquement efficace à 100 %" souligne le docteur Sylvie Quelet, qui cite des publications d'autres pays en exemple. "L'Australie a commencé à vacciner dès que le vaccin est arrivé sur le marché, en 2007 pour les filles et en 2013 pour les garçons", illustre-t-elle.
Chez ces jeunes qui ont été vaccinés il y a 15 ans, on note une diminution de manière très importante de la circulation virale, et on ne voit pratiquement plus de lésions précancéreuses du col.
Sylvie QueletMédecin, ARS Nouvelle-Aquitaine
En dépit de certaines réticences, la proposition de vaccination au collège a permis d'accroître fortement la couverture vaccinale, en France, notamment dans les zones rurales. Des études sont actuellement en cours, afin de porter cette vaccination jusqu'à l'âge de 26 ans.