"Moins de rixes et moins d'agressions" selon les riverains du quartier Saint-Michel à Bordeaux. Après plusieurs mois d'insécurité, la situation semble "s'apaiser" depuis le renfort des CRS, mais les dealers sont toujours là.
En septembre dernier, nous avions recueilli plusieurs témoignages inquiets d'habitants et de commerçants du quartier Saint-Michel, un quartier cosmopolite et populaire de Bordeaux, très apprécié pour sa convivialité.
Tous dénonçaient depuis plusieurs mois une recrudescence d'insécurité en raison de la présence de jeunes dealers au trafic de drogues très actif, eux-mêmes drogués et surtout très hostiles à l'égard des riverains. Un sentiment confirmé par des chiffres de délinquance en hausse (agressions à l'arme blanche et vols à l'arraché), en particulier depuis le confinement.
Trois mois après, nous les avons recontactés pour faire le point sur la situation.
Un sentiment d'apaisement
Olivier habite un immeuble de la rue des Pontets, dans le bas du quartier Saint-Michel, près de la place de Bourgogne. Une rue où le trafic de drogues est devenu très important lors du premier confinement, "de jour comme nuit", selon les témoignages, "des individus se droguaient carrément à l'héroïne au pied des immeubles et sur la petite place Molinié dès la nuit tombée".Avec d'autres riverains de la rue, inquiets et excédés, il a créé un collectif pour dénoncer "une insécurité grandissante et la menace de rixes fréquentes" entre dealers juste en bas de chez lui. Un soir, un événement inimaginable à Bordeaux s'est déroulé dans cette rue : "le 10 mai, une trentaine d'individus armée de sabres japonais et de battes de baseball se sont affrontés devant un squat situé à l'angle de la rue Gensan et de la rue des Pontets. La situation est devenue intolérable, nous avions peur de sortir de chez nous après 17 heures", nous avait-il confié.
"Depuis octobre, il me semble que la situation s'est apaisée sur le secteur de la rue des Pontets, rue Gensan et rue Maubec, et également devant l'entrée du parking des Salinières et de la rue des Faures. Il y a une présence soutenue des forces de l'ordre. Il me semble évident que le trafic s'est déplacé ailleurs. Je dois reconnaître que la politique de la ville a porté ses fruits", commente Olivier du collectif Saint-Michel.
Un constat partagé par une autre habitante de la rue des Pontets qui souhaite garder l'anonymat. "En septembre, je songeais à quitter le quartier, mais aujoud'hui ce n'est plus du tout d'actualité car le quartier a retrouvé un peu de calme. Les dealers se sont déplacés au niveau de la rue des Faures (qui donne sur la place Saint-Michel) et rue Maubec aussi, mais ils sont beaucoup moins agressifs avec les passants. Je vois davantage de policiers le soir aussi dans le quartier. L'ambiance a changé. En tant que femme, je n'ai plus peur de sortir dans le quartier. La caméra de vidéosurveillance installée en juillet au niveau de la place Molinié doit être aussi dissuassive je pense."
Renfort des CRS et contrôles de police quotidiens
A la pharmacie de La Flèche, située sur la place Saint-Michel, on apprécie également le retour à une situation plus calme. "Il y a des contrôles de police et des interpellations tous les jours. Le confinement doit jouer aussi. On voit les jeunes dealers rue des Faures et de l'autre côté de l'église Saint-Michel, ce sont toujours les mêmes individus, en tout cas avec le même profil, mais ils sont moins agressifs", selon le pharmacien qui demande des solutions à la mairie depuis plusieurs années.Le pharmacien est satisfait de ce changement et d'une police plus présente. "Seulement, qu'est-ce qu'on fait après ? Il faut un travail de fond dans le quartier "La situation s'est bien améliorée, il y a beaucoup de contrôles quotidiens, mais les dealers sont toujours là. Comment enrayer durablement le problème ?
Pour répondre à ce problème d'insécurité et à la hausse des actes de délinquance à Bordeaux, en particulier dans le quartier Saint-Michel, mais aussi dans les quartiers popualires des Aubiers et du Grand-parc au nord de la ville, les pouvoirs publics ont mis en place un GLTD, un groupe local de traitement de la délinquance, réunissant la mairie de Bordeaux, la préfecture, la police, et le parquet. Bordeaux a également obtenu le renfort d'une soixante de CRS pour soutenir les forces locales de police.
Philippe Roland, du syndicat SGP Police FO de Gironde, constate que "le renfort de CRS a été efficace pour Saint-Michel. Plus de présence policière et plus d'interpellations, la délinquance a diminué dans ce secteur, et c'est très dissuasif contre les trafiquants qui utilisent des MNA, des mineurs étrangers non accompagnés sur le territoire français, pour vendre la drogue et voler".
Le problème, c'est que la présence de la compagnie de CRS n'est pas pérenne à Bordeaux, et pour l'instant elle n'est prévue jusqu'au 6 décembre, selon ce syndicaliste policier, qui se dit donc "très prudent" sur la situation à Saint-Michel, "elle pourrait à nouveau se dégrader". Il espère que la ville puisse conserver durablement une compagnie de CRS. "Toulouse et Nantes réclament des renforts également, pas impossible qu'on la perde dans les prochaines semaines", s'inquiète le policier.