Le trafic a redécollé à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, et avec lui les nuisances sonores pour les milliers de riverains. Les perspectives annoncées font craindre le pire aux habitants, qui tirent la sonnette d'alarme. Ils ne comptent pas en rester là.
Le répit aura été de courte durée pour les milliers de riverains qui habitent autour de l’aéroport de Bordeaux Mérignac. L’interruption quasi-totale du trafic aérien durant la crise sanitaire leur a épargné des nuisances sonores. Mais depuis des mois, le ballet incessant des avions a repris, de jour comme de nuit. L’augmentation du nombre d’appareils est devenue quasiment insupportable pour les habitants.
Les résidents des communes limitrophes du Haillan et d'Eysines, survolés par les couloirs aériens, sont inquiets pour l’avenir. Et ce n’est pas le nouveau plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE), adopté par arrêté préfectoral qui va les rassurer.
122 000 vols par an d'ici 2038
Le document de la préfecture prévoit une augmentation du nombre de rotations. À terme, d'ici à quinze ans, il pourrait passer à 122 000 vols par an, contre 84 000 en 2019. Une année noire pour beaucoup, dont Pierre Arnal qui ne profite plus de son jardin, excédé par le bruit.
Le vice-président de l'association Aehdcna (Association Eysino-haillanaise de défense contre les nuisances de l'aéroport), s’en souvient encore : "Ce n'était pas supportable. L’été, c’est impossible de rester dehors. On ne peut pas discuter, on ne peut pas parler. Ça complique beaucoup la vie."
Au fil des ans, Pierre Arnal a vu l’aéroport se développer. "Quand on a acheté la maison en 1970, il y avait 10 avions par jour !", dit-il avant de s’interrompre à cause du bruit d’un appareil au-dessus de son jardin. "Aujourd’hui, ce qui nous révolte, c’est qu’en pleine saison, on a un avion toutes les 4 minutes, là, on en aura un toutes les 2 minutes ! C'est une catastrophe, on ne peut pas continuer comme ça ! Développer, c’est bien, mais à un moment, il faut s’arrêter !".
"Il faudrait maîtriser la croissance de l'aéroport"
En 2022, 64 000 vols ont décollé et atterri à l’aéroport de Bordeaux Mérignac. La maire du Haillan ne veut pas renier le caractère économique important de la plateforme. Pour autant, Andréa Kiss ne souhaite pas que son développement se fasse au détriment de la population. "Quand vous passez de 84 000 à 122 000 vols, c’est 50 % de plus donc ça veut dire 50 % de nuisances supplémentaires pour les habitants". Madame la maire déplore que les communes ne soient pas invitées à réfléchir sur le développement de l'aéroport.
"Il faudrait sans doute maîtriser un peu mieux la croissance de l’aéroport. Nous ne voulons pas sa disparition, parce que c’est un acteur économique incontournable. Pour autant, son développement ne doit pas se faire au détriment de la santé ni de la quiétude des riverains."
Pierre Arnal ne dit pas autre chose. Le retraité ne comprend pas pourquoi son association n’est pas entendue sur le sujet et rappelle les risques sur la santé. "Notre santé est menacée, on ne peut pas vivre correctement. Que des gens ne veuillent pas tenir compte de cela me parait incroyable !
Plus de décès liés aux maladies cardiovasculaires
D’après une enquête du ministère de la Santé (Débats) menée en 2020, l’exposition au trafic aérien augmenterait de 28 % le risque de mortalité par infarctus, de 34 % de risque d’hypertension artérielle chez les hommes, et de 80 % le risque de détresse psychologique. C’est d’ailleurs ce que rappellent des professionnels de santé dans une tribune, publiée dans les colonnes du Monde en décembre 2022.
De son côté, Simon Dreschel, le directeur de l'aéroport de Bordeaux, préfère se limiter au plan stratégique à cinq ans, voté en décembre 2022. Il conteste vouloir engager un développement à outrance. "84 000 mouvements, c’est ce qu’on avait en 2019, on aura vraisemblablement le même niveau de mouvement à la fin du plan en 2027. Il faut savoir que l’objectif en soi de l’aéroport n’est pas de créer du volume. Ce n’est pas d’avoir des mouvements d’avions le plus possible. Ce que l’on veut, c’est un développement raisonné, et c’est ce qu’on a affiché dans notre plan stratégique que l’on a voté le 15 décembre."
Pour la pollution sonore, le directeur assure vouloir limiter leurs impacts. "C’est le sens de l’histoire" affirme-t-il tout en rappelant avoir engagé, ces dernières années, sept millions d’euros, pour insonoriser des logements. "On travaille sur les trajectoires des avions autant que possible avec l’État et les contrôleurs aériens, pour éviter les zones urbanisées ".
La question des vols de nuit
D’autant qu’à Eysines, au Haillan ou encore à Saint-Jean-d'Illac, les journées sont perturbées par le bruit des avions, mais les nuits aussi. L’aéroport de Bordeaux-Mérignac est le seul grand aéroport en France à ne pas limiter les décollages et les atterrissages nocturnes. Ils représentent un peu plus de sept vols nocturnes par nuit en moyenne. Pour Andréa Kiss, c’est une question de santé publique. "Quand vous perturbez le sommeil des gens derrière, c’est tout un tas de pathologies qui se développent et en particulier des maladies cardio-vasculaires."
Avec les associations et d’autres communes, l’élue milite pour des restrictions significatives et un couvre-feu entre minuit et six heures. Pour le moment, elles n’ont pas été entendues.
De son côté, l'aéroport de Bordeaux-Mérignac peut inciter, mais n’est pas en capacité d’interdire les vols nocturnes. La décision revient à la direction générale de l'Aviation civile (DGAC), rattachée au ministère de la Transition écologique. Pour les atténuer, la direction compte sur une modulation tarifaire renforcée pour les compagnies aériennes favorisant les vols de jour. "Les avions qui se posent la nuit peuvent payer jusqu’à deux fois plus cher la redevance d’atterrissage", précise Simon Dreschel.
Mobilisation des riverains
Reste que les riverains ont la sensation d'être dans un dialogue de sourds. Ils espèrent toujours faire entendre leurs voix. L'association eysino-haillanaise de défense contre les nuisances de l'aéroport, organise une réunion publique le 21 janvier à 10h30, à Eysines. Une manifestation devant l'aéroport est également annoncée le 18 mars prochain.