Violences conjugales : un nouveau centre d'accueil pour les victimes à Bordeaux

Le centre Gisèle Halimi accueille les femmes victimes de violences intrafamiliales et leurs enfants depuis juin. Une équipe pluridisciplinaire est présente pour les prendre en charge en toute sécurité. Numéro d'écoute 7 jours sur 7 et 24H/24.

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Depuis le premier confinement, les chiffres des violences conjugales ont explosé et les appels de victimes qui demandent de l'aide, parfois en urgence, sont en très forte augmentation. En juin 2021, l'APAFED ( association pour l'accueil des femmes en difficulté ) a ouvert un centre d'accueil de jour.

Accès sécurisé

C'est un dispositif d'écoute et d'accompagnement des femmes victimes de violences conjugales avec ou sans enfant. Ce centre d'accueil de jour est situé à Bordeaux, à une adresse connue des forces de l'ordre, des partenaires associatifs, et des victimes. "Nous recevons régulièrement des menaces et des insultes donc il faut absolument protéger ce lieu pour éviter les intrusions, c'est déjà arrivé, et assurer la sécurité des personnes qui viennent ici", explique Naïma Charaï la nouvelle directrice de l'APAFED.

Les femmes que nous accueillons ont peur.

Naïma Charaï, directrice de l'APAFED

"Les victimes ont besoin d'une prise en charge psychologique et sociale, juridique également. Leurs enfants sont pris en charge car ils sont aussi des victimes quand il y a des violences entre les parents parce qu'ils sont des témoins directs et parfois aussi violentés physiquement". Une équipe d'éducateurs spécialisés, assistantes sociales est présente dans les murs du centre Gisèle Halimi.

"En cas de danger, nous pouvons héberger les victimes dans notre foyer d'hébergement d'urgence et également dans des appartements indépendants. Actuellement nous prenons en charge une centaine de femmes et leurs enfants", selon la directrice du centre.

Depuis le premier confinement, c'est très lourd car les appels de victimes ont très fortement augmenté, la gravité des violences aussi a augmenté.

Naïma Charaï, directrice de l'APAFED

"Après le meutre atroce de Chahinez Daoud qui a été brûlée vive en pleine rue par son ex-mari, il y a eu comme un électrochoc chez les victimes qui ont pris peur et qui ont préféré quitter le domicile conjugal de peur de mourir sous les coups de leur conjoint", témoigne Naïma Charaï.

Parfois il s'agit simplement d'écouter les victimes. Une personne de l'association assure une permance téléphonique 24h/24 et 7 jours sur 7. "Certaines ne sont pas encore décidées à quitter leur conjoint violent, mais elles ont besoin de parler", raconte Marina, chef de service à l'APAFED.

 

Quitter le domicile conjugal

Comment réussir à quitter le domicile conjugal ? Le centre Gisèle Halimi aide les victimes à sortir du cycle infernal des violences. Vous pouvez vous faire aider par téléphone. Trouver le moment opportun, partir en toute sécurité. C'est le travail des éducatrices. Si le danger est trop grand, il faut contacter la police ou la gendarmerie. Le centre Gisèle Halimi peut le faire pour vous, ou bien venir vous chercher et vous accompagner dans un lieu sécurisé.

L'APAFED est une association d'accueil pour les femmes battues et leurs enfants créée en 1984. Cette association dispose d'un foyer d'hébergement d'urgence situé dans la banlieue de Bordeaux. L'adresse est confidentielle. Vous pouvez demander un hébergement en cas de grand danger, pour être "mis à l'abri" et hors de portée de l'auteur des violences. L'APAFED a assuré 1400 nuités d'hôtels en 2020 pour les victimes. L'association est aidée financièrement par l'Etat, la mairie de Bordeaux, le conseil général de la Gironde et la Région.

Grâce à des fonds "droits des femmes" issus du Grenelle des violences conjugales en 2019, l'association dispose d'appartements. Il y a 36 places réparties sur la bassin d'Arcachon, le sud-Gironde et la Haute-Gironde.

"Il disait qu'il allait jeter mon bébé à la Garonne"

Sophie, dont le prénom a été modifié pour l'article, est une mère de famille de 40 ans. Elle bénéficie d'un appartement depuis le mois de février où elle vit avec sa fille de 18 ans et un bébé de 18 mois. Elle a fui son ex-compagnon qui était devenu trop violent et menaçant.

Sophie a accpeté de témoigner au micro de France 3 pour "les autres victimes qui n'osent pas et car il faut que la parole se libère". "

A chaque fois, ça se passe lors de différends, il m'attrape par la gorge et il crie. Il dit qu'il va jeter mon bébé à la Garonne, que c'est pas grave et qu' il en fera un autre. Je me lève, j'attrappe mon bébé et je descends les escaliers en courant, ma fille est là aussi, et on court et j'espère que je vais pouvoir ouvrir la porte d'entrée pour m'échapper, raconte Sophie bouleversée. J'ai demandé de l'aide à ma belle-famille mais elle me laisse toute seule en me disant qu'il va se calmer. Au début, je lui pardonne et il sait y faire pour essayer de me rassurer. Comme je suis amoureuse, je me dis qu'il a raison et que ça va passer. Et puis, ça recommence. A chaque crise, il décuple une force incroyable, il casse des objets, il hurle alors que le bébé dort dans la pièce à côté. J'ai eu peur de mourir et de perdre mon bébé."

"Un jour en plein hiver, alors que je lui ai dit que j'avais l'intention de le quitter, il a coupé l'électricité et l'eau chaude. Je me suis retrouvée dans le froid et dans le noir avec mes deux enfants. J'ai demandé de l'aide pour me sortir de là".

Conseillée par son avocat, Sophie a contacté l'APAFED qui lui a proposé un logement provisoire dans cet appartement tout neuf, le temps de retrouver un travail et d'organiser sa nouvelle vie. Car Sophie n'était plus indépendante au plan financier lorsqu'elle vivait avec son ex-compganon, l'auteur des violences. "Il avait une emprise psychologique sur moi. Sa famille aussi faisait pression sur moi pour me prendre le bébé. Mon ancien compagnon appartient à une famille connue dans la ville où l'on vivait. Il a une réputation. Il me faisait passer pour une folle. J'aimerais que les gens se rendent compte de sa véritable personnalité", déplore Sophie qui est soulagée d'avoir trouver cet appartement.

Aujourd'hui, elle a retrouvé un emploi, sa fille de 18 ans aussi. Elle a trouvé une crèche pour son bébé. Prochaine étape, trouver un logement indépendant. "Je me souviens quand Sophie a visité cet appartement, elle ouvrait grand les yeux et elle était très émue d'avoir trouver un refuge et de sentir qu'elle n'était plus seule", se souvient Colette, éducatrice spécialisée à l'APAFED. "C'est primordial de ne plus se sentir seule face aux violences." 

"Nous voulons faire savoir aux victimes qu'elles ne sont pas seules face aux violences. Qu'il y a en France de nombreuses associations comme l'APAFED qui aident les victimes. Il faut partir et demander de l'aide", insiste Julie, une éducatrice spécialisée qui suit Sophie dans sa nouvelle vie.

"Tu vas finir comme Chahinez"

Au tribunal judiciaire de Bordeaux, les affaires de violences conjugales représentent 80 % des comparutions immédiates. Menaces de mort réitérées sur conjoint, coups et blessures sur conjoint, harcèlement téléphonique, destruction de biens appartenant à un conjoint ou à un ex-conjoint, autant de motifs que l'on peut lire sur les rôles à l'entrée des salles d'audience. Les affaires s'enchaînent...

C'est la procureure de la république qui poursuit les auteurs et constate aussi "une explosion" des violences intrafamiliales depuis le premier confinement.  

Les faits sont plus nombreux et sont plus graves depuis un an.

Frédérique Porterie, procureure de la république de Bordeaux

"Les paroles sont très violentes. Certains auteurs présumés se réfèrent même à des féminicides récents comme celui de Chahinez Daoud - brûlée vive en pleine rue par son ex-mari récidiviste le 4 mai 2021 à Mérignac- : tu vas finir comme Chahinez !", confie Frédérique Porterie, procureure de la république.

Eric Ruelle, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, constate que "les peines prononcées par les magistrats sont plus sévères et presque toujours assorties de mesures de probation et d'accompagnement à la sortie de prison".

La lutte contre les violences conjugales est en tête de nos priorités.

Eric Ruelle, président du tribunal judiciaire de Bordeaux

Le féminicide de Chahinez Dadoud et surtout la série de défaillances administratives qui entourent sa mort tragique, a été un électrochoc aussi pour la justice. Des comités de pilotage dédiés aux violences conjugales ont lieu tous les deux mois. Ces comités sont coprésidés par la procureure de la république et le président du tribunal judiciaire. Ils font le point sur les dossiers avec la police, la gendarmerie, les associations de victimes, et les services pénitentiaires. "Il s'agit d'améliorer la prise en charge des victimes et le suivi des auteurs". 

"En 2019, il y avait 15 TGD ( téléphone grand danger) attribués en Gironde, aujourd'hui en septembre 2021, il y en a 64 sur 67 attribués. Et je vais en demander dix de plus", explique Frédérique Porterie en charge de l'attribution de ces outils de protection des victimes. 

Les violences conjugales ont augmenté de 20 à 25 %.

Frédérique Porterie, procureure de la république de Bordeaux

En 2019, 1990 plaintes pour violences conjugales. En 2020, ce chiffre est passé à 2451 plaintes. En 2021, au 1er juillet, il y a déjà 1420 plaintes enregistrées, selon les chiffres du parquet de Bordeaux communiqués le 7 septembre 2021 à France 3 Aquitaine.

Cette tendance se confirme partout en France, toutes classes sociales confondues.

 

Les violences conjugales en chiffres

En moyenne en France, 213 000 femmes âgées de 18 à 75 ans, au cours d'une vie, sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint.

7 femmes sur 10 déclarent avoir subi des faits répétés.

8 femmes victimes sur 10 déclarent avoir également été soumises à des atteintes psychologiques ou d'agressions verbales

Seules 18 % des victimes ont déposé une plainte en gendarmerie ou au commissariat

En 2019, 146 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire, 25 enfants mineurs sont décédés, tués par un des parents dans un contexte de violences au sein du couple. 84 % des morts au sein du couple sont des femmes.

1 femme sur 2 n'ose pas en parler à un proche

20 % des victimes ont craint pour leur vie. 26 % ont subi des problèmes de santé liés aux violences.

En 2019, 12 féminicides en Nouvelle-Aquitaine dont 3 en Gironde et 1 à Bordeaux.

En 2020, 65 téléphones grand danger attribués en Gironde au 1er/09/21 ( source parquet de Bordeaux).

En 2021, 85 % des comparutions immédiates liées à des affaires de violences conjugales au tribunal judiciare de Bordeaux ( source parquet de Bordeaux)

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