Depuis plus d'un an, les participants à la convention citoyenne pour le climat travaillent à l'élaboration d'un projet de loi climat. Les citoyens doivent échanger ce lundi avec Emmanuel Macron. Beaucoup font part de leur frustration de voir leurs propositions vidées de leur substance.
La discussion entre les membres de la Convention climat et le président s'annonce animée. Ce lundi, 150 citoyens venus de toute la France, vont découvrir les nouveaux arbitrages du futur projet de loi climat.
Depuis le mois d'octobre 2019, ils se retrouvent, échangent et élaborent des propositions pour une France plus verte avec un objectif affiché : réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre.
Au printemps 2020, les idées étaient remises au gouvernement, qui souhaite s'appuyer sur leur travail pour présenter un texte de loi.
Les grandes lignes dévoilées
Six mois plus tard, le gouvernement vient de dévoiler les grandes lignes de ce texte de loi à venir. Les premières annonces ont suscité la colère de certains participants, comme le réalisateur Cyril Dion.
Ce dernier a publiquement reproché au chef de l'Etat de ne pas tenir sa parole, en modifiant, amendant ou supprimant un grand nombre des propositions émises par les citoyens.
149 propositions
Cinq thèmes ont été étudiés par la Convention citoyenne : se déplacer, se loger, se nourrir, produire et travailler, et consommer. Après de longues séances de travail, chaque groupe a émis des propositions, proposées ensuite au vote à l'ensemble des citoyens de la convention. En juin, ce sont 149 propositions qui ont ainsi été remises au gouvernement.
Les Girondins Guillaume et Lionel ont tous les deux été tirés au sort pour participer à cette convention. . Le premier est formateur dans les transports, et réside dans une commune au sud de Bordeaux. Le deuxième, viticulteur est installé à Capian, dans l'Entre-deux-Mers. Ils se sont retrouvés dans le groupe "Se déplacer".
Les 110km/h rapidement retoqués
C'est ce groupe de citoyens qui a fait grand bruit en demandant une réduction de la vitesse sur les autoroutes de 130km/h à 110 km/h. Une proposition immédiatement rejetée par le chef de l'Etat. "C'était une de mes idées, sourit Guillaume. C'était aussi pour faire parler de nous, parce que nos travaux passaient assez inaperçus."
"C'était une mesure qui avait un impact fort, et qui ne coûtait pas grand-chose, à part le prix des panneaux", estime de son côté Lionel.
On nous a répondu que ce n'était pas possible, que le passage des 90 à 80 kilomètres par heure avait favorisé l'émergence des Gilets jaunes. Pourtant c'est une mesure qui aurait fait baisser les gaz à effets de serre de façon significative.
Le groupe "Se déplacer" proposait également, entre autres, des formations à l'écoconduite, l'interdiction dès 2025 de la commercialisation de véhicules neufs très émetteurs, la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs lorsqu'une solution alternative bas carbone existe en quatre heures, ou encore l'interdiction de l'accès aux centre-ville pour les véhicules les plus polluants.
"Beaucoup de nos idées ont été diminuées de moitié, voire supprimées, regrette Lionel Moncla. On nous dit que 40% des propositions ont été prises en compte. Mais c'était pas ça l'objectif. C'était de réduire de 40% l'émission de gaz à effet de serre", rappelle-t-il.
"Les 40%, on n'y arrivera pas"
Guillaume se fait lui plus pragmatique, et ne paraît pas trop surpris. " Plusieurs mesures sont en partie ou complètement vidées de leur substance… On voulait que l'écocide soit reconnu comme un crime. Ca ne sera qu'un délit, déplore-t-il, sans pour autant sombrer dans le pessimisme le plus total.
On savait bien, quand on a lu la lettre du Premier ministre au départ, que nous n'étions là que pour faire des propositions. Ce sont ensuite les élus qui décident".
On essaie quand même de bouger, de faire quelque chose, il y a quand même du positif. Pourtant, on sait bien que si ça reste comme ça, la réduction des 40%, on n'y arrivera pas.
"Ils se sont énormément investis, et ils constatent aujourd'hui qu'ils n'ont pas de pouvoir"
Il assure comprendre la colère de certains citoyens, et rappelle les contraintes engendrées par leur participation : déplacements au Conseil économique et social à Paris, webinaires à suivre en ligne, week-ends consacrés à la convention...
"J'ai dû poser onze jours de congés pour participer aux ateliers. C'était des journées de 10 heures.
Certains ont dû réaménager leur temps de travail. Je comprends qu'ils aient les boules. Ils se sont énormément investis, et ils constatent aujourd'hui qu'ils n'ont pas ou peu de pouvoir".
Un point de vue partagé par Lionel Moucla. Tenu par ses contraintes professionnelles, le viticulteur a même envisagé jeter l'éponge "Dans les réunions c'était très intense, il fallait être productif. J'ai hésité à poursuivre en janvier, et puis lorsqu'Emmanuel Macron nous a rencontrés, ça m'a reboosté."
"J'espère vraiment qu'on n'a pas perdu du temps et de l'argent"
Au-delà des écueils rencontrés, le Girondin veut aussi garder en tête les rencontres avec des citoyens venus de toute la France, Outre-mer compris. "C'était une nouvelle expérience, on a créé des liens. Je craignais l'agribashing, je n'en ai pas ressenti du tout", retient-il.
Serait-il prêt à y retourner pour autant si on le lui proposait ? "Nous agriculteurs nous sommes les premiers concernés par le climat. C'est pour ça que j'ai accepté d'y aller. Maintenant… je vais attendre de voir concrètement ce que le texte va donner. J'espère vraiment qu'on n'a pas perdu du temps et de l'argent".