Alors que l'été approche, une pétition a été lancée pour interdire les scooters des mers sur le Bassin d'Arcachon. La mobilisation, initiée en début de semaine, a déjà dépassé son objectif des mille signatures et le chiffre des opposants ne cesse de grimper...
« Les scooters de mers sur le bassin d’Arcachon sont une pollution sonore et écologique. Sans compter les excès de vitesse et le non respect systématique des règles de nautisme. (A fond dans les corps mort et dans les zones de baignade) »
La pétition, écrite à destination des maires, a rapidement suscité l'adhésion de nombreux plaisanciers, riverains ou amoureux de la nature exaspérés par les nuisances de ces engins bondissants et vrombissants sur les eaux tranquilles du Bassin.
En ce 4 juin, l'objectif de son initiateur, un certain Victor Péry, était d'atteindre le millier de signature. Succès oblige, la barre a été relevée à 2500. Ce chiffre pourrait lui-même être dépassé, à en croire l'augmentation constante et régulière des soutiens.
Cette démarche suffira-t-elle à convaincre les maires de prendre un arrêté d'interdiction ? Certains observateurs comme Michel Lenoir, créateur et directeur d'Infobassin, site indépendant comptant 20 000 abonnés, reste sceptique quant à l'issue de cette mobilisation populaire, comme en témoigne sa chronique publiée ce matin :
C’est mal connaître les maires du Bassin (surtout après les élections…) et le poids de l’industrie nautique et des loisirs pour penser qu’une pétition pourrait les faire bouger d’un cheveu sur la question. Ou alors sous la forme d’un peu de com avec lancement d’une commission chargée d’une étude qui rendra son projet devant les intercommunalités ou le Parc Naturel Marin … etc. Et on en reparle dans 6 ans. Parce qu’à moins de 50.000 signatures (1/3 de la population du Bassin) au moins et d’un gros ramdam sur les réseaux sociaux, le chant du tiroir-caisse prévaudra toujours sur celui de la brise marine.
Qui se cache derrière Victor Péry ? "La personne, ça ne m'intéresse pas, poursuit Michel Lenoir, l'important, c'est de voir quelle sera l'ampleur du mouvement".
Le scooter des mers est un phénomène récent sur le Bassin, datant d'une dizaine d'années, mais sa pratique est exponentielle. Et ce sont inévitablement les endroits paisibles qui sont les plus recherchés, comme la pointe du Cap Ferret ou l'Ile aux Oiseaux.
Trois bases nautiques proposent leurs services -une à Arcachon et deux au Cap Ferret- avec formation et balades accompagnées. C'est le cas de Jet33 à Arcachon, ouverte il y a neuf ans. Sa dirigeante, Brigitte Walkowiak n'est pas vraiment surprise par la pétition car, elle est bien placée pour le savoir, les scooters sont souvent pointés du doigt.
Elle constate toutefois que c'est la première fois que les détracteurs montent au créneau de cette façon.
Beaucoup de gens voudraient voir disparaitre les jet-skis, je peux les comprendre mais certains sont extrêmistes. Je pars du principe que tout doit être question de mesure et d'éducation. Les scooters ne polluent pas plus que certains bateaux à moteur. Contrairement aux idées reçues, les engins ne peuvent pas sentir le gas-oil... puisqu'ils fonctionnent à l'essence ! Et puis, sur un jet, vous ne pouvez ni fumer, ni boire, ni manger pour des raisons de sécurité. Donc pas de déchets à la mer. Et pas d'hélice non plus pour détruire les petits poissons. Et parfois, les plaisanciers sont bien contents qu'un scooter vienne les secourir... Il y a aussi des points positifs à la pratique du jet-ski !
Quant aux nuisances sonores, Brigitte Malkowiak affirme privilégier l'achat d'engins reconnus parmi les moins bruyants. Elle propose des randonnées accompagnées avec moniteur, dans des circuits délimités et agréés par les Affaires Maritimes.
En dehors de ces structures, les locations se sont multipliées ainsi que les rassemblements "sauvages". Des particuliers se regroupent sur leurs engins -souvent très puissants-, adoptant des comportements parfois à risque, s'approchant par exemple des zones de baignades ou des Passes du Bassin, réputées si dangereuses pour la navigation.
Le président de la Caub'Arc, qui rassemble une trentaine d'associations d'usagers du Bassin d'Arcachon, a été témoin de quelques uns de ces "rodéos de la mer". Selon Joël Confulan, le bruit est parfois énorme. Certains soirs, des files indiennes se forment, composées d'une dizaine de pilotes prêts à lâcher les chevaux pour en découdre. Sans parler des excès de vitesse, propres à ce genre d'exercice. Pour autant, il considère que ce sont des abus qu'il faut réprimer sans aller jusqu'à interdire les jet-skis.
Tout le monde ne peut pas naviguer à la voile. Faut-il exclure les moteurs, ceux des bateaux, ceux des scooters ? Non, il faut savoir raison garder. Je comprends les protestataires parce que ces nuisances sonores peuvent être très désagréables mais ce qui est nécessaire, c'est de multiplier les contrôles et de punir les contrevenants au bruit et à la vitesse.
Comme on peut l'imaginer, la réaction est beaucoup plus tranchée concernant les protecteurs de la nature qui se montrent très favorables à cette pétition.
Selon Daniel Delestre, président de la SEPANSO Gironde et Aquitaine, les scooters des mers provoquent une double gêne, humaine et faunistique. Le bruit est fortement perturbant pour les oiseaux -notamment au Banc d'Arguin- mais aussi pour les poissons, tentés de fuir le Bassin qui est pourtant leur lieu de reproduction.
C'est un viol des espaces maritimes comme le quad peut l'être en forêt. Le bruit des scooters dépasse tous les autres bruits. Certains habitants du Bassin ont vendu leur maison parce qu'ils ne le supportaient plus !
Tous ces remous autour des scooters des mers seraient-ils l'une des conséquences du confinement qui exacerbe les réactions : d'un côté les contemplatifs, amateurs de silence, de l'autre les actifs en manque de sensations fortes pendant deux mois ?
A 16 heures 45, en ce jeudi après-midi, la pétition atteignait les 2350 signatures.
Il n'en manquait plus que cent cinquante pour atteindre l'objectif.