Incendies en Gironde. "22 ans chez les pompiers, et c'est la première fois de ma vie que j'ai aussi peur"

Près de 13 000 hectares ont été détruits par l'incendie de Landiras, qui n'est toujours pas fixé
"Je n'ai jamais eu aussi peur" Après une semaine de lutte contre les flammes, les pompiers confient leurs impressions ©France 3 Aquitaine

Chaleur, fatigue, peur ou sentiment d'impuissance... Après huit jours de combat contre les flammes, les pompiers sur le terrain en Gironde confient leurs impressions.

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Depuis plus d'une semaine, ils travaillent nuit et jour sur le front des incendies. Deux mille pompiers luttent contre les flammes des incendies de la Teste-de-Buch et de Landiras, dans l'ouest et le sud de la Gironde.  

Nuits sans sommeil

Le lieutenant Sébastien Giraud est arrivé de la Rochelle pour combattre l'incendie de Landiras. Il s'apprête à entrer dans le brasier pour la première fois, et se prépare à une journée de travail de 24 heures.
Le lieutenant, qui a échangé avec des collègues qui quittaient le secteur pour repartir  sur la Rochelle, a pu constater leur fatigue. Mais il assure qu'il ne s'agit pas de sa préoccupation première.

Avec l'adrénaline, la fatigue, on ne la ressent pas trop. C'est surtout la chaleur et la sensation de manquer d'air sur les fumées qui nous pèsent. La fatigue, on la ressent après. 

Lieutenant Sébastien Giraud

Source : France 3 Aquitaine

"Les températures nous gênent beaucoup"

Pour autant il sait bien que la vigilance est moindre après des nuits sans sommeil. "C'est vrai qu'au début on est frais. Au bout de deux jours, avec la fatigue, on s'expose plus aux risques d'accidents, et à tous les dangers. C'est à ce moment-là qu'il va falloir faire très attention"

A la fatigue s'ajoute la chaleur. Tout au long de la semaine, la température en Gironde a dépassé les 40 degrés, compliquant la tâche des pompiers , tout en favorisant les reprises de feu

Arrivé de la Creuse dimanche matin, le lieutenant Philippe Desvillette était positionné sur les lignes d'appui. Lui aussi a "fait 24 heures sans dormir" avant de pouvoir grapiller quelques heures de sommeil dans un stade et avaler un premier repas. 
Il raconte un combat éreintant : "On a fait une colonne de deux kilomètres sur la ligne d'appui, pour essayer d'arrêter le feu sur la départementale 115 (...) On a eu trois jours de chaud, avec les températures qui nous gênent beaucoup", reconnaît-il. 

L'eau s'évapore tellement vite. On ne fait pas grand chose contre les flammes de 15 à 30 mètres de haut qui nous arrivent dessus. Heureusement qu'on a les lances-canon qui nous permettent de diminuer la chaleur.

Lieutenant Philippe Desvilletes

Source : France 3 Aquitaine

Des conditions extrêmes, même pour des soldats aguerris. "Les conditions sont très difficiles, témoigne l'adjudant chef Johann Maushaussat, également Creusois. J'ai déjà fait des feux de forêt chez nous, mais ici c'est complètement différent. C'est hors norme."

"On prend beaucoup de risques. Même en buvant beaucoup, on a été très nombreux à avoir des coups de chaleur, poursuit-il. Il détaille les règles de sécurité des militaires dans ces conditions extrêmes : "ne jamais se quitter, ne jamais être seul. Parce qu'on peut très vite se faire prendre". Lui-même ne cache pas avoir craint pour sa vie à deux reprises. 

J'ai eu très peur. Vingt-deux ans chez les pompiers, et c'est la première fois de ma vie que j'ai aussi peur. Ce qu'on a vécu, on n'oubliera jamais : c'est impossible à oublier. Et j'espère aussi ne jamais le revoir.

Adjudant chef Johann Maushaussat

Source : France 3 Aquitaine

"On n'a l'impression de n'avoir rien fait"

Le caporal Hugo Deffontis n'est âgé que de 23 ans. Au-delà de la fatigue, il confie un sentiment d'impuissance, devant un feu qui n'a cessé de s'étendre, poussé par des vents changeants.  "C'est triste à dire, mais quand on va repartir on va voir l'impression de n'avoir rien fait. On voit encore toute la fumée, là, dehors... On se rend compte que le feu évolue toujours", souffle-t-il. 

On essaie de faire des lignes d'appui pour que le feu ne passe pas, on y arrive... Et quand on repasse le soir, on voit que le feu est reparti derrière nous. C'est compliqué.

Caporal Hugo Deffontis

France 3 Aquitaine

Le jeune pompier reconnaît que l'idée de se mesurer à un feu d'une telle ampleur revêtait, sur le papier en tout cas, un certain attrait sur le plan professionnel. La réalité s'avère plus amère. "On a 4 000 litres d'eau dans un camion. On les vide, on essaie d'avoir un impact,  et le feu est toujours partout autour. C'est triste, même si je pense que petit à petit on va y arriver". 

Réconfort

Sur place, les bénévoles s'activent pour tenter d'apporter quelques ressources aux militaires. Repas, boissons, et mêmes massage et soins sont dispensés dans une salle des fêtes, réquisitionnée pour l'occasion.

Les pompiers assurent également trouver du réconfort dans les échanges entre eux. "On parle entre nous, on rigole, ca fait du bien", poursuit le caporal Deffontis qui salue au passage l'accueil des habitants. Autre source d'espoir : la météo qui s'est rafraîchie depuis mardi, et une situation qui semble évoluer favorablement.

La superficie brûlée à la Teste est restée stable pendant la nuit de mardi à mercredi et celle du feu de Landiras n'a augmenté que de 300 hectares. Au total, ce sont plus de 20 000 hectares qui sont partis en fumée depuis le 12 juillet. 

 

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