Samedi 27 mai, pour la première fois à Libourne s'élancera "La marche des fiertés" organisée par une association artistique locale. A cette occasion, Thomas, 26 ans, se confie sur son parcours, la difficulté, mais aussi le bonheur d'être "non binaire" et le fait de le vivre en milieu rural, loin d'une métropole.
Des yeux vifs et le sourire facile. On voit par ses gestes amples et ses questions que Thomas a envie de partager. Il a soigné son allure et sa coiffure et apprécie qu'on ait remarqué. Ce jour-là, il y a comme une ambiance d'excitation : à moins d'une semaine de l'événement, ses amies de l'association sont là pour une des dernières réunions de préparation avant "La première marche des fiertés de Libourne".
Car c'est ici, au lycée Max Linder, à 40 km au nord de Bordeaux, que tous se sont rencontrés. L'association "Les Connes", un nom drôle et volontairement provocateur qui leur va bien, est née, l'an dernier, de cette amitié-là. Ses six membres sont tous concernés de près ou de loin par la cause LGBTQIA+ (voir en fin d'article) ou par des discriminations. Tous se rappellent que, à l'époque, il n'y avait pas beaucoup de références queer ou lesbiennes dans la rue principale libournaise.
L'idée de cette grande fête est devenue évidente et les filles de l'association se sont mises à fédérer les énergies, à entraîner d'autres associations locales dans la boucle, trouver les musiciens, des artistes qui se produiront en concert, mais aussi assurer la sécurité, etc... Elles ont hâte de voir ce projet se réaliser samedi 27 mai.
Ni fille, ni garçon
C'est dans ce contexte-là que Thomas se confie sur son parcours. Enfant, il "adorait" se déguiser avec les vêtements de sa grand-mère, ses chaussures et surtout partager avec elle des séances télé devant "Sissi Impératrice". Tout lui plaisait : les robes, les effets brillants et Romy Schneider bien-sûr... Si tous les enfants aiment à jouer avec des vêtements colorés, Thomas, lui, a continué. C'est de là sans doute que lui vient sa passion pour le textile, les matières et la force du vêtement qui permet de devenir un(e) autre.
"Tout petit, j'étais persuadé, et je disais ça souvent : moi, je ne suis ni un homme, ni une femme, je suis Thomas ", se souvient-il. Aujourd'hui, il peut nommer ce qui définirait le mieux son identité. "Mon "genre", c'est-à-dire celui qui n'est ni un homme, ni une femme... il est venu tout de suite". Dans le langage de la communauté LGBTQIA+, il serait plutôt "Queer". Il explique dans un sourire amusé : "en Anglais, ça veut dire délurée et finalement, ça a été transformé en "folle". Une vieille folle, une jeune folle, une folle dingue !"
Thomas cherche à faire sourire aussi : oui décidément, il aime le film "La cage aux folles" et le personnage de Zaza : "c'est tellement ça ! Ah ah!", rit-il... Soudainement plus grave, il évoque un phénomène de "follophobie", "qui viendrait discriminer tous ceux trop efféminés..." Comme une nouvelle discrimination qui viendrait s'ajouter aux autres. Il ajoute que, s'il avait pu choisir, il aurait choisi "sans sexualité", ça aurait été bien plus facile.
J'ai toujours su que j'avais cette orientation (...) Je me sens ni comme un homme, ni comme une femme. Mais à la limite, je n'ai pas besoin de ces qualificatifs-là...
ThomasFrance 3 Aquitaine
Une forme de bonheur
Aujourd'hui, bien sûr il connaît encore des hauts et des bas, mais il semble fort de cette connaissance de soi. Il sait qui il est et ne veut pas en faire un secret. Et explique qu'il trouve ça presque plus intéressant qu'être cantonné à un simple genre féminin Ou masculin. "En tant qu'artiste, j'ai un goût, un amour pour la transformation. En tant que plasticien textile je travaille la silhouette, la forme du corps..."
C'est comme ça qu'il se joue des styles, des matières, des couleurs et parfois des genres. Comme la mode qu'il décline sur lui, sur elle. Chaque jour peut-être différent. Il se rase ou non, endosse tel ou tel vêtement. Il devient autre et pourtant toujours lui. "C'est pas non plus un mensonge (...) ou une façon de se faire passer pour qui on n'est pas. Au contraire ! C'est chercher à être qui on est vraiment sur le moment". Et au lieu de le plonger dans le trouble, il semble y trouver, aujourd'hui, une forme de bonheur.
C'est ce que je trouve de plus amusant dans la vie. Pouvoir être n'importe qui, n'importe quand !
ThomasFrance 3 Aquitaine
Après des études d'histoire de l'art et un parcours dans la mode, il se consacre à l'art textile. A 26 ans, il a des rêves de créations, de relations personnelles, comme tous les jeunes de son âge. Mais le projet qui lui tient à cœur en ce moment, c'est bien que la marche des fiertés, version libournaise, soit un succès. Thomas veut qu'il y ait beaucoup de monde, de tout genre, et des "alliés" qui viennent marcher avec eux, avec elles. Ou simplement sourire sur leur parcours.
Et ça, ce sera sans doute sa plus grande fierté.
La 1ère marche des fiertés à Libourne
La première Marche des Fiertés en Libournais est donc organisée le 27 mai 2023 par l’association "Les Connes" (dont le nom vient des paroles d'une chanson de Brigitte Fontaine). Elles voulaient un événement qui leur ressemble tout en s'inscrivant dans un territoire. Aussi peut-être pour que des plus jeunes se sentent moins seuls en croisant des personnes qui vivent les mêmes émotions.
Libourne n'est pas une grande métropole et c'est vers ici que les têtes vont se tourner espèrent Les Connes, qui souhaitent créer "un moment politique, un moment de visibilité et un moment festif pour que les Libournais s’approprient leurs espaces dans leur diversité et avec fierté ! (... ) Il est grand temps d’être fier(es) en Libournais ! "
Le rendez-vous est donné quai Souchet à 14h pour former le cortège qui déambulera dans les rues de Libourne en formant une boucle du centre-ville. La manifestation s’achèvera vers 16h sur le quai Damad où se dresse un village des associations.
Ensuite, place aux concerts, performances (show drags) et DJ sets jusqu’à 19h30. A 20h, c'est l'association des Lucanes qui prend le relais pour proposer un concert et des DJ sets.
- Le sigle LGBT (Lesbienne-Gay-Bisexuel-Transexuel) se veut représentatif des personnes non hétérosexuelle. C'est le plus utilisé, il est parfois complété pour être plus inclusif e LGBTQIOA+. Le Q pour "Queer" (en questionnement soit sur son identité soit sa sexualité voire les deux)
I pour "Intersexe"
A pour "asexuel ou aromantique" (absence d'intérêt pour le sexe ou absence d'orientation sexuelle)