Ils ont choisi le buzz pour se faire entendre. Quatre maires du Sud-Gironde ont posté une photo plagiant le célèbre cliché des Beatles. Mais derrière le clin d'oeil de l’image se dessine une problématique très sérieuse : la mise en péril des petites lignes de TER.
Lassés de ne pas être entendus, ils ont voulu marquer les esprits avec un cliché. Les maires de Saint-Macaire, Saint-Pierre-d'Aurillac, Caudrot et Gironde-sur-Dropt ont été photographiés, à l’instar des Beatles. Mais ici, pas de passage piéton, mais des rails. Une symbolique forte pour protester contre les changements horaires, imposés sur certaines lignes de TER dès le 12 décembre prochain.
Des amplitudes de onze heures
D’ici une semaine, les 2000 usagers du TER 44, qui circule entre Bordeaux et Agen, devront se lever plus tôt. Les trains matinaux sont avancés en moyenne de trente minutes. Même schéma pour la fin de journée : il faudra patienter une demi-heure de plus pour rentrer chez soi. “Ça signifie que je serai absente près de 11 h 30 par jour. J’ai une adolescente à la maison, elle est autonome, mais c’est ma vie personnelle, et ma vie de famille qui en prend un coup”, regrette Lisa Deloubes, usagère de la ligne depuis seize ans.
"On va devoir s'organiser avec mon conjoint et on pense même investir dans un deuxième véhicule pour pouvoir déposer notre fils et prendre des trains à Langon
Amandine Buchet, utilisatrice du TER
Une vie de famille également chamboulée pour les jeunes parents : le second train pour Bordeaux passe avant l'ouverture de la garderie et celui du soir, après sa fermeture. "On va devoir s'organiser avec mon conjoint et on pense même investir dans un deuxième véhicule pour pouvoir déposer notre fils et prendre des trains à Langon", explique Amandine Buchet, utilisatrice du TER depuis deux ans. Ce TER, c'était d'ailleurs son premier critère. "Aujourd'hui, je dois revoir entièrement mon organisation de travail, juste pour voir mon fils tous les jours", soupire-t-elle.
Réveil à cinq heures
Deux trains seront proposés dans la matinée, pour arriver à respectivement 6 h 45 et 8 h à Bordeaux. Et c’est ce premier train qui fait débat : “Arriver à 8 h à Bordeaux, c’est trop tard. Beaucoup vont être obligés de prendre le premier train, pour être à l’heure. On parle de réveil à cinq heures du matin”, fulmine Stéphanie Sibuet.
Parmi les plus touchés, les étudiants qui débutent les cours à 8 h. “Là, c’est au principe même d’égalité des chances qu’on touche. Comment ces jeunes vont pouvoir assurer leurs études en se levant à 5 h tous les matins, pour ne rentrer qu’après 18 h 30 chez eux, au plus tôt ? ” , interroge Stéphane Denoyelle, le maire de Saint-Pierre d’Aurillac.
Une pétition, lancée début novembre par les habitants et usagers des quatre communes concernées a déjà remporté plus de 1400 signatures. “On est tous dépendants des trains. En voiture, on mettrait 1 h 30 contre 35 minutes en train ! Et il y a aussi le coût du carburant et des péages. C’est impossible ! ”, souligne Stéphanie Sibuet.
Pour les maires, outre les coûts supplémentaires, c’est l’écologie qui est mise de côté. “Il ne faut pas croire que tous ces gens feront du covoiturage. C’est incohérent ce genre de décision, à l’heure où l’écologie et les déplacements verts sont mis en avant. Ici, on voit vraiment la différence entre la théorie et la pratique”, analyse Stéphane Denoyelle.
Dernière alternative : prendre le train à Langon. “Mais Langon est déjà complètement embouteillée et le parking n'est pas assez grand”, note Lisa Deloubes.
Les TGV privilégiés
Ces changements ont été annoncés en avril dernier aux communes concernées. Au total, sept trains supplémentaires passent chaque jour dans ces gares. “Je comprends qu’il faille faire de arbitrage et d’ailleurs, on ne refuse pas tout en bloc, mais ces horaires sont inadaptés avec la vie de nos concitoyens”, explique Stéphane Denoyelle.
Une décision prise sans la concertation des maires, selon ces derniers. Invités aux deux réunions organisées par le Conseil Départemental et la SNCF, leurs requêtes n’auraient cependant pas été prises en compte. “C’était très descendant, on ne pouvait transmettre nos remarques que par SMS, se souvient Stéphane Denoyelle, le maire de Saint-Pierre d’Aurillac. Et depuis, nos demandes sont sans réponse.”
Si la situation est bloquée du côté des maires, c’est parce qu’elle est également du côté du conseil régional. “La SNCF nous a apporté la nouvelle grille horaire il y a un an. Ça a provoqué des changements dans toutes les lignes Atlantiques et nous ne pouvions pas les changer de notre côté non plus”, explique Jacky Emon, conseiller régional en charge des TER.
Récemment, ce sont les maires du Médoc qui se sont élevés contre ces nouveaux horaires. Ils viennent d’obtenir gain de cause. “S’ils peuvent agir du côté du Verdon, on ne peut pas croire que ce soit impossible dans notre cas”, ironise le maire de Saint-Pierre-d’Aurillac.
Les petites lignes dans le viseur
Si les horaires sont évidemment un problème pour les quatre édiles, ils craignent surtout que ces modifications soient une première étape vers la fermeture de leurs gares. “Pour nous, c’est le syndrome de la Poste. On modifie les horaires pour avoir des fréquentations quasi-nulles et avoir des arguments pour fermer les guichets. C’est une dégradation volontaire de nos services”, explique Stéphane Denoyelle.
Pourtant, au conseil régional, on l’assure : la fermeture des petites gares n’est pas du tout sur la table. “Nous sommes avec Alain Rousset de fervents défenseurs de la ruralité. On sait que les usagers du TER sont contraints de le prendre pour des raisons financières notamment. Il est hors de question que ces gares soient menacées”, martèle Jacky Emon.
En Aquitaine, d’autres zones ont également protesté contre les changements d’horaires. C’est le cas en Gironde, dans le Médoc et à Bergerac, en Dordogne.