Scandale ORPEA : les révélations d’une ancienne infirmière en Gironde

Cette infirmière a démissionné après quatre mois de contrat dans un établissement du groupe ORPEA situé en Gironde. A l’époque, elle avait dénoncé les pratiques de l’établissement auprès de sa direction, sans aucune réponse. Aujourd’hui, elle profite de la mise en cause du groupe pour parler.

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Nous tairons le nom de cette infirmière qui a préféré rester anonyme. Son témoignage est éloquent. Il revient sur le quotidien des soignants et des résidents au sein de structures où les manquements sont criants. "J’ai sonné, on n'est pas venu" résume-t-elle.

Ce que cette infirmière évoque tout d’abord, ce sont les sous-effectifs et les personnes âgées qui, au quotidien, sonnent en vain pour appeler le personnel.
"Il y a des personnes âgées qui se plaignent. « j’ai sonné, on n'est pas venu, je voulais aller aux toilettes, on n'est pas venu » mais çà avec le manque de personnel ce sont des problèmes difficilement solubles". Elle insiste pour dire que les résidents en sont bien conscients, "ceux qui n’ont pas de problèmes de démence."

Cette infirmière se reconnait dans les témoignages accablants à l'encontre d'ORPEA © Olfa AYED

Bien sûr, insiste-elle, dès qu’une personne chutait, elle allait lui porter secours, dans la limite du possible. 

Mais les jours s’enchaînent et se ressemblent beaucoup trop: "Le matin vous arrivez, il y a 2/3 appels de soignants qui ne viennent pas, ça augmente la charge de travail.",
"Nous, des fois, on les aidait »
ponctue-t-elle pour se déculpabiliser, bien que cela n’ait jamais fait partie de ses tâches. Mais passer de 10 à jusqu’à 17 personnes en 3 heures ce n’est pas possible.

Le temps de toilette c’est 3 heures. C’est pas possible de prendre en charge 15 ou 17 personnes en 3 heures, le manque de personnel faisait que les conditions devenaient insupportables .

Une infirmière

France 3 Aquitaine

Des insomnies récurrentes face aux maltraitances

Elle revient sur ce qu’elle qualifie de « maltraitances » qui l’empêchaient de dormir. Le fait qu’il n’y ait pas de couverts adaptés, des gens qui ne sont pas douchés ou des protections souillées, des choses «insupportables à vivre ». « Nous, on passait tous les matins dans les chambres donner des médicaments, mais notre voix n’était pas prise en compte… on ne pouvait pas faire grand chose ».

Car derrière ces sous-effectifs, un manque cruel d’aides-soignants. De nombreuses personnes ne sont lavées et changées qu’à 11 heures, avec une réponse lapidaire de ses collègues de travail: « "Elle a eu sa douche, elle a eu sa toilette", sauf que la couche était souillée depuis le matin". 

"Dans une bonne ambiance, l’infirmière est écoutée" insiste-t-elle. 

Alors ses insomnies se répètent à l'image de ses journées."Vous passez une journée comme ça, vous voyez des choses que vous ne pouvez pas remonter ou que vous essayez de remonter…" Mais elle fait toujours le même constat, malgré ses courriers à la direction:. "Vous ne voyez pas de conséquences, de changements."

Le confinement a aggravé les choses

Celle qui a vécu ce contrat en plein confinement insiste sur ces dîners isolés dans les chambres et pris sans aide. "Quand les repas sont distribués, les aide soignants ne sont pas forcément avec eux, alors que ce sont des personnes âgées dépendantes, il y en a beaucoup qui auront besoin de stimulation, d’eau, d’une présence pour prendre leur repas, sauf que souvent c’est pas le cas." dit-elle encore choquée. 

"On a remarqué qu’il y en a qui étaient en perte de poids".  Etait-ce à cause du stress du confinement ou du manque d’aide des soignants? Se demande-t-elle encore. "On n'a pas cherché plus à savoir" dit-elle. Un rythme de travail infernal et une direction défaillante 

Cette infirmière met directement en cause l’organisation du travail à flux tendu mise en place par ses dirigeants: « Sur 12 heures, vous n’avez pas réellement de pause ,vous voyez des choses que vous essayez de supporter avec l’espoir que ça va s’améliorer… Des fois, vous rentrez et vous vous dites : est ce que je vais pouvoir continuer comme ça, est-ce que je vais pouvoir tenir? "

Car elle essaye de tenir malgré tout, comme d’autres avant elle. Puis la fatalité de sa situation l'emporte. "Tous les jours pareils, ça changeait pas, j’ai posé ma démission et je suis partie ».

Quatre jours après la signature de son CDI, précise-t-elle. "Quand il y avait des problèmes, la directrice était à l’écoute, mais peut-être que les problèmes la dépassaient. Dans la pratique, rien n’a changé."

Elle parle de démissions régulières au sein de l’établissement, et d’une réaction significative au sein de sa boîte d’intérim:

On m’a demandé comment j’avais fait pour tenir 4 mois.

Une infirmière

France 3 Aquitaine

« Que ce soit à Paris ou partout en France, c’est pratiquement la même chose que moi j’ai vécu à Orpéa »

Si cette infirmière parle aujourd'hui, c'est pour «que les familles prennent conscience des situations difficiles dans lesquelles sont leurs proches»
A lire les différents articles parus depuis la sortie du livre enquête "Les fossoyeurs", cette infirmière reconnait là son histoire « Que ce soit à Paris ou partout en France, c’est pratiquement la même chose que moi j’ai vécu à Orpéa ».

Mais elle se veut également rassurante sur les EPHAD, car après une semaine d’arrêt maladie, l'infirmière volontaire a vite retrouvé du travail. "Je garde un souvenir douloureux de mon expérience à Orpéa mais au moins, je sais qu'il y a d’autres établissements qui font des efforts pour que les choses ne soient pas catastrophiques."

10 EPHAD du groupe ORPEA en Gironde © Google Map

Dans l’oeil du cyclone, le groupe ORPEA, leader mondial de l’accueil de personnes âgées en maison de retraite. Lundi 24 janvier, Le Monde publie les bonnes feuilles d’un livre-enquête intitulé  les Fossoyeurs, basé sur plus de 250 témoignages de soignants et de familles de résidents d’EPHAP du groupe ORPEA. Depuis, les langues se délient et les témoignages se multiplient 

En Gironde, le groupe compte 10 établissements.

Dans ce brûlot contre ORPEA, le journaliste Victor Castanet évoque ces sous-effectifs ainsi qu’une logique d’économie à tout prix au détriment des soins apportés aux personnes âgées. 

"Une accusation infâme" : la réponse du groupe incriminé

Le groupe ORPEA, qui n’a pas souhaité nous répondre, publiait hier lundi 31 janvier une vidéo donnant la parole à son Président Directeur Général, Philippe Charrier.

Il entame sa déclaration par un attention à l’égard du personnel de son groupe « Je veux rendre hommage à ces femmes et à ces hommes. Ce que nous entendons depuis quelques jours n’est en rien le reflet de la réalité de ce qu’accomplissent des dizaines de milliers de collaborateurs d’ORPEA depuis 30 ans au service de centaines de milliers de résidents accueillis au sein de nos établissements. »

Mais très vite, il dirige ses propos vers l’enquête de Victor Castanet: "L’accusation portée contre ORPEA, d’avoir mis en place un système visant à privilégier le profit au détriment du bien être des ainés qui nous sont confiés, est une accusation infâme". 

Concernant ces attaques jugées "injustes", il annonce la mise en place d’une enquête indépendante sous le couvert des autorités existantes: « Nous (ORPEA) sommes en train de les analyser en profondeur et nous allons continuer à le faire avec le concours de regards extérieurs indépendants et sous le contrôle des autorités sanitaires ». 

Les principaux responsables du Groupe ORPEA étaient reçus ce mardi matin 1er février au Ministère de la Santé par la ministre chargée de l'autonomie, Brigitte Bourguignon. Celle-ci a annoncé l'ouverture d'une enquête administrative ainsi que d'une enquête financière. 

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