La ligue de Protection des Oiseaux alerte : le manque d'eau perturbe la migration, la reproduction et la survie des animaux sauvages. Les cours d'eau sont au plus bas, les sols agricoles desséchés. Insectes, batraciens, oiseaux, poissons, c'est toute la biodiversité de nos paysages aquitains qui est menacée.
La Ligue de protection des oiseaux (LPO) dresse un bilan inquiétant des conséquences très concrètes de la pénurie d’eau sur les espèces sauvages dans les espaces naturels protégés qu'elle gère et situés essetiellement dans le nord-est de la Nouvelle-Aquitaine. On sait déjà que l'hirondelle fait partie des oiseaux dont la population a très fortement diminué, mais d'autres espèces moins connues sont également concernées.
La sécheresse du printemps et de l’été 2022, liée à de trop rares pluies a eu un fort impact sur ces 10 sites en Charente-Maritime et en Vendée qui s'étalent sur plus de 13 000 hectares : assèchement précoce et prolongé des fossqés et zones humides, faible reproduction de certaines espèces d’oiseaux et notamment la Guifette noire... et aucune reproduction de certaines espèces d'amphibiens et insectes
Par ailleurs, les migrations sont perturbées avec, sur certaines zones, des effectifs d’oiseaux d’eau en migration 19 fois moins importants en août 2022 qu’en moyenne.
Une catastrophe chez les batraciens
Si le manque d'oiseaux est visible pour l'homme, d'autres populations invisibles disparaissent peu à peu. "Les grenouilles et les crapauds sont, au niveau mondial, des animaux en grand danger", explique Olivier Le Gall, délégué de la LPO en Nouvelle-Aquitaine . Mais c'est toute la chaîne alimentaire et les écosystèmes qui souffrent directement ou indirectement de la sécheresse. "Les insectes sont très mal connus. Les espèces disparaissent avant même qu'on les découvre ! ", poursuit Olivier Le Gall.
"Les populations d'oiseaux nicheurs sont très impactés, les migrateurs ne s'arrêtent pas sur certaines réserves cette année parce qu'elles sont à sec... Les populations de batraciens (Pelobate cultripède) et d'autres (...) ne se reproduisent pas cette année. Les populations de certains insectes comme des libellules ou des papillons sont identifiés comme en danger d'extinction...", détaille-t-il.
Pour autant, le responsable associatif essaie de positiver. Si l'association organise des suivis avec des constats souvent alarmants, elle est aussi actrice de la protection d'habitats dans des réserves, en Charente-Maritime et Vendée mais aussi avec la Sepanso en Gironde.
En effet, derrière le cordon dunaire de la pointe de Grave au Nord jusqu'aux Landes, c'est une large bande lacustre qui s'étale du nord au sud avec toutes les caractéristiques des écosystèmes des zones humides. Des zones à préserver pour leur rôle "d'apuration des eaux", mais aussi pour leurs habitats très particuliers pour les oiseaux nicheurs et migrateurs, les mammifères et insectes.
"Relativement épargné", l'étang de Cousseau
"On a rattrapé depuis trois semaines des niveaux d'eau plus classiques pour la saison". Selon Xavier Chevillot, directeur de la Sepanso Aquitaine, l'étang de Cousseau, dans le Médoc, n'est pas forcément représentatif du phénomène de manque d'eau. Cette problématique interviendra plus tard dans la saison, à la période où "le marais s'asséche plus vite et, du coup, est à sec plus longtemps jusqu'à l'automne" . "C'est là qu'on peut avoir des difficultés sur la végétation, sa reprise ou son développement optimal", souligne le défenseur de l'environnement.
Ici aussi, l'année 2022 a été particulière. Ce sont surtout les populations végétales qui subissent. "Le voir d'une année sur l'autre,c'est difficile. Les arbres, la végétation vont pouvoir supporter une année très sèche. Mais certaines espèces ne supportent pas et meurent tout de suite (...)
L'accumulation de périodes très sèches qui va avoir un fort impact sur le milieu. Ça va se multiplier, on le sait. Mais à quelle fréquence ?
Xavier Chevillot, directeur de la Sepanso Aquitaineà rédaction web France 3 Aquitaine
Le conservateur de la réserve naturelle de l'étang de Cousseau François Sargos confirme cette inquiétude : "on est relativement épargnés. Ça ne veut pas dire que les niveaux sont bons (...)mais les nappes superficielles se sont rechargées avec les orages du mois de juin 2022. Ça a sauvé la situation en partie, reconnaît-il. On a eu la canicule en juillet-août, tout s'est évaporé, on est arrivés à des niveaux très très bas à la fin de l'été (...) Ça a été très poussif tout l'automne... Et là, depuis, un mois un mois et demi, les niveaux sont assez bien remontés".
Mais il le rappelle, "c'est extrêmement précaire". "Il y a beaucoup d'évaporation, de transpiration car les plantes poussent. Et avec l'action du vent d'Est, un peu sec, on ne sait pas où ça va nous mener..."
Les "barins" du Médoc menacés ?
D'autant plus que, depuis deux ans environ, l'attention des naturalistes de Cousseau est concentrée sur un ecosystème typique de cet environnement dunaire ancien : le "barin", au nom typiquement médocain. A savoir, de petites dépressions ou "paraboles", nichées au creux des dunes, où la nappe phréatique affleure. "Des milieux extrêment riches en biodiversité", explique François Sargos, où l'on trouve habituellement des petits colléoptères aquatiques, des insectes, des amphibiens, mais aussi de petits oiseaux, comme les sarcelles divers. "Ce sont des milieux qui ne survivent que par la pluviométrie, lorsqu'il pleut suffisamment en hiver et au printemps", poursuit le conservateur.
Or, depuis deux ans, plus de 50 % de ces barins affichent un déficit en eau et n'arrivent pas à se recharger. Une menace pour certains colléoptères aquatiques et, si la situation perdure,pour tout cet écosystème atypique que sont les "barins".
Car si la nature semble parfois résiliente, elle encaisse parfois des accidents irréparables. Le choc hydrique éventuellement vécu l'an dernier pourrait très bien également se ressentir quelques années plus tard. A la façon des chênes pédonculés, qui ont connu une forte mortalité, près de dix ans après la canicule de 2003...
Gérer le manque d'eau
"Ce que demande la LPO c'est d'étendre les périmètres des réserves", "pour avoir une maîtrise des niveaux d'eau plus facilitée avec les environs", rappelle Olivier Le Gall. Ensuite, il insiste sur le fait que c'est "un effet du changement climatique" donc "un effet global". "Chacun de nous, par nos gestes du quotidien, est acteur de ça ", insiste-t-il.