Herboriste : le combat s'organise en Limousin pour sauver ce métier en danger

Depuis la nuit des temps, les hommes ont utilisé les plantes pour se soigner jusqu'à devenir un véritable savoir-faire reconnu par un diplôme aujourd'hui disparu. En Limousin, la résistance s'organise sur le plateau de Millevaches pour réhabiliter le métier d'herboriste. Un film documentaire retrace cette lutte jusqu'au sommet de l'Etat.

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Qui d'entre-nous n'a jamais bu une tisane pour faciliter le sommeil ou la digestion ? Qui n'a jamais entendu parler des bienfaits d'une plante de son jardin sur une pathologie ou une blessure ? Qui n'a jamais été tenté de se soigner en privilégiant des plantes aux médicaments ? 

Depuis toujours, l'humain est allé chercher dans son environnement proche (jardins, montagnes, forêts...) des végétaux pour se soigner. Dans chaque famille, un ancien connaissait les bienfaits mais aussi les dangers des plantes. Souvent, les moines disposaient d'une culture sur les vertus du monde végétal. La transmission s'effectuait naturellement car tout le monde avait besoin de ces connaissances ancestrales. 

A côté de ces savants du quotidien, sont très vite apparus les herboristes. Leur savoir était encore plus grand, il pouvait même être unique. Héritiers des apothicaires, ils élaboraient des breuvages composés par leurs soins et pouvaient même les commercialiser. 

Un savoir-faire en danger 

Difficile à croire et pourtant la situation est bien la suivante : en France le métier d'herboriste n'existe quasi plus et apparaît même en danger. 

Le métier a d'abord été reconnu par l'Etat français durant tout le XIXe  et presque la moitié du XXe siècle. De 1803 à 1941, il faisait l'objet d'un diplôme. 

L'utilisation du passé est justifiée car en 1941, le gouvernement du Maréchal Pétain, a supprimé le diplôme d'herboriste. Seuls les pharmaciens avaient le monopole de la profession.  Cependant, si le régime de Vichy ne délivrait plus de diplôme, il a malgré tout permis aux personnes qui étaient herboristes (avant 1941) d'exercer leur métier... jusqu'à leur mort. D'ailleurs, la dernière herboriste diplômée, officiellement reconnue, est récemment décédée à l'âge de 92 ans.  

Et aujourd'hui ? 

En 2022, il n'y a plus d'herboristes officiels. La situation est la suivante :

  • d'un côté, les pharmaciens ont le droit de vendre les quelques 572 plantes répertoriées dans la pharmacopée française. 
  • de l'autre, les "herboristes illégaux" mais qui détiennent aussi un savoir, peuvent vendre les plantes inscrites sur une liste réduite à 148 plantes. Il est à noter qu'ils n'ont pas le droit de s'appeler "herboristes". 

Le paradoxe est celui d'une demande très forte qui fait face à un exercice dans une zone de non-droit face à l'ordre des pharmaciens. 

La résistance s'organise

 Ils sont une poignée à vouloir faire changer les choses, ou plus exactement à vouloir réhabiliter le métier d'herboriste. 

Parmi les revendications, on peut retenir : 

  • reconnaissance et encadrement de la profession
  • création d'un diplôme d'herboriste reconnu par l'Etat
  • autorisation de nouvelles plantes (comme la passiflore connue de tous pour lutter contre les insomnies)
  • répertorier les compétences nationales 
  • préservation de plantes utiles à tous 

Ce travail semble titanesque, mais il ne décourage pas, bien au contraire, celui qui est l'un des porte-drapeaux de ce combat. Thierry Thévenin est installé en Limousin. Il se définit comme cueilleur-herboriste. Il mène cette lutte non seulement sur son territoire mais aussi jusqu'à "la capitale". Il travaille, en effet, depuis plusieurs mois avec Joël Labbé. C'est à ce sénateur du Morbihan que l'on doit la loi sur la commercialisation des pesticides à destination des particuliers ; une loi appliquée depuis le 1er janvier 2019. 

Un combat, fleurs à la main 

Au-delà de la belle formule et de la belle image, c'est bien de cela dont il s'agit. 

C’est un peu David contre Goliath. Des paysans-herboristes contre l’ordre des pharmaciens et des médecins. Imaginez le rapport de force. Mais comme plus que jamais, rien n’est impossible.

Anne Sophie Lévy Chambon, réalisatrice du documentaire Les nouveaux herboristes

De son côté, le sénateur a lancé une mission d'information sur la filière. Dans les couloirs du Sénat, il oeuvre. Il a la réputation d'être "le sénateur des causes écolo".

Il souhaite être un trait d'union et ne pas opposer les pharmaciens et les paysans herboristes. Pour cela, il s'appuie aussi sur la forte demande d'étudiants dans les facultés de pharmacie pour apprendre ce savoir. Pour aller plus loin, le dossier instruit en France est aussi porté au niveau Européen. 

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Joël Labbé, sénateur engagé pour faire reconnaître à nouveau le métier d'herboriste ©ASLC Production

Quant à Thierry Thévenin, plongé corps et âme dans ce combat depuis plus de trente ans, il espère bien à force de patience, connaître la victoire de son vivant pour ce qu'il nomme un patrimoine vivant. Pour faire entendre sa voix et celles des autres, il a créé le syndicat des simples. A ses côtés il peut compter sur Jean Maison revenu s'installer sur ses terres corréziennes, et qui fournit un très grand nombre d'herboristes ou de pharmaciens en plantes  bio et plantes sauvages certifiées. 

Rien n'est gagné, car les sanctions sont lourdes quand les "herboristes" exercent leur savoir en public. 

Les bienfaits de la feuille de ronce contre les angines et les maux de gorge étaient connus par toutes les grands-mères du Massif central, y compris la mienne bien sûr. Si aujourd’hui, je vends de la feuille de ronce en conseillant à mon client d’en consommer trois bols en infusion “pour soulager son angine”, je risque 2 ans de prison et 37 500 € d’amende pour exercice illégal de la médecine. Si je le lui “prescris”, j’aggrave mon cas… Je risque jusqu’à 5 ans de prison et 100 000 €d’amende…

Thierry Thévenin

Alors les deux hommes chaque jour essaient de faire bouger le curseur sur la ligne de l'information, de la reconnaissance du métier ; le Canada et la Belgique ont franchi le pas. En France, de très nombreuses personnes souhaitent se former, des centaines exercent la profession sans pouvoir le dire et la demande est chaque année plus importante. Pour autant, le métier demeure illégal et c'est alors le risque de voir des charlatans s'engouffrer dans la brèche. 

Il existe des projets comme une licence professionnelle pour des conseillers en herboristerie, mais quid de l'exercice du métier ? 

Au sénat, Joël Labbé se confronte à des portes encore fermées. Il espère porter une proposition de loi sur le sujet mais il se heurte à  l'Académie Nationale de pharmacie, l'Académie Nationale de médecine et le Ministère de la Santé, ce qui selon la réalisatrice du documentaire se résume par la phrase suivante : Les herboristes, c’est une perte de chance pour les Français…

Un documentaire : Les nouveaux herboristes 

Anne Sophie Levy Chambon a suivi ce combat, elle l'a filmé, a pris le temps de l'écoute. Elle a posé sa caméra sur le plateau de Millevaches et sur le territoire de la Nouvelle-Aquitaine  pour rencontrer des paysans-herboristes, et échanger avec eux sur l'essence même de leur métier. Ils sont entre 300 et 400 producteurs de plantes médicinales en France. Certains commercialisent en direct des aromates, des tisanes des vinaigres ou encore des baumes et des huiles essentielles. 

La pratique répond à des exigences précises car une fois cueillies au bon moment, les plantes ou les fleurs doivent être mises à sécher rapidement, dans un endroit exempt de toute humidité et surtout pas en plein soleil. C'est la garantie de conserver toutes les qualités des végétaux. 

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Etape primordiale : le séchage des plantes et des fleurs ©ASLC Production

En France sur les 25 000 pharmacies en activité, une centaine seulement vend encore des plantes sèches sous forme de tisanes. Cela peut sembler peu mais pour la réalisatrice du film c'est un indice qui montre que les racines du métier d'herboriste sont encore présentes sur le territoire. Si une preuve pour l'intérêt de ces produits était à apporter, alors le succès des ateliers autour des plantes sèches organisés dans une pharmacie bordelaises en serait une. 

Voici ce que dit la réalisatrice pour présenter son travail : 

Ce film donne la parole à ces résistants pacifiques dont les armes sont le savoir et les connaissances des fleurs et des plantes.

Anne Sophie Lévy Chambon

Ce film coproduit par ASLC Production et France Télévisions sera diffusé le jeudi 7 Avril à 23.10 sur France 3 Nouvelle-Aquitaine et disponible après sa diffusion en replay 30 jours sur france.tv 

 

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