A Limoges, forte mobilisation du monde enseignant contre Jean-Michel Blanquer, entre ras-le-bol et malaise

Environ 800 manifestants ont défilé dans les rues de Limoges jeudi 13 janvier 2022 pour protester contre la gestion de la crise sanitaire et dénoncer le "mépris pour l'école" de leur Ministre Jean-Michel Blanquer. La grève a été suivie dans les établissements, révélant un profond malaise.

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Le contexte sanitaire n’a pas aidé à rassembler les foules ce jeudi 13 janvier 2022 à Limoges. Ils étaient un millier selon les organisateurs, 500 selon la police mais tous étaient plus que déterminés à faire entendre leur colère, leur détresse et leur inquiétude.  

Etienne Morin enseigne depuis 15 ans à Bosmie-l’Aiguille (87) et n’a pas de mot assez dur pour Jean-Michel Blanquer : « Il se fout de nous, dénonce-t-il, on est envoyés au casse-pipe, avec des parents qui s’énervent : le manque de considération est énorme".    

Fabien Martin enseigne à des CE1-CE2 à Saint-Paul, près de Limoges. Il est venu avec ses panneaux dessinés à la maison alors qu’il n’avait quasiment plus fait grève depuis 10 ans. Pour lui, les problèmes n’ont pas commencé avec la crise sanitaire mais il y a 5 ans. Il ne comprend qu’on embauche des contractuels, des précaires à Bac +2  

Je compare la France avec d’autres pays et à budget équivalent, on a des classes plus chargées et des enseignants moins bien payés, comment est-ce possible ? Où va l’argent ? Il y a un vrai problème de répartition entre l’administratif et le travail de terrain. Il faut donner des moyens à l’éducation.

Fabien Martin, enseignant à Saint-Paul (87)

"Moi je suis très inquiet pour l’avenir, poursuit-il. Je ne connais aucun enseignant aujourd’hui qui est satisfait de ce qui se passe, et j’ai beaucoup de collègues qui réfléchissent même à changer de métier".  

Malaise et crise des vocations  

Elles aussi commencent à tout remettre en cause : Pauline Morin et Candice Guillat sont AED (surveillantes) en lycée et en collège. Elles veulent enseigner mais leur vocation vacille.

« On ne fait pas notre métier explique Pauline qui travaille 36 heures par semaine au lycée Renoir à Limoges. A l’internat, il y avait 13 absentes sur 31 lundi : 3 Covid et toutes les autres cas-contacts : moi actuellement je suis auxiliaire de l’ARS (Agence Régionale de Santé). Les infirmières scolaires n’acceptent plus personne parce qu’elles ne s’occupent que du Covid. L’autre jour, j’avais une élève en pleurs qui n’a pas pu aller à l’infirmerie car elle gérait déjà 20 cas Covid ou cas-contacts ! Franchement, j’ai déjà raté le concours 4 fois car c’est très dur mais là je m’interroge quand je vois comment sont traités les personnels". Même constat pour Morgane, même si le collège de Nexon, 280 élèves, est plus tranquille : « On arrive encore à gérer le protocole mais je suis inquiète pour la suite parce que ça part en flèche. Moi qui veux être prof d’EPS, aujourd’hui me pose vraiment des questions"…   

Forte mobilisation selon les syndicats

 Alors que le Rectorat fait état d’une moyenne « pondérée » des enseignants grévistes sur l’académie de 41,3% dans le 1er degré et de 28,4% dans le second degré, les syndicats sont, eux, très satisfaits de la mobilisation. « On est à 60% de grévistes dans le secondaire indique Marianne Corrèze, co-secrétaire du SNES. « Ce mouvement est l’expression d’un ras-le-bol généralisé. La preuve, c’est que l’intersyndicale est très large, tout s’est décidé très vite. Aujourd’hui, la sécurité n’est pas assurée et la pédagogie est en grande difficulté, alors que les premières épreuves du Bac débutent en mars !  

On a perdu le contrôle, on arrive à connaître les cas de Covid positifs mais le suivi des cas-contacts ne peut pas être assuré aujourd’hui. Les services de vie scolaire sont débordés. Blanquer annonce l’arrivée de jeunes enseignants retraités mais on n’en a rien vu ici. Il faut dire stop au mépris, stop à ce double discours : cette situation est hallucinante !  

Marianne Corrèze, co-secrétaire SNES 87

Fabrice Prémaud, représentant FSU SNUIPP 87 pour le premier degré indique un taux de grévistes de 71% en Haute-Vienne, 75% en Corrèze. "On n’a pas connu ça depuis longtemps, dit-il, pas depuis 2010, en tout cas. La mobilisation est vraiment large".   

On ne fait pas grève contre un virus. Nous non plus, on n’a pas envie de fermer les classes, mais on veut être en sécurité et retrouver un dialogue social. On ne peut pas dévoiler un protocole sanitaire dans la presse du dimanche soir pour le lundi matin !  

Fabrice Prémaud, FSU SNIUPP 87

Tous les manifestants réclament des capteurs de CO2, des masques et un retour à des pratiques qui fonctionnaient : « Pourquoi a-t-on abandonné les tests salivaires ? Il faut les reprendre » réclament plusieurs manifestants. Perplexes face au dernier protocole en date qui ne prévoit plus que des autotests, beaucoup se posent se demandent où les trouver, comment les payer, quelle est leur fiabilité. « Je ne ferai pas d’autotests à mes enfants » explique Séverine Pineau, co-pdte de la FCPE 87 présente dans le cortège, c’est un métier de faire des tests, ce n’est pas le mien. Ce protocole ne fonctionne pas, on ne peut pas garder les écoles ouvertes comme ça"

Tester, ne pas tester… Les familles sont à bout, elles n’en peuvent plus. Toute la communauté éducative est au bout du rouleau

Séverine Pineau, co-pdte FCPE 87

  

Dans le cortège, des lycéennes comme Luna Calendraud et Maëva Ramin-Mangata, élèves de seconde au lycée Renoir. « J’en ai marre, explique Luna, les protocoles changent tout le temps ». « Dans ma classe, ajoute Maëva, il y a des gens qui sont cas-contacts mais qui ne veulent pas être testés. Moi j’ai pas peur d’avoir le Covid mais j’ai peur de le transmettre à mon père qui est asthmatique».   

Les manifestants ont défilé en ville et en chansons durant une heure. Au micro, Stéphane Lajaumont, du SNES-FSU, donne de la voix et rappelle que « l’année dernière, Jean-Michel Blanquer a rendu 80 millions d’euros sur le budget de l’éducation nationale ! »  

Une délégation a été reçue en préfecture afin de relayer les demandes : recrutement de personnels, capteurs dans les classes, masques réellement protecteurs. « Blanquer doit changer de politique ou alors on doit changer Blanquer » a conclu Patrice Arnoux du SNES.  

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