Le procès des attentats du 13 novembre 2015 s'ouvre à Paris ce mercredi 8 septembre. Eric Charles, médecin-psychiatre à l'hôpital Esquirol de Limoges, avait passé plusieurs jours auprès des victimes.
Le lendemain des attentats, Eric Charles, médecin-psychiatre à Esquirol, partait rejoindre à Paris la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique du sud-ouest (les C.U.M.P. ont été créés en 1995 après l'attentat du RER B à Paris).
Pendant trois jours, près du ministère de la santé, il va recueillir la parole des familles, des victimes, des témoins.
"On a vu une centaine de personnes, des rescapés de l’attentat du Bataclan mais aussi des terrasses de cafés qui avaient été mitraillées. Lorsque nous sommes partis, nous avons été relayés par nos collègues", se souvient Eric Charles.
Face à l’impensable, des réactions différentes
"L’impact n’était pas tout à fait le même selon la proximité. Certains avaient entendu des bruits, d’autres avaient vu des choses, d’autres avaient été pris en otage. C’était très variable d’une personne à l’autre."
"Il y a eu par exemple des personnes victimes du syndrome du survivant ayant de grands questionnements existentiels : pourquoi moi j’ai survécu ? Beaucoup d’incompréhension, des remises en question, des sentiments mélangés de colère, de tristesse, de peur, de haine, de dégoût. Une grande difficulté à prendre du recul par rapport à tout cela."
Un syndrome de stress post-traumatique
Sur place, l'objectif des praticiens était d’éviter au maximum le développement d'un syndrome de stress post-traumatique. Comment se manifeste-t-il ?
"J’avais vu une jeune femme en consultation, il fallait qu’elle soit face à une porte et qu'il y ait une issue derrière elle, une sortie. Ce syndrome se manifeste par le développement de peurs, d’inquiétudes, la sensation d’être toujours sur le qui-vive."
"Ce qui pour nous va être un événement anodin, eux vont être hyper vigilants. Quelqu’un qui va poser son sac ou sa valise dans le train, cela va être une inquiétude, est-ce une bombe ? Des questions que nous ne n'allons pas forcément nous poser spontanément."
Un stress post-traumatique qui, une fois qu’il s'est développé, nécessite une prise en charge psychiatrique, associée en général à un traitement pharmacologique et à une psychothérapie.
Le procès, quelle incidence sur les victimes ?
"C’est tout le paradoxe, d’un côté ce procès va faire ressurgir des éléments traumatiques, être de nouveau confronté à ce qui a été traumatique. Mais c’est un passage obligé. Tant que le procès n’est pas passé, qu’il n’y a pas eu reconnaissance par la société de cet événement, c’est difficile de faire le deuil du trauma, d’aller normalement bien. Il faut qu’à un moment, il y ait une reconnaissance du statut de victime."
Peut-on se relever de ce type de trauma ?
"Oui. Pendant très longtemps, on a utilisé le terme de résilience. A l’exemple d’un matériau, la résilience, c’est la capacité à reprendre sa forme initiale, sans casser. Reprendre le cours de sa vie."
"Il y a aussi un nouveau concept très récent : la croissance post-traumatique. C’est l’idée de sortir plus fort d’un traumatisme psychique. En ce moment, ce sont les jeux paralympiques, il y a beaucoup de gens qui ont été victimes de très graves accidents. Ils vont sublimer cela et faire des choses qu’ils n’auraient jamais faites en tant que valides. On développe certaines compétences que l’on n’avait pas avant. On parle de transcendance et de capacité à aller au-delà, d’apprendre sur soi."
Et les proches ? Les victimes indirectes ?
"Deux choses se mêlent, d’un côté les conséquences d’un deuil et le fait que l'attentat soit un événement traumatique. Il y a un télescopage qui peut être compliqué. Ce qui est de loin le plus douloureux, ce sont les parents qui perdent un enfant. La perte d’un enfant quel que soit son âge est en général un traumatisme très important et très long à guérir" précise le médecin-psychiatre Eric Charles.
Après les attentats de novembre 2015, les membres des cellules d'urgence présentes sur place ont adressé les victimes à des psychologues, des centres médicaux psychologiques habilités à recevoir les patients. Certaines personnes étaient en transit à Paris au moment des événements, le docteur Eric Charles en a suivi deux en consultation à Limoges.