Déclin ou parenthèse de l'épidémie, les soignants, de Haute-Vienne hospitaliers et libéraux, vivent avec moins de tension cette première semaine de déconfinement. Mais les annonces de la semaine les laissent amères, et leur inquiétude est vive quant à l'avenir.
Le ressenti hospitalier
Cette médaille, c'est révoltant. C'est une insulte à notre travail.
Les mots sont durs, mais sans surprise. Ils émanent de Florence Metge, infirmière et déléguée CGT au CHU de Limoges. Jointe par téléphone, ce samedi 16 mai, alors qu'elle ne travaillait pas, elle a bien voulu faire un point sur ces deux mois hallucinants qui viennent de s'écouler :
« C'est sûr, on n'était heureusement pas dans le Grand-Est ou à Paris. On l'a vécu peut-être plus « facilement » qu'eux. Mais croyez moi, on était tout de même sous tension. Et l'inquiétude est très vive quant à l'avenir. Elle était là AVANT l'épidémie, et cette dernière n'a rien changée. ».
Les annonces du président et du gouvernement, jusqu'à hier à l'hôpital de la Salpêtrière à Paris n'ont pas été très bien vécues par les soignants hospitaliers.
« Les primes ? La première fois qu'ils en ont parlé, il y a quelques semaines, j'étais de service. Et quand on a appris cela, on s'est tous dit « ils n'ont rien compris » !
On ne va pas cracher dessus, mais déjà, ces primes sont injustes, inégalitaires.
En Haute-Vienne, celles de 1 500€ ne seront uniquement perçues que par certains des personnels du CHU. On ne sait d'ailleurs pas encore qui, on attend les directives d'application. Pour les autres, ceux de autres hôpitaux notamment, ce ne sera que 500€...
Mais une fois la prime versée, qu'est-ce qu'il se passe ? Ce ne sont pas des primes que l'on veut, ce sont des revalorisations salariales ! ».
Quand bien même, ces primes sont jugées comme des cache-misère. Car elles ne seront que ponctuelles, et ne répondent pas à l'attente, bien plus longue et bien plus profonde des personnels soignants.
« Mais au delà, et plus encore que ces revalorisations, ce sont des moyens, des bras, des lits dont nous avons besoin, et que nous demandons. Et nous n'avions pas attendu l'épidémie pour cela.
Le Covid a révélé des pénuries qui lui étaitent propres. Mais c'est toute la santé qui était déjà en état de pénurie ! ».
Et la crainte de voir revenir les logiques d'économie, de gestions « d'avant » est forte.
« Pour gérer le Covid, nous avions par exemple dédié quatorze lits d'orthopédie. Mais ils ne sont pas revenus, parce que nous n'avons pas assez de moyens pour les gérer.
Et si la crise a mis en quelque sorte nos autres activités entre parenthèses, celles-ci reprennent. Avec un personnel insuffisant, totalement épuisé et un hôpital toujours sous tension. Cela ne peut pas continuer.
C'est tout le système de santé qu'il faut revoir, et non pas organiser un défilé le 14 juillet ! ».
Crainte également présente : celle d'un retour de l'épidémie !
« Au niveau national, on est plutôt bien désormais sur les moyens de protections. Désormais hein, parce qu'au début... mais ce qui nous inquiète dans une éventuelle deuxième vague, c'est tout ce qui est matériel à usage unique dans la respiration, ainsi que les médicaments liés à la mise sous respirateurs. Là, il y a une pénurie... ».
Autant de raisons qui pousse la CGT, « mais je pense l'ensemble du milieu hospitalier », nous a dit Florence Metge, à envisager un mouvement de grande ampleur, vraisemblablement à la mi-juin, après une deuxième phase de déconfinement envisagée aux alentours du juin.
Le ressenti libéral
On est totalement dépité !
Même son de cloche ou presque, du côté des infirmiers et infirmières du secteur libéral, dans la bouche de la présidente de l'ordre de Haute-Vienne, Béatrice Campovecchio, également jointe par téléphone ce samedi.
Tout d'abord, la pénurie de protections, les libéraux de Haute-Vienne, comme d'autres départements, la vivent encore !
« On a passé ces deux mois entre plan B et système D. Et c'est presque pire depuis le déconfinement !
Par exemple, comme les cabinets de dentistes et de kinés ont rouverts, ils sont désormais prioritaires sur les masques FFP2. C'est normal, ils travaillent sur la sphère ORL.
Mais nous aussi ! En soin « trachéo » par exemple. Et nous n'avons plus que 24 masques chirurgicaux par semaine en dotation. De quoi protéger nos patients, mais pas nous protéger. On n'a plus de FFP2 !
Alors on continue de se débrouiller comme on peut. On a vraiment l'impression que les décideurs ne comprennent rien à notre travail. ». !
Sur la question des primes, les libéraux ne sont pas concernés, même si certains peuvent demander des indemnités compensatoires aux CPAM.
Mais c'est plus généralement la prise en compte de leur métier qui leur importe, et le fait qu'elle n'ait pas lieu qui les consterne.
« On avait des demandes très fortes, parce que l'on voulait participer activement au déconfinement, à sa protection. Mais rien, ni réponse, ni prise en compte.
On voulait participer et mettre en place la prescription des tests, de la formation, du télé-soin infirmier...
Nous, on était là pour nos malades chroniques, pour nos malades contaminés, et on l'est toujours, mais je le répète, on ne connaît absolument pas notre métier, et on nous oublie, encore et encore..
Il faut absolument que nous fassions évoluer notre profession.
Mais ce qui domine aujourd'hui, je vous l'ai dit, c'est la déception, le dépit. Vraiment ! ».