Lonsana Doumbouya, attaquant formé au LFC, a signé en janvier au Meizhou Hakka, un club de D2 chinoise. Il a donc vécu le confinement en Asie, et pose son regard de grand voyageur sur la situation.
"Aujourd'hui tout va bien, on a repris une vie normale, y compris pour les entraînements." Lonsana Doumbouya nous répond d'une voix enjouée depuis la Chine. Du Nord de l'Ecosse à la Thaïlande, en passant par la Belgique ou l'Autriche, c'est peu dire que son parcours footballistique est atypique et sinueux. De quoi se forger une personnalité ouverte et lucide, et prendre les choses avec un certain recul, y compris en période de crise sanitaire.Né il y a 29 ans à Nice, ce fan de Didier Drogba et Zlatan Ibrahimovic arrive avec sa famille à Limoges à l'âge de 6 ans, "je me considère comme un vrai Limougeaud", précise-t-il fièrement. Il joue en jeunes à la Bastide, puis au Vigenal, "j'étais défenseur, mais je prenais souvent le ballon pour aller marquer, et finalement mon coach m'a fixé en attaque". D'habitude, les joueurs reculent, lui avance donc. Et part au Roussillon, puis au LFC où il achève sa formation.
Les aléas du foot le conduisent ensuite entre autres en Belgique, puis à Inverness, en Ecosse, "au bord du Loch Ness !" Avec le club des Highlands, il a l'occasion d'évoluer au Celtic Park de Glasgow et ses 60 000 spectateurs, l'un des stades les plus impressionnants au monde. Le numéro 9 franchit un cap sportif et signe en D1 autrichienne. Il devient international guinéen (5 sélections avec le Syli national), aux côtés de Naby Keita, le milieu de Liverpool, ou de François Kamano, attaquant des Girondins de Bordeaux.
Citoyen du monde, Lonsana pose ensuite son baluchon en... Thaïlande ! Où il termine meilleur buteur la saison dernière avec 23 réalisations (20 en championnat, 3 en Coupe). Suffisant pour être repéré par un ambitieux club chinois, le Meizhou Hakka, pensionnaire de D2. "C'est une bonne opportunité, le projet sportif est séduisant, on a 2 ans pour jouer la montée."
Celui qui n'a aucun lien de parenté avec le basketteur Sekou Doumbouya, passé par le CSP ("on me le demande tout le temps", sourit-il), arrive en janvier dans le Sud-Est de la Chine, à près de 1000 km de Wuhan, le foyer originel du coronavirus. "Je ne me suis pas rendu compte tout de suite de l'ampleur du problème, même si on avait déjà beaucoup de réunions avec le manager général pour nous alerter. On a vraiment réalisé au bout de 2-3 semaines d'entraînement, et pour ne pas être bloqués, le club a décidé de nous envoyer poursuivre notre préparation en Thaïlande." Un endroit familier pour Lonsana. "Je me sentais à la maison, les gens me reconnaissaient !"
Inquiète, sa famille lui suggère de rentrer en France, mais lui reste calme. "Il suffisait de suivre les consignes, inutile de s'énerver." Son club lui accorde 6 jours de vacances et la permission d'un aller-retour express dans l'Hexagone. C'est là que Lonsana constate l'énorme décalage entre les perceptions européennes et asiatiques. "J'ai été sidéré qu'on puisse arriver et repartir comme si de rien était, simplement en montrant son passeport comme avant. Je me suis dit que les Français ne se rendaient pas compte de la catastrophe à venir."
Des mesures sanitaires impressionnantes
Lonsana avertit tous ses proches, "ma famille était déjà au courant bien avant l'annonce du confinement". Impossible pour sa femme et son fils de l'accompagner pour l'instant, il repart seul. En mars, son club décide de rentrer en Chine avant la fermeture des frontières, et c'est le choc. "A l'aéroport de Guangzhou, c'était assez impressionnant, tous les gens portaient des combinaisons intégrales, l'ambiance était surréaliste, genre science-fiction."
Et quand un de ses coéquipiers et le kiné du club sont testés positifs au Covid-19, c'est la quarantaine pour toute l'équipe. 14 jours seul dans une chambre d'hôpital. "C'était long, mais les conditions étaient bonnes, et il y avait du wifi pour garder le contact avec la famille, à qui j'ai un peu caché la vérité pour ne pas les inquiéter encore plus."
Lonsana s'en sort sans dommage, et après un confinement drastique géré de façon "dure mais impressionante" par les autorités chinoises, la vie finit par reprendre son cours. "La situation a l'air sous contrôle. Les gens ne portent plus de masque systématiquement et ressortent normalement. On a même quelques supporters qui viennent nous voir à l'entraînement."
Plus inquiet pour ses proches en France que pour lui-même
Sportivement, quelques incertitudes subsistent. Initialement prévu mi-février, le coup d'envoi de la saison n'a pas encore été fixé, et la préparation s'éternise. "Franchement je ne prends pas beaucoup de plaisir sportif actuellement, l'adrénaline de la compétition me manque trop, mentalement c'est pas évident." En revanche, Lonsana ne se fait aucun souci pour sa santé, il est même plus soucieux de celle de ses proches en France. "Ca me choque, j'ai des amis à Paris qui sont malades, mais ne savent même pas si c'est vraiment le Covid. Ici, tout le monde est testé, y compris la famille des gens touchés. Et ce n'est pas fini."
Le message de Lonsana a en tout cas été reçu 5 sur 5 par sa famille. Confiné à Limoges avec leur mère, son petit frère Mohamed confirme : "on suit les règles à la lettre, personne ne sort." Mais celui qui à 16 ans est aussi attaquant et rève de suivre les traces de son modèle de grand-frère ne peut masquer une certaine inquiétude. "Ca fait bizarre de le savoir aussi loin, vu les conditions c'est un peu compliqué. On s'inquiète, forcément, mais on se dit que son club le prend en charge, et donc que ça va aller pour lui. Et puis il nous rassure en nous expliquant régulièrement comment ça se passe là-bas."
En tout cas Lonsana n'a pas prévu de revenir vivre et jouer en France de sitôt. "C'est comme ça, je m'épanouis plus à l'étranger, surtout dans des endroits un peu atypiques", conclut-il avec ce sourire qui le quitte rarement.
Bonus : compilation de buts de Lonsana Doumboya en Thai League