Culture : prolongation du confinement, un coup de massue entre amertume et abnégation

La déclaration du premier ministre était attendue et redoutée par les professionnels des espaces culturels en cette fin d'année. La prolongation de leurs fermetures annoncée ce jeudi 10 décembre provoque de nombreuses réactions.

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Ce jeudi 10 décembre, le premier ministre, Jean Castex, a annoncé que les conditions pour la réouverture des théâtres, musées, cinémas et salles de spectacles n'étaient pas réunies. "Il faut éviter les concentrations de population et rester chez soi le plus possible" a t-il ajouté.

La date d'un déconfinement et d'une réouverture des sites culturels au 15 décembre était espérée par tous les professionnels et artistes. Mais le couperet est tombé : les salles resteront vides en cette fin d'année et notamment pendant les fêtes de Noël et du nouvel an, et ce pour trois semaines supplémentaires.

Une catastrophe pour le monde artistique qui aura finalement traversé une année blanche. Ces professionnels auront eu à déprogrammer, à rembourser, à reprogrammer avec les contraintes sanitaires, à déprogrammer à nouveau, à se réinventer pour finalement ne même plus pouvoir reprogrammer faute de calendrier stable.

Un chaos qui a laminé les motivations sans jamais les mettre à terre. Mais combien vont pouvoir résister ? Economiquement, les structures vont-elles suivre ? les artistes vont-ils pouvoir vivre de leur art ?

Des droits d'auteurs non générés

Entre le moment où une oeuvre est diffusée, ce qui génère des droits pour son auteur, et le moment où celui-ci perçoit ces droits, il peut s'écouler plus d'un an.

Les artistes ont donc été rémunérés en 2020 de leurs droits générés en 2018-2019. L'année 2020 n'aura quant à elle généré que peu de droits sur les spectacles et autres oeuvres produites et diffusées. C'est donc en 2021 et 2022 que ces artistes pourront rencontrer de vraies difficultés financières.

Face aux effets de la crise sanitaire pour les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la Sacem a adopté un plan de mesures d'urgence pour ses membres. Il comprend un fonds de secours pour celles et ceux les plus en difficulté, des avances exceptionnelles de droits d'auteur et un renforcement du programme d'aide aux éditeurs.

La SACEM

La compagnie de théâtre et de cabaret bien connue à Limoges et en Haute-Vienne "la Java des Gaspards" proposait traditionnellement son spectacle pendant les fêtes de fin d'année. Elle accuse donc le coup, contrainte d'annuler ses représentations à l'Espace Noriac à Limoges du 18 décembre 2020 au 3 janvier 2021. Les artistes s'étaient déjà repositionnés sur un changement de spectacle. Initialement, ils devaient produire une création de théâtre musical nommée "rien à débattre" pour finalement se recentrer sur un tour de chant avec un florilège des spectacles passés qu'ils avaient appelé "non essentiel".

Tout aurait été naturellement fait pour que personne ne se contamine, on aurait très scrupuleusement respecté les protocoles, mais il faut rester chez soi. On l'entend mais c'est très dur, nous n'avons pratiquement pas travaillé en 2020, c'est non seulement notre métier mais c'est notre moteur aussi de jouer et de retrouver le public, c'est difficile pour nous mais c'est difficile pour tout le monde, c'est difficile pour tout le pays

Philippe Reilhac Comédien, chanteur, auteur 

Au théâtre de la Passerelle aussi, les spectacles de fin d'année se préparaient. Michel Bruzat - Directeur du Théâtre de la Passerelle se dit abattu par ces décisions politiques successives.

Ce qui est extrémement grave c'est que c'est un métier la culture, il y a des gens qui répètent, qui travaillent, qui préparent un spectacle et ce qui m'a gêné c'est l'absence de Madame Bachelot dans cette grande messe, elle n'était pas à la table de l'essentiel, le ministre de la culture n'est pas un ministre superflu...

Michel Bruzat Directeur du Théâtre de la Passerelle de Limoges

Douche froide aussi du côté des musées et des cinémas

Les musées aussi prenaient leur mal en patience en attendant une réouverture espérée le 15 décembre. La première période de confinement avait déjà été vécue très difficilement et cette seconde s'éternise. Ne pas pourvoir ouvrir leurs portes pour les fêtes ne va pas relever le moral des troupes. Economiquement aussi, le passage est compliqué. L'aide des collectivités et des banques n'est pas une fin en soi, les musées vivent aussi des entrées et de la dynamique des expositions. Depuis la fermeture de leurs portes, le personnel reste cependant actif. Le musée Cécile Sabourdy profite par exemple de ce temps de pause pour former son personnel à la conservation des oeuvres. Le chômage partiel qui leur est accordé impose aussi de maintenir à minima les salariés dans leur emploi. 

On a donc mis en place tout un tas de dispositifs pour qu'ils continuent leur métier, comme la médiation sur les réseaux sociaux, mais aussi de la formation interne pour parfaire les connaissances

Stéphanie Birembaut - Directrice du musée Cécile Sabourdy

Les expositions annoncées en cette fin d'année se voient cependant reportées. Ainsi, le musée national Adrien Dubouché présentera bien l'exposition "Jardin de pierres - introduction L'expérience de Suzhou" en partenariat avec l'Ensa, mais à une date ultérieure.

Quant aux salles de cinéma, les directions comptaient sur cette fin d'année et les vacances de Noël pour se refaire une trésorerie. Alors que les consignes sanitaires étaient scrupuleusement respectées, que la fréquentation était déjà, de fait, en baisse, l'annonce du gouvernement passe mal. 

On avait un peu d'espoir sur une période traditionnellement forte et festive dans le sens de passer un bon moment en famille... on ne comprend pas la cohérence quand on voit les images dans les magasins, les transports en commun, même dans les lieux de culte, alors qu'il n'y a jamais eu un cluster dans une salle de cinéma ou de théâtre

Bruno Pénin Directeur des cinémas Grand Ecran et Lido de Limoges

Des artistes contraints au confinement

Face aux annulations successives de leurs dates de représentations, musiciens et comédiens se retrouvent sans leurs compagnies et orchestres et avec des agendas vides. Leur moral est donc mis à rude épreuve. Comment s'organisent-ils pour affronter au mieux ces temps difficiles ?

Pour Patrice Peyrieras, Chef d'orchestre, compositeur et pianiste, il a choisi de mettre à profit ses annulations de programmations et de tournées pour reprendre ses projets personnels. Son dernier concert comme soliste, c'était le 20 octobre dernier à Avignon, en hommage à Michel Legrand, avec l'orchestre symphonique d'Avignon. Toujours parti et donc loin de son limousin natal, il est finalement heureux de pouvoir se ressourcer ici à Limoges, entre son piano et sa campagne. 

De 8h à 10h je fais deux heures de piano par jour et de 10h à 21h j'écris. Je ne suis dérangé par rien, quand j'en ai un petit marre je peux sortir marcher un peu dans la nature c'est quand même formidable, en même temps je réfléchis à ce qui s'est passé et je réattaque avec envie

Patrice Peyrieras Chef d'Orchestre Compositeur Pianiste

Ce travail d'écriture n'est certes pas rémunéré pour l'heure mais il n'est pas du temps perdu puisque cette étape sera fin prête pour passer à la seconde lorsque celle-ci sera possible : l'élaboration technique du spectacle. Il a ainsi profité des 40 premiers jours de confinement pour écrire un spectacle sur Montecristo et" se concentre aujourd'hui sur un projet "Mémoires de liberté". 

Marie Legendre est elle altiste. Elle travaille principalement à Paris mais se retrouve très souvent aussi en tournée à travers le monde. Avec son époux également musicien, le couple a décidé de s'installer définitivement en Haute-Vienne après le premier confinement. Une décision qui comble la famille aujourd'hui. Elle poursuit ses travaux avec plus de sérénité, tout en restant en lien avec tout son réseau parisien et autre, même si évidemment la relation avec les autres musiciens et le public lui manque cruellement.

Une énergie que ne peut plus partager non plus Jean-Michel Arnaud, professeur de lettres, avec ses élèves, quand il les emmenait au théatre ou au spectacle vivant. Aujourd'hui il lui reste ses auditeurs qu'il retrouve régulièrement grâce à ses chroniques sur radio-vassivière. Depuis 17 ans, il lit des ouvrages de son choix sur l'antenne, pour le rendez-vous "mise en page".

Face à ce que nous traversons, le livre est extrémement important, c'est un compagnonnage essentiel pour avoir accès et aux auteurs et aux histoires, c'est tellement important de s'échapper de ce qu'on vit en ce moment, si on n'avait pas ça on serait vraiment encore plus triste, donc il faut absolument lire, écouter des histoires, si on n'aime pas lire on peut en écouter, il y a plein de solution

Jean-Michel Arnaud Chroniqueur sur radio-vassivière

 

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