Le préavis de grève était illimité et effectivement ce samedi 8 février, la grève entamée hier dans l'enseigne se poursuit. En Haute-Vienne, plusieurs magasins sont affectés. Sur un piquet de grève à Saint-Junien, nous sommes allés à la rencontre de deux salariées pour comprendre les motifs de cette grève inédite.
"On est mal patron ! On est mal !". Devant le magasin Lidl de Saint-Junien, un piquet de grève s'est improvisé. Sur des cartons, quelques slogans et l'expression d'un mal-être grandissant. C'est samedi et le pic d'affluence de la semaine. Le va-et-vient des caddies est incessant. Pour pénétrer dans le magasin, ils doivent passer entre deux rangées de salariés. La dizaine de grévistes, drapeaux et chasubles bleus interpellent les clients : "Une signature pour nous soutenir".
Stylo en main, Emmanuelle fait noircir les colonnes de sa pétition. Ça fait 13 ans qu'elle travaille au Lidl de Bellac dans le nord du département.
"J'ai fait une première expérience chez Lidl il y a 20 ans maintenant. J'avais dit plus jamais ! La vie a fait qu'il a fallu que je trouve du travail. Je suis revenue chez Lidl. Et finalement, à cette période, ils étaient redevenus plus humains. On pouvait faire notre travail dans de bonnes conditions. Sauf que l'enseigne veut grandir tout en évitant d'embaucher et qu'on est obligés de travailler de plus en plus avec moins d'heures, moins de personnel. Les absents ne sont pas remplacés. Des jeunes arrivent, mais ils ne restent pas, ils ne veulent pas du travail comme ça".
Toute vêtue de bleu, Sonia, 11 ans de boite à Saint-Junien et élue CFTC au CSE, confirme :
"Quand je suis entrée chez Lidl, le magasin était plus petit. On était une équipe. Aujourd'hui, Lidl fait un turn-over chez les chefs magasin. Ça ne facilite pas le travail d'équipe et l'ambiance grande famille".
Et de décrire des semaines bien chargées avec des objectifs en UVC (unités de vente). On divise le nombre d'UVC par le nombre d'heures et on a la performance. Et un concept mis en avant par la chaîne : l'efficience. "On doit faire plus avec moins" explique Sonia. "On doit travailler de plus en plus vite. Ils sont derrière nous à nous dire, vous n'avez pas fini ça en temps et en heure. Il faut faire plus en moins de temps" déplore Emmanuelle.
C'est un plan social déguisé. Les départs en retraite ne sont pas remplacés".
Soniaélue CFTC au CSE
"Ils nous enlèvent tout ce qu'on a pu avoir quand on est rentrés chez Lidl. On avait nos dimanches, on avait nos jours fériés. On a de grandes plages horaires maintenant. On ferme à 20 h le soir. Ça laisse quand même aux gens le temps de faire leurs courses. Sauf que maintenant, ils parlent en productivité, il faut qu'on avance toujours plus".
Dans ces conditions, hors de question de travailler le dimanche pour les deux femmes. Puisque les heures travaillées le dimanche seront ponctionnées sur l'emploi du temps de la semaine, tout en accomplissant la même quantité de travail. L'augmentation de 50 % pour ces heures travaillées le dimanche est qualifiée de très insuffisante.
"Les trois heures du dimanche qu'on fera, ce sera trois heures en moins la semaine parce qu'ils ne veulent pas embaucher" s'indigne Emmanuelle.
"Il faudra travailler encore plus vite, encore plus fort. Toujours plus. Il y a quelques années, je quittais mon poste avec le sentiment du devoir accompli. Désormais, je pars en me disant : quelle m... j'ai laissé. Je fais tout vite, j'ai l'impression de ne rien finir. Je ne suis pas contente de mon travail et je suis exténuée" témoigne Sonia.
La direction étant revenue à la table des négociations, l'intersyndicale a décidé de suspendre la mobilisation à partir de lundi 10 février. Si ces négociations organisées vendredi prochain ne sont pas satisfaisantes, le mouvement pourrait reprendre. En Limousin, Lidl emploie 300 salariés dans 18 magasins. Hier, les magasins de Bellac et Saint-Junien ont été partiellement fermés à cause de la grève.