Près de 3.000 personnes se préparant à la rencontre avec des extra-terrestres ont prévu de se rassembler au Zénith de Limoges du 16 au 18 mars 2024. Au-delà du caractère farfelu de l'événement se cachent des théories beaucoup plus inquiétantes et l'organisation de ce symposium soulève de sérieuses interrogations.
Le Zénith de Limoges a été réservé par une structure dénommée « Alliances célestes » se définissant comme une ONG afin d'organiser une série de conférences du 16 au 18 mars 2024. Ce symposium "a pour but de promouvoir une stratégie sérieuse de relations prévisibles entre êtres humains terrestres et des membres de civilisations de nature exobiologique extraterrestre". Cette perspective alarme certains élus qui soupçonnent un risque de dérives sectaires.
Quand on est maire ou président d'une intercommunalité, bien sûr, on ne peut pas interdire, au nom de la liberté d'expression et de l'équité, mais on peut aviser le procureur de la République, le préfet pour voir s'il y a une dangerosité ou une dérive sectaire derrière cette manifestation.
Thierry MiguelConseiller municipal et communautaire d'opposition (PS)
Interrogé par F3 Limousin dès le 7 janvier 2024, Fabien Doucet, vice-président de Limoges métropole, chargé du Zénith, nous expliquait que la collectivité n’a pas autorité à refuser l’accueil d’un évènement, sauf en cas d’arrêté préfectoral, indiquant que l'existence du symposium a été signalée aux renseignements territoriaux. Les acomptes pour la réservation de la salle ont d'ailleurs été versés. Quant à la préfecture, elle nous confirme, le 8 janvier, que ses services se renseignent au sujet de l’organisation de cette manifestation.
J’étais catastrophé quand j’ai vu le projet du Zénith.
Michel GilbertDélégué de la fédération francophone des centres de renseignement et de prévention pour le Limousin
"J’étais catastrophé quand j’ai vu le projet du Zénith" explique le creusois Michel Gilbert, délégué de la fédération francophone des centres de renseignement et de prévention pour le Limousin, Auvergne, Dordogne et Loire qui alerte, depuis 2012, sur la montée du sectarisme.
« Dans ces mouvances conspiritualistes, on a affaire à des personnes dangereuses. Je suis touché par la manipulation sur les êtres humains et je pense aux 3000 familles qui vont être en danger. Il y a un laxisme des autorités ».
Absent du site internet du Zénith, ce symposium affiche des tarifs de places entre 150 et 190 euros pour un Pass de trois jours avec, déjà, de nombreuses réservations.
Pas donné. pic.twitter.com/Pp98Ex442I
— Vincent Flibustier 👽 (@vinceflibustier) January 7, 2024
Joint par téléphone le 8 janvier, le Belge Vincent Flibustier, spécialiste des fake news et des complotistes, explique : "La plupart d'entre eux restent des personnes qui vont juste croire qu'on a des extraterrestres d'une alliance qui veillent sur la Terre.
Le problème est que certains ont récupéré ça en le collant au mouvement complotiste américain Qanon qui pense qu'aujourd'hui Donald Trump est là pour nous sauver du complot reptilien pédo-sataniste grâce à l'aide des extraterrestres. Ce sont des gens extrêmement radicalisés et qui sont convaincus que le reste de l'Humanité leur veut du mal.
Vincent FlibustierSpécialiste des fake news et du complotisme
Une galaxie de profils inquiétante
Nicolas Turban se présente comme un spécialiste des Rencontres des êtres non humains, les relations des êtres galactiques avec les Hommes, il affirme que son corps abrite désormais "une âme d'origine stellaire"
Antoine Cuttitta : selon l’observatoire du conspirationisme, ce vidéaste appartient à la mouvance covido-sceptique et antivax, il est aussi un adepte du mouvement QAnon, pro-Trump dont les partisans étaient en première ligne lors de la prise d’assaut du Capitole à Washnigton en 2021.
Jean-Michel Raoux : quasi homonyme d'un autre scientifique marseillais, il témoigne dans la vidéo de présentation de l'événement avoir "vu le vortex s'ouvrir et en sortir une boule de plasma intelligente."
Christophe Charret : chef d'entreprise, se définit auprès de l’AFP, cité par le magazine Challenges comme un "complotiste modéré"
Franck Hatem : il propose, dans l'un de ses livres, "des clefs de résistance face aux reptiliens et au nouvel ordre mondialiste des illuminati."
Idriss Aberkane : conférencier-youtubeur, il se proclame spécialiste en neurosciences, mais chose rarissime, le comité d’éthique de Polytechnique a proposé de lui retirer son doctorat, affirmant au journal l’Express qu’il s’agit d’un plagiat avéré. Ce dernier était sur la liste des intervenants jusqu'à ce 9 janvier au soir. Depuis, son nom a disparu.
Anne Givaudan : celle qui se définit comme "reporter inter-galactique" déclare dans sa présentation avoir fait depuis qu'elle est enfant "des allers-retours avec d'autres planètes, elles sont toutes habitées."
DOCTRINE DE ROERICH - Je suis en train de me demander combien d'adeptes de Roerich participent à cet évènement. Evénement qui est clairement annoncé comme étant en relation directe avec la doctrine de Roerich. Ils ne sont pas 36. J'en connais déjà une partie. Au travail !!! pic.twitter.com/FovyZmlhfF
— Observatoire des croyances-Valérie BLANCHARD (@centre_accec) January 7, 2024
Le symbole des 3 ronds rouges visible sur l’affiche de ce symposium a interpellé sur X l'avocate spécialisée dans les dérives sectaires Valérie Blanchard, montrant que l’événement est en relation directe avec la « doctrine de Roerich ».
« La doctrine de Roerich est une doctrine mystique à tendance totalitaire » explique Michel Gilbert. Dans un rapport de 2010, la Miviludes, (mission de vigilance contre les dérives sectaires) expliquait que cet artiste né au XIXᵉ siècle "a enrichi l’école théosophique russe d’une dimension apocalyptique et messianique en y intégrant le mythe bouddhiste de Shambalaa", un mythe qui a par la suite alimenté des sectes très dangereuses comme Ashram Shambala.
« Même s'il existe, bien sûr, des mouvances authentiques, inoffensives, non-gouroutantes, il faut être très vigilant », alerte Michel Gilbert qui demande depuis 2023 la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le sectarisme en France. Le risque pointé par les spécialistes est que des adeptes fragiles perdent pied avec la réalité au risque de s’isoler ou de se radicaliser, un phénomène qui s’accroît depuis le Covid.