La Haute-Vienne, déjà affectée par une souche de FCO (sérotype 8), avec de nombreux cas confirmés, craint l'arrivée du nouveau sérotype 3 en provenance du nord de la France. La filière redoute les conséquences économiques d'une nouvelle épidémie dans la zone, premier département français en nombre de brebis allaitantes.
Installé en GAEC, avec son frère, Jean-François Dubaud, à la tête d’un cheptel de plus de 1000 brebis, guette le moindre signe. Écoulement nasal, animal amorphe : les symptômes de la fièvre catarrhale, une maladie virale transmise par un moucheron piqueur, le culicoïde.
En un mois et demi, la maladie virale progresse rapidement. Ce Haut-Viennois espère être en mesure de vacciner son troupeau le plus tôt possible, d’autant que deux variants, les sérotypes 3 et 8, sont à l'origine d'épizooties, au nord et au sud de la France. La Haute-Vienne est prise en tenaille entre les deux. "Pour le sérotype 3, celui qui est pris en charge par l'État, la commande est passée, mais il faut quinze jours, trois semaines pour espérer avoir les doses. Par contre, pour ce qui est du sérotype 8, c'est très compliqué. Je voulais vacciner, au printemps, il n'y avait pas de doses et aujourd'hui, il n'y a toujours pas de disponibilités ou alors à des prix qui sont insupportables pour les éleveurs", explique Jean-François Dubaud, par ailleurs président de la fédération départementale ovine de Haute-Vienne.
Je voulais vacciner, au printemps, il n'y avait pas de doses et aujourd'hui, il n'y a toujours pas de disponibilités ou alors à des prix qui sont insupportables pour les éleveurs.
Jean-François DubaudPrésident de la fédération départementale ovine de la Haute-Vienne
Situation très alarmante dans les élevages ovins
Pour l'instant, seul le sérotype 8 circule depuis l'automne 2023 dans le département. C'est un variant de la souche qui avait originellement contaminé la France et le Limousin dans les années 2008-2010. Il est plus virulent et les conditions climatiques de ces derniers jours sont très favorables au moucheron qui assure sa propagation.
Il y avait, fin août, onze foyers de FCO (sérotype 8) dans des élevages bovins en Haute-Vienne, cinq foyers dans des élevages ovins et trois foyers de MHE. Des chiffres qui ne témoignent pas de la réalité de la situation puisque les cas cliniques sont sous déclarés. Les éleveurs doivent pourtant prévenir leur vétérinaire sanitaire en cas de symptômes. La situation évolue très rapidement. Les épidémiologistes estiment que le moucheron porteur parcourt 2 km par jour.
"On a de nouveaux foyers confirmés toutes les semaines. Leur nombre va devenir exponentiel dans les jours qui viennent", alerte Nicolas Coudert, président du CDAAS (Coopérative départementale agricole d'action sanitaire) de Haute-Vienne.
"Nous sommes très inquiets, car les retours qui nous viennent de certains départements sont alarmants. J'ai eu mon homologue de Haute-Loire, sur 500 élevages ovins, 497 sont positifs et le taux de mortalité grimpe parfois jusqu'à 50%. Les dégâts sont très importants", ajoute Nicolas Coudert.
Quels moyens de lutte ?
La lutte contre la propagation du sérotype 8 de la FCO n'est pas aisée. Comme l'épidémie est présente depuis dix-huit mois sur le territoire national, l'État considère que le problème est endémique et ne finance plus les vaccins à titre préventif. Pour autant, il reste utile de vacciner les bêtes pour limiter la propagation. Mais la vaccination a un coût. II faut administrer deux doses par animal à raison de cinq ou six euros la dose.
Dans l'élevage de Jean-François Dubaud , cette mesure s’élèverait à 12 000 euros, soit l’équivalent, d’un salaire annuel. Toute la filière, déjà éprouvée par des années de crise, tremble. Certains éleveurs envisagent de jeter l’éponge en cas de contamination.
"On ne peut pas tout demander à l'État, mais là, c'est une vraie crise sur les départements concernés et si ça devait arriver chez nous, ça pourrait être des milliers de brebis qui disparaissent faute d'éleveurs pour s'en occuper. Toutes nos structures économiques départementales pourraient en pâtir vraiment", confie encore Jean-François Dubaud.
En plus de la vaccination, les autorités ont lancé une surveillance renforcée des troupeaux et comptent sur l'immunité naturelle une fois que tous les élevages auront été exposés. "Le problème à l'heure actuelle, c'est que le cheptel n'a pas de réponse immunitaire puisqu'il n'a jamais été exposé à ce variant. Au bout de deux ans d'exposition, les bêtes vont développer une réponse immunitaire naturelle qui se transformera en immunité collective", précise Nicolas Coudert.
Le monde agricole est donc obligé de subir et de miser sur la bonne santé et la bonne alimentation des troupeaux pour limiter les dégâts. Malgré tout les élevages n'en sortiront pas indemne. Entre les éleveurs de mouton qui jetteront l'éponge et ceux qui auront à subir beaucoup de perte.
La FCO touche également les élevages bovins et, dans une moindre mesure, les élevages caprins. Les fausses couches, les avortements, les malformations, problèmes de croissance et les bêtes malades vont engendrer des pertes financières qui auront un impact sur le long terme.
Sérotype 3 à surveiller
S'il n'est pas encore présent en Limousin, le tout nouveau sérotype 3 suscite, lui aussi, l'inquiétude.
"Il ne faut pas faire de confusion, le sérotype 3 ne circule pas encore dans les trois départements du Limousin. Venant de Belgique, il est pour le moment circonscrit au nord et à l'est de la France. Les cas les plus proches sont en Saône-et-Loire, dans la Sarthe ou la Nièvre. Par contre, l'État a mis en place une zone vaccinale qui englobe le Limousin. À ce titre, les éleveurs peuvent d'ores et déjà faire vacciner leur bête de manière préventive. Une vaccination prise en charge par l'État pour ralentir la progression de ce sérotype 3. Nous voulons autant que possible retarder son arrivée, car nous avons déjà fort à faire avec le sérotype 8". D'autant qu'il existe des risques de contamination croisée par les deux sérotypes. Malheureusement, les vaccins gratuits mis à disposition par l'État se font rares, sont réservés en priorité aux zones infestées et l'approvisionnement est aléatoire. Contrairement à ceux du sérotype 8, ils ne limitent pas la propagation de l'épidémie, mais limitent la gravité des symptômes.
Si aucun cas n'est répertorié dans la région, l'est de la Creuse et quatre communes de Corrèze font partie de la zone régulée, à moins de 150 km de cas avérés. Cela impose aux bêtes partant à l'export de fournir une analyse virologique négative au sérotype 3.
La carte des zones infestées est mise à jour par l'État tous les jeudis soir. Les éleveurs vont donc la surveiller fébrilement.
Pas d'annulation pour le concours national Limousin à la Souterraine
Faut-il s'inquiéter pour l'organisation du concours national Limousin ? A priori non. L'organisation de ce type d'évènement bénéficie de mesures dérogatoires et d'un environnement sanitaire très contrôlé appelé bulle sanitaire.
Tous les animaux participants doivent présenter des garanties de non-contamination, notamment des analyses de sang. Les lieux sont désinsectisés à l'entrée et à la sortie. Les animaux vont également être confinés sous les chapiteaux.
Le festival de l'agriculture qui doit se tenir à Panazol les 21 et 22 septembre en revanche, est plus menacé. Il ne bénéficie pas de la même bulle sanitaire. L'évolution de la zone régulée pourrait l'affecter.