À 97 ans, l’ancienne déportée raconte inlassablement son histoire pour sensibiliser les générations futures et former de nouveaux "passeurs de mémoire".
La rencontre a eu lieu ce jeudi 19 mai au musée de la résistance de Limoges : Ginette Kolinka, 97 ans, l’une des dernières survivantes des camps de concentration, est revenue sur son parcours devant les élèves de plusieurs collèges de Haute-Vienne.
Dénonciation, déportation
Ginette Kolinka, juive et athée, a grandi à Aubervilliers avec ses parents, ses cinq sœurs et son frère.
Après le début de la guerre, en juillet 1942, sa famille rejoint la zone libre et se réfugie à Avignon.
Le 13 mars 1944, à la suite d'une dénonciation, Ginette Kolinka est arrêtée par la Gestapo avec son père, son frère, et son neveu. Elle a 19 ans. Un mois plus tard, la famille est déportée vers le camp d'Auschwitz-Birkenau. Son père et son frère sont gazés. Ginette Kolinka rejoint le camp des femmes.
En mai 1945, elle change de camp, et à son arrivée, elle est accueillie par les Alliés, vainqueurs de la guerre. Elle pèse alors 26 kilos. Elle retrouve à Paris les membres de sa famille qui ont survécu : sa mère et quatre de ses cinq sœurs.
"L’humiliation, c’était une façon de nous tuer".
Pendant son récit, Ginette Kolinka décrit sans détour et sans tabou de choses qu’on ne trouve pas dans les livres d’histoire : un vécu en détail de ses conditions de détention. Elle parle de l’hygiène, explique comment les déportés faisaient leurs besoins à une centaine dans le même trou, comment ils désinfectaient leurs plaies avec leur urine pour éviter de mourir d’une infection.
Tout était pensé pour les humilier, comme le fait de leur raser le sexe et les cheveux à leur arrivée. Selon Ginette Kolinka, "l’humiliation, c’était une façon de nous tuer".
Elle raconte aussi avoir conseillé à son père et à son frère de monter dans un camion allemand à leur arrivée au camp de concentration. Le véhicule était censé permettre aux plus fatigués de se reposer. Ce camion les a en réalité emmenés directement vers les chambres à gaz.
"C’est la haine le fil conducteur"
Malgré ce récit glaçant, elle parle aux jeunes avec humour et bienveillance : "Je ne veux pas vous faire pleurer, je veux vous montrer jusqu’où peut mener la haine, et faire de vous des passeurs de mémoire. Tout ce qui arrivait, c’est parce qu’Hitler et les nazis haïssaient les juifs. C’est la haine, le départ, le fil conducteur. Pas la peine de chercher autre chose."
La petite vieille du premier étage
Si elle raconte encore, c’est pour passer ce message, sensibiliser encore des élèves et des professeurs manifestement touchés par cette rencontre. Et Ginette Kolinka conclue, avec un brin d’espièglerie : "A l’âge que j’ai, je ne devrais pas bouger de la maison. Dans mon immeuble, je suis la petite vieille du premier étage. Et là, regardez combien vous êtes à m’interroger ! C’est moi la reine, et ce n’est pas désagréable..."