Vous connaissez peut-être le chef pâtissier star Cédric Grolet, près de dix millions d'abonnés sur Instagram. À Limoges comme ailleurs, il fait des émules. Rencontre avec cette nouvelle génération de pâtissiers qui n'envisage pas son métier sans les réseaux sociaux.
C’est une adresse discrète aux tons pastel, une pâtisserie un peu hors du commun : les passants peuvent, en effet, observer Marie Couloumy faire ses préparations depuis la rue, car sa boutique est aussi son laboratoire. Seul maître à bord, la jeune femme de 25 ans gère la préparation et la vente de ses pâtisseries.
Ce jour-là est l’un des plus gros de l’année : c’est la Saint-Valentin. Pour l’occasion, la jeune cheffe a imaginé des tartelettes en forme de cœur. “Dans celle-ci, il y a un praliné à la noisette, avec une ganache au chocolat par-dessus.” Pour finaliser sa recette, elle utilise un dernier ustensile : son téléphone portable. Chacune de ses réalisations est immédiatement immortalisée en vidéo et diffusée sur ses réseaux sociaux : “J’aime bien montrer ce que je fais, montrer mon travail. C’est valorisant parce qu’il y a beaucoup de personnes qui aiment voir ce que l’on fait.”
Vitrine numérique
Cette Corrézienne a choisi Limoges pour être près de son compagnon. Alors forcément, il a fallu partir de zéro. “Ce n’est pas évident quand on est une petite entreprise qui arrive à Limoges. Il faut essayer de se faire un nom.”
Son pari est réussi : trois mois après son ouverture, elle compte déjà 5000 abonnés sur Instagram. Un réseau social qui lui sert de vitrine pour ses créations. Pas besoin de devanture tape-à-l'œil, quelques pâtisseries triées sur le volet suffisent : “C’est un gage de qualité parce que je trouve que, moins il y a de pâtisseries, plus cela montre le côté artisanal. Je fais tout moi-même donc avoir moins de choses en vitrine, c’est mieux.”
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La moitié de ses commandes est passée via la messagerie des réseaux sociaux. Les clients viennent ensuite les récupérer directement en boutique. Un mode d’achat qui séduit notamment les jeunes actifs trentenaires, comme Marie, une habituée : “On envoie un message : “est-ce que c’est possible d’avoir ci ou ça à telle date ?” C’est beaucoup plus pratique pour s’organiser.”
Moderniser son image
Ce vent de modernité souffle également sur les anciennes maisons comme Borzeix-Besse, fondée en 1909. La marque a inauguré, en décembre dernier, une nouvelle enseigne avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny à Limoges, dont les commandes ont été confiées au chef pâtissier de la maison : Rachid Makcharrade.
Dans son laboratoire, visible là encore depuis le magasin, le jeune homme enregistre une vidéo dans laquelle il explique comment réaliser un mille-feuille à la vanille. Cette fois, pas de téléphone portable, mais du matériel professionnel. Rien de plus normal pour celui qui se dit “passionné de photo depuis toujours”.
Ces vidéos explicatives, ou “tutos”, font un carton sur Internet. Cédric Grolet, chef pâtissier parisien superstar des réseaux sociaux avec près de dix millions d’abonnés sur Instagram, en a fait sa marque de fabrique. Un modèle qui a inspiré Rachid, 28 ans, originaire de Montpellier.
J’ai commencé la pâtisserie avec ma maman mais ce sont les réseaux sociaux qui m’ont vraiment donné envie d’en faire mon métier.
Rachid Makcharrade, chef pâtissier
Créer des vocations
Fini le secret des dieux, le savoir des meilleurs pâtissiers se partage désormais avec le grand public : “On est toujours dans nos laboratoires, donc on n’a pas le contact avec la clientèle. C’est important d’avoir les avis, les reproches… Ça nous permet de nous remettre en question sur certaines choses.”
Bernard Besse, quatrième génération à la tête de l’entreprise, a connu une tout autre époque : celle où chaque recette était jalousement gardée par les chefs pâtissiers : “Nos anciens nous ont tellement caché de choses qu’un savoir-faire s’est perdu. Si on veut que la profession continue et évolue, il faut partager son savoir.”
Pâtissier, un métier de bouche, dans lequel l'image importe dorénavant au moins autant que le goût.