Justice. Les cours criminelles départementales vont faire leur apparition en Limousin

Après trois ans d’expérimentation dans quinze départements français, les cours criminelles départementales (CCD) vont, sur l’ensemble du territoire, dont le Limousin, prendre le relai des cours d’Assises, pour près de 50% des affaires, selon les estimations. Principale différence : les CCD ne seront constituées que de juges professionnels, sans jury populaire.

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Ce n’est bien sûr pas le principal des traditionnels changements du 1er janvier. Enfin, pas celui qui aura le plus retenu l’attention.

Mais depuis ce début d’année, l’expérimentation des cours criminelles départementales (CCD), initiée depuis trois ans dans quinze départements français, a été étendue à tout le territoire, hormis Mayotte.

Le Limousin va donc voir trois cours criminelles départementales se créer, une en Haute-Vienne, une en Corrèze et une en Creuse, aux mêmes lieux que les trois Cours d’Assises déjà existantes (Limoges, Tulle et Guéret).

Toutefois, si la mesure est entrée officiellement en vigueur ce 1er janvier, elle ne commencera dans les faits, vraisemblablement, qu’entre mai et septembre prochain, suivant les départements. 

Ces CCD avaient été pensées avec un double objectif : accélérer le cours de la Justice, et lui permettre de faire des économies. 

Le principe des cours criminelles départementales

Ces CCD ont été créées pour se positionner entre les tribunaux correctionnels et les cours d'assises, en termes de gravité des faits.

Elles vont en effet statuer sur des faits dont la condamnation se situe entre quinze ans minimum et vingt ans maximum de réclusion. 

Concrètement, ce sont principalement les affaires de viol, de tentative de viol, de coups et blessures ayant entraîné la mort, ou encore de vol à main armée, qui seront concernées.

Des faits qui, jusqu'à présent, étaient jugés en cour d'assise, mais qui pouvaient, pour certains, basculer devant les tribunaux correctionnels. 

Les crimes avec récidive, les meurtres et assassinats, ainsi que les appels, resteront eux strictement dans le cadre des compétences juridiques des assises. 

La principale différence entre l'une de ces CCD et une cour d’assises est que cette dernière voit siéger un jury populaire, composé de six citoyens tirés au sort (neuf en comptant les possibles remplaçants). 

En CCD, le jugement n’est assuré que par un collège de cinq juges professionnels, ou, dans quinze départements expérimentaux, dont la Haute-Vienne, quatre d’entre eux ainsi qu’un avocat honoraire (avocat ayant cessé d’exercer depuis au moins cinq ans). 

Comme dans une cour d’assises, les audiences pourront se dérouler en public ou à huis clos, à la demande de l'une des parties, et se dérouler sur plusieurs jours.

Premier bilan

Selon un rapport public publié cet automne, depuis le début de l’expérimentation en 2019, et jusqu’à mi-2022, 387 affaires ont ainsi été jugées devant une CCD, soit environ 42 % d’affaires habituellement traitées par les cours d’assises. 

Au total, 428 personnes ont été condamnées par les CCD, et 83 % l’ont été pour des faits de viol. 

Toujours selon ce rapport, ces affaires auraient nécessité 863 jours d'audience au total, quand il en aurait fallu, à priori, 982 aux cours d'assises, soit un gain de 12% de temps, sans compter un délai d’audiencement de 11,8 mois en moyenne, contre 2 à 3 fois plus devant les assises. 

Quant aux économies, le ministère de la Justice estime une journée de cour d’assises (principalement l’indemnisation des jurés) à 2060€, contre 1100€ pour une journée de CCD. 

L’expérimentation semble donc probante. Pourtant, les oppositions, émanant de politiques, mais aussi de magistrats et encore plus d’avocats, ne manquent pas.

Nombreuses réserves

D’une part, le gain de temps, même minime, semble contrebalancé par un taux d’appel supérieur dans les décisions de CCD contre celles des cours d’assises (21% contre 15%).

D’autre part, ces CCD sont instituées sans moyens dédiés, et puisqu’il faut cinq magistrats professionnels contre trois aux Assises, il faudra donc les trouver quelque part. Si c'est aux affaires familiales, par exemple, qu'on va chercher des renforts, c'est le traitement des dossiers de divorce qui prendra du retard.

Enfin, pour beaucoup, c’est le principe même de justice populaire qui est remis en cause, comme nous l'a expliqué Richard Doudet, le bâtonnier de Haute-Vienne :

"À la limite et à décharge, puisqu’il s’agira principalement d’affaires de viols, il est vrai que dans certains cas, notamment chez les mineurs, la cour d’assises avait un côté parfois trop solennel, démesuré et dans certains cas traumatisant pour les victimes. 

Mais où trouvera-t-on les moyens de consacrer autant de juges à ces CCD ? Et le principe des avocats honoraires ne change rien. 

Et surtout, c'est pousser le peuple hors des tribunaux, ce qui est pourtant le principe fondamental de la Justice Française depuis la Révolution. Sur n’importe quel jugement de n’importe quelle juridiction, il est écrit : au nom du Peuple Français ! C’était ça, la vraie démocratie.

Les assises en France étaient précisément exemplaires, parce qu’on y prenait le temps, de l’audience, de l’écoute, de la victime, du présumé coupable, et celui du débat. C’était le dernier vrai endroit où l’on demandait son avis au peuple.

Mais c’est désormais une démocratie qui dérange, parce qu’elle prend du temps, parce qu’elle coûte cher. Le contentieux est désormais vécu comme un stock à gérer". 

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