Railcoop : la Ligne Bordeaux-Lyon, via Limoges, verra-t-elle des trains rouler un jour ?

Depuis sa création en 2019, Railcoop promet de relancer la ligne ferroviaire Bordeaux - Lyon en passant par Limoges, et cela, à l’horizon 2024. Mais, à l’issue de sa dernière assemblée générale, Railcoop serait au bord du dépôt de bilan. Où en est le projet au moment où il y a un regain pour le train ? Rencontre.

« Il est quand même insensé que l’on ne puisse pas se rendre à Lyon depuis Bordeaux en train, alors que les voies existent », confie le président de Railcoop. « Nous voulons réparer cette injustice », réaffirme Philippe Bourguignon. Et les sociétaires qui ont cru en son projet le pensent également. Toutes celles et tous ceux qui veulent traverser La France d’est en ouest seront d’accord avec lui, atterrés par l’abandon de la ligne par la SNCF pour cause de travaux. L’irruption du projet de Railcoop en 2019 a été reçu comme une bénédiction. Mais trois ans après son lancement, quel bilan peut-on tirer des promesses, des annonces émises par ce nouvel acteur du rail ?

Railcoop a besoin de 300.000 euros d'ici à la fin juillet

À ce jour, Railcoop n’a fait rouler que des trains pour le fret, une activité stoppée net, car pas assez rentable. Les responsables veulent se concentrer sur les trains voyageurs, ce pourquoi ils se sont lancés initialement, et pour cela, ils veulent lever des fonds en faisant, à nouveau, appel à ses sociétaires. Ce qui fait craindre à un dépôt de bilan. Les responsables de Railcoop ne nient d’ailleurs pas leurs difficultés financières, mais ils expliquent que c’est « le propre même d’une coopérative de faire appel à ses sociétaires pour recapitaliser l’entreprise ».

Railcoop a besoin de 300.000 euros d'ici à la fin juillet et de 500 000 euros d’ici septembre pour faire face à ses dépenses obligatoires.

Railcoop promet de relancer le train voyageur Bordeaux - Lyon à l’été 2024. L’ambition, c’est de se constituer près de 100.000 clients au deuxième semestre de 2024. Une ligne abandonnée par la SNCF avec qui « nous avons une relation très courtoise », rassure le président de Railcoop, « car on est sur des lignes où la SNCF n’est pas présente ». C’est une affaire très sérieuse, mais il faut beaucoup d’argent, que la coopérative n’a pas aujourd’hui.

 

Deux rames de trains achetées à la région Rhône-Alpes Auvergne et peut-être une troisième

C’est ce que confirme Philippe Bourguignon, qui s’appuie sur « toutes les études que l’on a fait réaliser et qui démontrent que l’exploitation de la ligne est rentable ». Le président de Railcoop précise que ces trains ne sont pas en état de rouler aujourd’hui. "Ce sont des trains de 230 places qui roulaient encore, il y a une quinzaine d’années", affirme Philippe Bourguignon. Ces trains vont être rafraîchis, réaménagés avec une vérification méticuleuse de toutes les pièces de sécurité par une entreprise clermontoise. Et idéalement, ces rames doivent être livrées dans le courant du mois d’avril 2024. Si tout va bien, mais en attendant, il faut trouver l’argent.

 

800.000 euros d'ici à la fin de l’année, mais il en faudra beaucoup plus ?

L’assemblée générale de la coopérative qui s’est tenue le 10 juin dernier, confirme qu’il faudra 2,8 millions d’euros pour couvrir tous les besoins de l’année 2024. Car la coopérative a besoin de conducteurs de trains, de contrôleurs et tout le personnel nécessaire pour faire rouler ses trains. Du personnel qu’il faudra former, car seuls deux conducteurs déjà embauchés sont d’anciens cheminots. "Les résolutions de l’assemblée générale ont d’ailleurs été adoptées à plus de 90% par les sociétaires, sur 3500 votants" rappelle le président de Railcoop.

Sans la réaction des sociétaires, c’est vrai que nous serons au bord du dépôt de bilan. Nous tenons à le dire, car l’une des valeurs de l’entreprise, c’est la transparence. 

Nicolas Debaisieux, le directeur général de la coopérative

à France 3 Limousin

 

Quelles sont les difficultés ? 

 L’accès au matériel ferroviaire est très compliqué, rapporte Nicolas Debaisieux. "Pour une entreprise nouvelle, il n’y a aucune aide de l’État, et puis surtout, il y a des composants auxquels on n’a pas accès. Et ce qui ne nous facilite pas la tâche, c’est que la plateforme SNCF connect ne prévoit pas la commercialisation de nos billets. Partant de là, les banques considèrent qu’il y a trop de risques et donc elles ne sont pas prêtes à nous accompagner", regrette le directeur général.

Depuis son lancement en 2019, Railcoop a déjà fait rouler des trains de fret, mais n’a pas encore transporté de voyageurs. Elle espère le faire dès l’été 2024. Railcoop lance d’ailleurs, dès juillet 2023, une vente de billet pour, l’espère-t-elle, montrer à ses partenaires financiers que la demande est là, et que les pré-ventes de billets génèreront assez de liquidités pour renflouer les caisses. "On veut s’aligner sur les prix pratiqués par Blablacar entre 30 et 40€ pour réaliser Bordeaux à Lyon en 7 h 30."

Le modèle économique de Railcoop est-il trop fragile ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que Railcoop ne compte que sur ses sociétaires, ils sont 14.000 en France et à l’étranger. L’entreprise a le soutien de la région Occitanie, qui lui accorde une garantie pour ses prêts. La région Nouvelle-Aquitaine n’est pas partie prenante. La ville de Lyon a également donné de l'argent, 80.000 euros, plus 20.000 euros, très intéressée par la réouverture de la ligne.

Mais Railcoop n’est adossée à aucune banque. C’est bien ce que lui reproche la fédération nationale des associations d’usagers du transport. Son président Christian Broucacret explique que le projet Railcoop aurait pu marcher et qu’il regrette qu’il ne le soit pas encore. Mais pour lui, Railcoop cumule plusieurs problèmes :

  • L’achat de rames de trains vétustes,
  • Son projet trop ambitieux de relier Bordeaux à Lyon
  • Aucune banque en soutien

Autant d’éléments qui font que ce projet, très "sexy" sur le papier, risque de faire beaucoup de déçus, car sa mauvaise santé financière "n’encourage pas à croire en la pérennité de l’entreprise".

"Cela dit, c’est un très gros pari, car il y a aujourd’hui un vrai engouement pour le train", tempère le président de la FNAUT 33, dont l’association n’a pas pris de part dans Railcoop. Pour Christian Broucaret, Railcoop "aurait pu se concentrer sur des distances plus raisonnables, comme Limoges - Clermont, par exemple, avant de s’attaquer au Bordeaux-Lyon". Pour rappel, la Nouvelle- Aquitaine compte plus 90.000 voyageurs par jour pour le train.

On est passé de 66.000 en 2019 à 90.000 en 2023. Reste à savoir si Railcoop les fera voyager un jour.

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