"Les gens ne peuvent pas se permettre d’acheter certains livres à plus de vingt euros" : bientôt deux millions d'euros pour aider les libraires ?

Libraires, auteurs, maisons d'édition, la filière du livre souffre de l'inflation. Pour l'accompagner, la région Nouvelle-Aquitaine prévoit des aides. Un vote aura lieu lors de la cession du conseil régional ce jeudi 19 et vendredi 20 décembre 2024.

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En plein centre-ville de la capitale limousine, la librairie destinée à la jeunesse "Rêv'en pages" fait partie des 200 répertoriées en Nouvelle-Aquitaine. Depuis trois ans, Rachel Faure-Lencroz, fait vivre, en toute indépendance, son établissement dans un contexte économique de plus en plus tendu.

Un secteur en crise ? 

L'augmentation du coût de la vie se répercute sur le commerce de cette gérante. En plus des hausses des charges d'électricité, de l'acheminement des livres, Rachel Faure-Lencroz se confronte à une nouvelle problématique. "Nous avons surtout une énorme baisse du panier moyen parce que les gens ont moins les moyens et parce que le prix du livre a augmenté. Certains ont pris plus de deux euros, donc forcément les gens ne peuvent pas se permettre d’acheter certains livres qui sont passés à plus de vingt euros."

Même à Noël, les libraires le ressentent. Il y a encore quelques années, Rachel proposait des livres pour Noël à trente-cinq euros en se disant que les gens pouvaient se le permettre. Aujourd'hui, elle confie qu'elle essaie d'en proposer à des petits prix, entre six et dix euros, pour que les enfants qui ont envie de lire puissent continuer à le faire.

On a un changement dans les comportements des lecteurs qui pensent qu’un livre à vingt euros, c'est cher, alors qu’un livre, ce n’est pas un produit, c’est un bien qui dure.

Esther Merino

Editrice

Cette situation est partagée par les éditeurs indépendants qui n’hésitent pas à parler de crise. À commencer par leur présidente régionale, Esther Merino. La gérante de la maison des Monédières, une maison d'édition qui a quarante ans d'âge, y voit plusieurs raisons. La concentration, la surproduction, l’inflation, mais aussi des actes d’achat qui se modifient en profondeur. "On a un changement dans les comportements des lecteurs qui pensent qu’un livre à vingt euros, c'est cher, alors qu’un livre, ce n’est pas un produit, c’est un bien qui dure. On arrive aujourd’hui à consommer un livre non pas comme un bien culturel, mais comme un bien de consommation, ce qui fait qu’ajouter à cette surproduction et aux moyens que nous éditeurs indépendants n’avons pas pour faire vivre ces livres, on se retrouve à avoir de la visibilité toujours pour les mêmes auteurs, les mêmes maisons d’édition."

À lire aussi : L'économie du livre face aux crises par le syndicat de la librairie française

La Nouvelle-Aquitaine pourrait investir deux millions d’euros 

Face à ces difficultés, la région est partie d’un constat : La Nouvelle-Aquitaine ne compte pas moins de 200 libraires, 250 maisons d’édition, un record national et six fois plus d’auteurs. Ce qui lui permet d’adopter une stratégie volontariste en prévoyant d'investir plus de deux millions d’euros jusqu’en 2027. Ce qui se traduit par des soutiens financiers comme des bourses et l’ouverture de résidence de création.

Un dispositif dont a bénéficié une Limougeaude, illustratrice depuis 20 ans, Claire Gaudriot. "Les bourses, c'est un signe de reconnaissance. On en a besoin pour poursuivre et développer notre travail. C'est flatteur. Ça nous motive, on est vachement content."  

 


On espère que cela permettra de lutter contre l’illettrisme.

Gérard Halimi, Président du festival "Faites des livres" à Saint-Junien

 

Cette stratégie de soutien aux livres s'étend aussi aux festivals. Grâce à elle, celui de Saint-Junien, intitulé "Faites des Livres" qui se déroule en juin, renforce ses actions à destination d'un public éloigné de la lecture. "On a créé avec les libraires un chèque livre d’une valeur de quatorze euros qu’on donne aux enfants en situation de handicap qui ont rencontré un auteur dans la classe, explique Gérard Halimi, Président du festival "Faites des livres" à Saint-Junien. Ils ont travaillé en amont, ils ont discuté avec l’auteur, ils ont produit un travail et à la fin, l’enfant va acheter le livre de l’auteur qui va être dédicacé. Grâce à ce chèque, cela crée une dynamique qui n’existait pas avant. Ces jeunes étaient en situation d’exclusion, ils ne rentraient pas dans les librairies, donc on espère que cela permettra de lutter contre l’illettrisme." 

Ces aides régionales sont les bienvenues pour le marché du livre. Car d'après le syndicat de la librairie française, les difficultés auxquelles il est confronté pourraient s'accentuer dans les années à venir.

Si les petites librairies s’avèrent les premières touchées, les moyennes et les grandes ne sont pas épargnées, laissant entrevoir une menace de licenciements, voire de fermetures.

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