Mercredi 30 juin 2021, une mobilisation de presque tous les professeurs titulaires du Lycée Maryse Bastié de Limoges a eu lieu dans la matinée. La réponse à un conflit larvé qui court depuis quelques mois et qui oppose le corps enseignant au proviseur.
Dénigrement, agression, intimidation, stop aux menaces. Voila un petit florilèges des slogans affichés sur les pancartes des membres de l'intersyndicale du Lycée Maryse Bastié de Limoges. Des messages d'autant plus étonnants qu'ils visent le proviseur de l'établissement. Entre deux conversations, quelques mots fusent :
"Il y a un climat de trouille. On sait qu'il va y avoir des représailles, on sait qu'on va les avoir, mais on est quand même là !".
Des mois que le torchon brûle. Mais tout s'est accéléré en janvier. A cette date, selon le communiqué de l'intersyndicale, au moins 10 enseignants et CPE ont alerté la médecine du travail. En février, l'affaire est remontée jusqu'à la rectrice. Par un courrier, elle demandait au principal intéressé de rétablir "une communication claire et confiante dans l'établissement". Cela n'a visiblement pas fonctionné puisqu'en avril, 13 personnes ont à nouveau alerté l'institution. Trois représentants ont été reçus par la rectrice le 1er juin.
Jusqu'à ce qu'un incident fasse déborder la coupe. Un enseignant aurait été dénigré et bousculé par le proviseur devant ses élèves.
"Suite à un différent qui nous a opposé pendant un conseil de classe, il est venu le lendemain régler ses comptes devant les élèves, dans ma salle de classe. Il y a eu des menaces des intimidations, j'ai voulu me défendre et il a fini par me bousculer. Il m'a poussé l'épaule en arrière,voila. Et ça devant des élèves, ça se fait pas"
"Nous voulons dénoncer un fonctionnement autoritariste. Nous subissons depuis des mois des menaces, des dénigrements publics devant les élèves. Il y a un fonctionnement qui fait que nous ne pouvons rien dire sans risquer d'être convoqués à la direction, dénigrés, mis à l'écart. On doit avoir un climat serein dans l'établissement pour la réussite de nos élèves" confie Elisabeth Faucon représentante de la CGT dans le Lycée.
"Vous allez voir qui je suis. Je viens pour contrôler votre travail. Vous allez voir ce que je vais faire, vous ne serez plus là l'an prochain". Quelques exemples de phrases qu'aurait proféré le proviseur.
Certains professeurs qui témoignent ont les larmes aux yeux
"Cela a commencé il y a deux ans. En juillet, j'ai reçu un appel téléphonique du proviseur très en colère car il affirmait que j'avais dit du mal de lui hors de l'établissement. C'était faux. Il n'a pas voulu me recevoir pour m'expliquer et m'a laissé ruminer pendant deux mois. C'est cette technique de division et d'intimidation qui fait qu'on n'ose plus rien dire. On commence à se défier les uns des autres, à s'isoler. Depuis janvier, on a commencé à tous se parler et on a commencé à se rendre compte qu'on était pas seuls, qu'on était nombreux à subir ces petites attaques quotidiennes dispersées. Mais en fait, quand on les met bout à bout, on se rend compte que plusieurs fois par semaine, des personnels sont attaqués".
Le proviseur, c'est Joseph Makutu. Pas du genre à rester dans son bureau pendant que la manifestation se déroule sous ses fenêtres. Vêtu d'un élégant costume noir, il s'avance en direction des protestataires. Il peine à se faire entendre. Les slogans auparavant simplement affichés sont scandés : "Non, non à la violence, non aux intimidations !"
"C'est une cabale politique et anti-laïque !" assène-t-il. "Cest faux ! Hou !" répond la foule aussi sec. Dialogue impossible. Le proviseur s'isole avec des journalistes. Coïncidence son portrait (élogieux) est sorti lundi 28 juin dans les colonnes de nos confrères du Populaire du Centre. On y apprend son parcours atypique entre le Zaïre, la Chine et le Limousin.
Cabale politique
Sa ligne de défense, c'est donc l'invocation d'une cabale politique.
"Je suis supris de voir ces pancartes, j'ai vu des choses écrites qui m'ont énormément gêné. Beaucoup de mensonges ont été proférés. Je voudrais savoir quels sont les faits que l'on me reproche exactement ? Il y a peut-être des témoignages mais moi je veux des faits. Ce que je constate, c'est qu'on m'attaque parce que je suis référent de la République en Marche. J'ai toujours parlé avec beinveillance et bienséance. Vous l'avez vu, on m'a empêché de m'exprimer. Les mêmes qui parlent de liberté d'expression ! Leur seul objectif c'est de me faire partir. La fréquence des attaques qui sont portées contre moi confinent au harcèlement moral. On veut m'empêcher de travailler et d'exercer ma mission de chef d'établissement".
Une enquête a été ouverte par la rectrice et doit commencer en septembre. La rentrée s'annonce donc agitée dans le lycée.