Ce jeudi 30 mars 2023, Emmanuel Macron s’est rendu au lac de Serre-Ponçon pour présenter son plan eau. Qu’en pense Antoine Gatet, juriste de Sources et Rivières du Limousin, également vice-président de France Nature Environnement ?

Dans les Alpes du Sud, sur le lieu symbolique du lac de Serre-Ponçon, plus grand réservoir d’eau douce d’Europe de l’Ouest, le Président de la République a annoncé ce jeudi 30 mars 2023 son plan eau.

Alors que les sécheresses estivales se répètent, que 700 communes françaises se sont retrouvées sans eau l’été 2022, que cet hiver 2022-2023 est plus sec que les précédents avec 32 jours sans pluie, Emmanuel Macron a énoncé des mesures touchant tous les domaines (agriculture, industrie, économie).

Réutilisation des eaux usées, réparation des réseaux, aménagements agricoles, industriels, taxation progressive… le chef de l’État s’est exprimé plus de quarantaine minutes sur le sujet, affirmant que l’eau est "un enjeu principal" et "un bien commun."

Nous avons demandé à Antoine Gatet, juriste de Sources et Rivières du Limousin, et également vice-président de France Nature Environnement ce qu'il en pensait.

Ce qu’il trouve positif :

L'eau et l'agriculture. Le Président veut faire "évoluer le stockage de l’eau, d’abord par les sols, et réinventer le modèle agricole", on a envie de dire enfin !" clame Antoine Gatet.

"Pour pouvoir stocker l’eau, il faut des haies, des zones humides, des terrains pas nus, ni labourés à l’automne, il faut des pratiques qui ne tassent pas les sols, donc plus respectueuses de l’environnement, sans pesticides. Emmanuel Macron a aussi ajouté qu’il fallait "utiliser les ouvrages existants". En Limousin, on a 20 000 ouvrages".  

Des annonces qui semblent faire plaisir au juriste sauf qu’Antoine Gatet ne sait plus sur quel pied danser. 

Ce sont des mesures contradictoires avec les modèles agricoles soutenus, comme les mégabassines. On attend la cohérence entre ce qui est énoncé là et ce qu’il défend. Nous serons vigilants pour que ces engagements soient suivis des faits.

La tarification progressive. Autre point que le vice-président de l’association France Nature Environnement met en avant : la tarification progressive de l’eau.

Le but de cette mesure est d'inciter les Français à la sobriété. Ainsi, "les premiers mètres cubes sont facturés à un prix modeste, proche du prix coûtant" et "ensuite, au-delà d'un certain niveau, le prix du mètre cube sera plus élevé", a-t-il expliqué. Cela doit pouvoir couvrir les besoins essentiels, a précisé l'Élysée.

Pour Antoine Gatet, "c’est très bien, c'est quelque-chose qu’on demandait depuis longtemps. C’est un moyen de rappeler que l’eau sert à tout le monde et que c’est un bien commun."

Ce qu’il trouve inefficace :  

Mais pour Antoine Gatet, ces solutions ne sont pas nouvelles. "Lors des assises de l’eau en 2018-2019, les trois quart de ces mesures avaient été énoncées. Elles figuraient déjà dans la feuille de route établit à la fin de ces assises", explique-t-il.

Globalement c’est des bonnes solutions mais elles ne sont pas nouvelles. Et surtout elles ne sont pas appliquées sur le terrain.  

Antoine Gatet, juriste de Sources et Rivières du Limousin 

La concertation. Il s’offusque aussi que ni les acteurs de l’eau, ni les associations environnementales n’aient été consultés avant l’annonce de ce plan : "C’est contraire à la démocratie environnementale. On nous annonce cela sans qu’on ait eu connaissance de ce qu’il y a dedans." 

Réutiliser les eaux usées traitées. Actuellement pratiquée pour moins de 1% des volumes en France, contre 8% en Italie, 14% en Espagne et 85% en Israël. L'objectif annoncé par Emmanuel Macron est de passer à 10% des eaux usées réutilisées d'ici à 2030, soit 300 millions de mètres cubes, l'équivalent de la consommation de 3 500 bouteilles d'eau par Français et par an. 

Un objectif qui figurait déjà également dans les Assises de l'eau. Le Gouvernement avait confirmé l’intérêt de réutiliser ces eaux et a fixé un objectif national de tripler, d’ici à 2025, les volumes d’eaux non conventionnelles. "Et puis, récupérer les eaux usées n’est pas une solution miracle, ajoute-t-il. Cela induit d’autres problématiques environnementales, car il y a une pollution médicamenteuse, et donc par la suite, une possible pollution des sols." 

La consommation. Autre recul selon Antoine Gatet : en 2019, toujours après les assises de l’eau, l’État s’était déjà engagé à "accompagner une économie de 10 % de la consommation d’eau de tous les domaines d'ici à 2025, – 30% d'ici à 2035. Là aujourd’hui, on nous dit, c'est 10% d'ici à 2030. Donc c’est un recul."

Allègement des procédures. Emmanuel Macron a aussi indiqué vouloir faciliter les procédures administratives en faveur de la renaturation des cours d’eau, réparer les fuites dans les réseaux… de bonnes solutions, mais pas nouvelles, selon ce membre d’associations environnementales.

Antoine Gatet s’inquiète aussi de la volonté du président d’augmenter le budget des agences de l’eau, 500 millions d’euros par an. "Qui payerait alors qu’aujourd’hui 80% de leurs financements vient des particuliers ?"

Conclusion. II juge nécessaire une politique qui remettrait l’eau au cœur des débats "alors qu’en 20 ans, on en a perdu 14% et que le Giec prévoit une perte de 20% de plus dans 20 ans".  

L'actualité "Environnement" vous intéresse ? Continuez votre exploration et découvrez d'autres thématiques dans notre newsletter quotidienne.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
Nouvelle-Aquitaine
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité