Sexisme : difficile d’atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes

Ce mercredi 25 janvier 2023, c’est la journée nationale de lutte contre le sexisme. Sauf que selon le rapport du Haut Conseil à l’Égalité femme homme publié ce lundi 23 janvier, la situation est alarmante. Comme dans le reste de la France, en Nouvelle-Aquitaine, les violences conjugales augmentent. Plus de 12 000 victimes en 2021, 15 000 sont recensées en 2022. Réactions en Limousin.

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En Limousin, chaque jour, 4 femmes subissent des violences conjugales. Entre 2020 et 2021, celles-ci ont augmenté de 21%. En Nouvelle Aquitaine, de 2021 à 2022, on est passé de 12 000 à 15 000 victimes. À cela, il faut ajouter, les inégalités de salaire, les stéréotypes de genre et le harcèlement qui perdurent. Selon le rapport du Haut Conseil à l’Égalité femme homme publié ce lundi 23 janvier 2023, "la situation est alarmante".

"27% des femmes et 40% des hommes pensent qu’il est normal de s’arrêter de travailler pour élever ses enfants (c’est 6 points de plus que l’an dernier)" ou encore, "13 % des femmes et 34 % des hommes pensent que "les poupées c’est pour les filles et les camions pour les garçons".

Rapport annuel 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes

Malgré la vague MeTOO, le sexisme s’avère plus important chez les 25-34 ans.

Par exemple, "23 % des hommes de cette tranche d’âge estiment qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter (contre 11% en moyenne)."

Ou encore, "9 % des hommes considèrent encore qu’il est normal qu’un homme ne s’occupe pas des tâches ménagères s’il gagne plus que sa conjointe, chiffre qui monte à 15 % chez les hommes de 25-34 ans et à 12 % chez les hommes CSP+."

 Des statistiques qui prouvent que l’égalité entre les sexes est loin d’être atteinte.

Comment évoluent les rapports femme-homme en Limousin ?

Selon la gendarmerie de la Haute-Vienne, à la campagne, « il n’y a pas de comportements de rue déplacés ». Par contre, "il y a encore des discriminations dans l’emploi, sur l’accès à des fonctions à responsabilités…. Pour ce qui est de la violence conjugale, elle est croissante."

Selon le commandant adjoint à la Maison des protections des familles, l’adjudant Laurent Jourde, cela s’explique parce que "depuis le grenelle, on informe plus. Les victimes savent qu’il y a des structures, que révéler les faits se fait plus facilement".

Entre 2021 et 2022, en Nouvelle-Aquitaine, les violences physiques, coups et blessures volontaires ont augmenté de 19%, les viols et violences sexuelles de 31,7 % et les violences psychologiques, menaces et chantages de 25,6 %. Il n’y a que le nombre de victimes d’homicides, tentatives d’homicides ou coups et blessures mortels qui a baissé en Nouvelle-Aquitaine (de 49 à 30).

Quand on parle d’égalité femme-homme, ce qui ressort beaucoup selon Evelyne Sagnet, présidente de SOS Homophobie, c’est le harcèlement, les insultes, le sexisme ordinaire.

Evelyne Sagnet intervient pour sensibiliser aux discriminations dans les collèges et les lycées. Ce qu’elle vit "est complètement représentatif" de ce qu’écrit le rapport du Haut Conseil. Elle affirme que la situation est pire qu’il y a 5 ans. De la part des garçons, elle fait face ce genre de remarques :

"C’est normal de donner des ordres à des filles parce que de toute façon, ce n’est pas elles qui commandent. Si elles portent une jupe courte, ce sont des putes."  

Parole d'élève selon Evelyne Sagnet, intervenante sur les discriminations dans les collèges et lycées.

France 3 Limousin

"Les garçons n’ont aucune conscience des conséquences de leurs insultes ou des remarques qu’ils profèrent" raconte-t-elle.

Si les filles réagissent par rapport à ces réflexions, ils répondent "c’est pour rire".  Sauf que ce n’est évidemment pas drôle, explique Evelyne car ces remarques laissent des traces. "Les jeunes femmes sont souvent meurtries".

Avant de travailler au planning familial, Nina De Catheu pensait que les jeunes étaient très avancés sur ces questions-là. Mais, elle a remarqué que c’était une minorité. "On sent quand même que ça bouge, que ça se questionne. Mais la majorité entretient des stéréotypes de genre."

Claire Llosa, juriste au Centre d’information du droit des femmes et de la famille, interrogée par nos confrères de France bleu, en citent quelques-uns : "La place d’une femme, c'est dans la cuisine, une fille doit jouer à la poupée et si un garçon joue à la poupée, ce n’est pas normal." Elle ajoute, "dans la cour de l’école, l’espace principal est réservé aux garçons pour le terrain de foot, les filles, elles, tournent autour ".

Johane Richand, salariée au planning familial, intervient aussi en milieu scolaire à Limoges et à Saint-Yrieix-la-Perche. Plus optimiste, elle constate des jeunes plus concernés, plus éclairés sur ces sujets, notamment sur le consentement et les violences.

"Quand on fait des animations, il n’y a plus personne à convaincre. Il n'y a plus de débat. Quand on utilise le violentomètre, on remarque qu’ils savent ce qu’on peut accepter et ce qu’on ne peut pas accepter."

Johane Richand, salariée au planning familial.

France 3 Limousin

"Hier, j’ai fait une intervention avec des sixièmes. J’ai remarqué que les filles savent remettre en place les garçons. Souvent, après ces échanges, j’en ressors plutôt en mode "waouh" et je suis curieuse de voir les femmes que ça va faire."

Angel, salariée de l’association Les Affolées de la Frange, raconte que ses espoirs reposent sur les 14 – 25 ans. "Ils se sentent plus concernés. Avec eux, par exemple, le pronom IEL* est évident." *Pronom personnel composé de "il" et de "elle". Le genre de la personne peut être masculin, féminin, ou indéfini, comme pour celles et ceux qui se qualifient de "non-binaires", c’est-à-dire qui ne se reconnaissent ni dans le masculin, ni dans le féminin.

"Quand un garçon s’emporte, c’est qu’il est éloquent. Quand une fille s’emporte, c’est qu’elle est violente."

 

 Max 26 ans, Kilyan 18 ans et Maïwen 17 ans se confrontent au sexisme depuis des années. Dans la rue ou dans les transports, trois fois par semaine, l’adolescente supportent des commentaires sur son physique. Des jeunes s’exclament "Elle est bonne, on va la baiser. Les plus vieux disent oh la belle enfant." Maïwen raconte aussi une scène en plein été. "J’étais avec une copine, on était en croc top. Des mecs ont commenté nos culs. Ils ont marché à côté de nous de sorte qu’on soit bloqué entre la rue et le mur."

 

Dans sa scolarité aussi, elle se heurte à des comportements déplacés. Un jour en cours de droit, ils évoquent un viol avec des objets. "Là, certains garçons se mettent à rigoler très fort et s’exclament ah bon avec quel objet ! C’est pas très agréable quand tu es fille", livre-t-elle.

 

"On part avec un désavantage dans la vie quand on est une fille", lance-t-elle. "Les gens ont tout le temps peur pour nous. Quand je suis allée à 16 ans à Paris, mes parents ont demandé à mon frère plus petit que moi de m’accompagner !"

La jeune femme constate aussi des stéréotypes de genre bien ancrés : "une fille qui donne son avis ou qui s’énerve, elle va être décrédibilisée, on lui dit : t’es violente, pourquoi tu cries comme ça. On ne dira pas ça à un mec. On lui dira plutôt qu’il est éloquent, qu’il a des idées à défendre."

 

Kilyan poursuit. "On voit beaucoup le sexisme à travers le rôle qu’on nous attribue. En tant que garçon, il ne faut pas être émotif, il faut jouer au foot. A l’école primaire, j’avais beaucoup de mal à m’intégrer parce que je ne faisais pas de foot ou de sport collectif, alors on m’envoyait parfois le ballon dans la figure." 

 

En ce moment, Kilyan, les cheveux longs, travaille dans un supermarché. Les remarques sur sa coupe sont régulières. "Franchement ça va pas, vous devriez vous couper les cheveux, vous vous prenez pour une femme."

Max (prénom d’emprunt), 26 ans raconte une histoire en boîte de nuit. Une histoire qui n’a rien d’anodine car elle lui est très souvent arrivée.

On est à trois, je suis avec deux amies. Dans une boîte du centre-ville de Limoges. Il n’y a que des mecs. On était les seuls à danser. Un mec s’est approché d’une de mes amies. Il lui parle à l’oreille, danse derrière elle. Elle lui fait comprendre gentiment, avec le sourire que c’est non. Il revient à la charge, très insistant, lui reparle à l’oreille. Mon autre amie décide d’intervenir pour lui expliquer que notre copine n’était pas intéressée. Le mec ne voulait pas y croire.

Plus de moyens pour faire avancer l’égalité

Les personnes interrogées sont d’accord avec les recommandations du Haut Conseil à l’Égalité. Elles veulent plus de sanctions, notamment en matière pénale. Plus de moyens financiers et humains pour répondre aux demandes. Le Centre d’information du droit des femmes et de la famille, à titre d'exemple, aurait besoin d’un juriste. 

Les associations aimeraient "intervenir plus tôt sur le consentement, l’expression des émotions, des relations amicales, amoureuses".

Elles souhaiteraient que les 3 heures obligatoires par an et par classe, de la maternelle au lycée, d’éducation à la vie affective et à la sexualité soit respectées, ce qui est loin d’être atteint. Aujourd’hui, un élève suit en moyenne seulement deux heures de ces cours dans toute sa scolarité.

 

 

 

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