Pendant deux jours, la Cour d'assises de la Haute-Vienne jugeait un homme de 55 ans pour le viol de son ex-compagne. Des faits qui remontent à septembre 2013, il y a 9 ans. Il vient d'être condamné à 5 années de prison, dont 2 ans ferme.
"9 ans, vous vous rendez compte ? 9 ans que je vis avec ça, 9 ans que j'ai peur de le recroiser, 9 ans que j'attends que la justice passe. C'est long, beaucoup trop long" confie Nathalie Chabroux, encore stressée d'avoir revu son ex-compagnon à la Cour d'assises.
Un délai en effet difficilement compréhensible. Elle se dit pourtant avoir été écoutée et entendue à la brigade de gendarmerie de Pierre-Buffière ce 27 septembre 2013 lorsqu'elle vient déposer plainte contre son ancien compagnon pour viol. On lui dit alors que l'auteur présumé va être recherché. Elle est même convoquée pour rencontrer un médecin-psychiatre pour évaluer son stress post traumatique. Mais très rapidement les mois s'enchaînent sans qu'il ne se passe grand chose.
Le dossier est transmis à la brigade de Solignac, les mois puis les années se succèdent. Son ancien compagnon est recherché mais il passe d'adresse en adresse et le dossier, lui, de brigade en brigade de gendarmerie. Ce n'est que le 13 septembre 2017 qu'il est interpellé à son dernier domicile et placé en garde à vue. Mais il faudra encore quatre ans d'instruction avant qu'il soit renvoyé devant la Cour d'assises.
"Outre l'absence de moyens suffisants, force aussi est de constater que manifestement les plaintes pour viol sont des dossiers considérés comme moins urgents, j'en veux pour preuve les propres mots d'un des gendarmes qui m'a confié qu'il avait pendant cette période trois dossiers urgents et chronophages sur son bureau. C'est institutionnel." déclare Me Guillaume Laverdure, avocat de la partie civile.
Quel sens peut avoir une peine prononcée 9 ans après une infraction ?
À la barre, le directeur d'enquête confie au président qui commence à l'interroger : "Je suis désolé mais même avec la meilleure volonté du monde, le dossier est ancien, je ne peux me rappeler des dates et ce qui a été dit précisément, et pourtant je sais que c'est important". Et de préciser qu'il a quitté sa brigade deux ans après l'enregistrement de la plainte et qu'il ignore totalement où est parti le dossier. Il n'a pas eu de fait accès aux archives avant de se présenter à la barre de la Cour d'assises.
D'autres témoins se succèdent et, comme le premier, rappellent que les faits remontent à 9 ans et que la mémoire est faillible. Même la fille de la victime, 17 ans au moment des faits, 26 ans aujourd'hui, livre ce qui lui reste comme souvenirs quand elle a vu sa mère revenir à la maison cette nuit du 26 août 2013.
Des violences reconnues par l'accusé
L'accusé est un homme de 55 ans, qui comparaît libre sous contrôle judiciaire depuis qu'il a été interpellé en septembre 2017. Placé néanmoins dans le box de la Cour d'assises pendant les débats, il s'exprime peu mais reconnaît les violences cette nuit du 25 au 26 août 2013, sur la personne de son ex-compagne. Il reconnaît également qu'ils s'étaient séparés peu de temps avant, après une vie commune de deux années au domicile de la mère de la victime, avec également la fille de celle-ci.
"Il a toujours été gentil avec ma mère qui souffrait d'une maladie dégénérative, il ne s'était jamais montré violent avec moi avant. Il n'a jamais travaillé, j'assumais tout financièrement suite à un gain de loterie. On avait des projets d'achat de maison puisqu'il me disait qu'il allait hériter de ses parents décédés, des terrains qu'il avait mis en vente. Mais il me menait en bateau, rien de tout ce qu'il disait ne s'est concrétisé".
Nathalie Chabroux décrit à la Cour l'achat par son ex-compagnon d'un châlet à Chateauneuf-la-Forêt d'un montant de 320 000€. "Il avait signé le compromis et a même aidé les propriétaires à déménager alors qu'il savait déjà qu'il n'avait pas un centime pour payer. Il m'avait demandé un chèque de 10 000 € pour payer sans doute les frais", précise la partie civile.
Le président interroge alors l'accusé: "Vous saviez que vous n'alliez pas pouvoir payer ?" "Oui" répond l'accusé "Vous avez donc menti ?".Devant l'acquiescement de l'accusé, le président poursuit "C'est de la mythomanie alors ? Pourquoi avez-vous fait ça ?" Réponse : "Je ne sais pas ce qui s'est passé dans ma tête"
Sur les faits qui lui sont reprochés, l'homme reconnaît les violences, mais nie le viol. Il parle de relation sexuelle consentie. Mais quelle crédibilité accorder à l'accusé dans le contexte des débats ?
Les jurés, comme la cour, sont sans doute aussi troublés par l'échange fourni de sms entre la victime à son retour au domicile après les faits et son ex-compagnon. Des mots qui démontrent l'affection qui pouvait encore exister entre eux. Mais il y en a d'autres qui parlent de l'agression et du mal qui a été fait.
5 ans de prison dont 2 ans ferme
Il y a aussi ce solde pour tous comptes que les ex-concubins avaient évalué à 30.000 € et que l'accusé devait remettre ce soir-là, mais qu'il ne remettra pas. "Auriez-vous quand même déposé plainte si vous aviez reçu les 30 000 €" demande le président ? "Bien sûr" répond la partie civile.
Le président fait aussi la lecture des 44 mises en cause dont 21 mentions au casier judiciaire de l'accusé, la première condamnation pour attentat à la pudeur aggravé sur mineur, suivie d'une succession de vols aggravés et autres infractions. Il a estimé que l'accusé a passé, en cumulé, 15 ans en prison, à mesure que les sursis ont été révoqués.
La procureure générale avait requis 7 ans de prison avec mandat de dépôt à l'audience et une inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles et de violences. Le jury de la Cour d'assises l'a condamné à 5 ans de prison, dont 2 ans ferme et 3 ans de sursis probatoire, sans mandat de dépôt. L'accusé reste libre pour le moment, il a 10 jours pour faire appel.