Le Tribunal correctionnel de Limoges vient de condamner une aide-ménagère pour un abus de confiance, celui de la personne âgée dont elle s'occupait depuis 14 ans. Elle a détourné toutes ses économies, plus de 160 000 euros selon ses aveux. Ce type de situation augmente en Limousin.
Yvonne Coussedière, 97 ans, est sans famille. Pourtant, elle reçoit de nombreuses visites. Infirmière, kiné, auxiliaire de vie, un accompagnement coûteux pour sa modeste retraite. Mais toute sa vie, elle a mis de côté pour assurer ses vieux jours. Sauf que tout s’est envolé, assurance-vie comprise lorsque son ancienne aide-ménagère lui a dérobé 164 000 euros. Un coup dur pour la retraitée.
"Ce n'est pas qu'une question d'argent"
Le Tribunal correctionnel de Limoges vient justement de condamner l'aide-ménagère de l'époque pour abus de faiblesse sur Yvonne Coussedière. Celle-ci la connaissait depuis 14 ans, pour s'être occupée d'abord de sa sœur.
"Je n'aurais jamais pensé qu’elle en vienne à ce point-là. Ce n'est pas qu’une question d’argent, ça m’a fait de la peine, beaucoup. Quand ça vient de personne sur qui vous comptiez, c’est dur. Ce que je ne m'explique pas, c'est qu’elle a été si patiente".
Des factures revenues impayées
C’est à la suite de l'accident vasculaire cérébral d'Yvonne Coussedière en 2016 que la femme de ménage, jusque-là irréprochable, commence à s’imposer : procuration générale, substitution de la carte bancaire, suppression du chéquier au motif que la banque n'en émet plus... Les services rendus se transforment en détournements financiers. Au fil du temps, les économies d'Yvonne Coussedière fondent, assurance-vie comprise. Jusqu’à ce que des premières factures reviennent impayées en 2022. Le signalement est alors fait par un prestataire.
"Oh la la, quand on me l’a appris, j’ai dit, ce n'est pas possible, d’ailleurs, il n'y avait pas que moi, personne n’y croyait", se souvient-elle.
Interpellée par la police, l'aide-ménagère est placée en garde à vue et avoue le détournement de 164.000€ sur la somme de plus de 200.000€ qui ressortira plus tard de l'enquête. Les économies de toute une vie pour cette femme sans enfant qui voulait assurer ses vieux jours, mais pas seulement. Elle se trouve aussi privée aujourd'hui de sa générosité.
"Je faisais pas mal de dons aux associations, celles que je connaissais et qui étaient valables comme les petites soeurs des pauvres, ça me prive, parce qu’ils en ont besoin. Dans mon cas, je ne pense pas que je suis un cas unique du tout".
Les abus de faiblesse en augmentation
En effet. Les abus de confiance et les abus de faiblesse augmentent, comme le constatent les mandataires judiciaires chargés d'accompagner les personnes vulnérables.
"Des personnes qui vivent seules à domicile, qui sont souvent démarchées par des sociétés type rénovation de l'habitat. Là, j'ai le cas d'un monsieur, je viens de déposer deux plaintes. Ce sont par exemple des sociétés qui font passer des agents qui assurent que le toit de la personne pose problème et qu'il faut des travaux, même si c'est loin d'être le cas puisqu'ils savent que le propriétaire n'ira pas sur son toit pour vérifier", explique Stéphane Chastrusse, président de la Fédération régionale des mandataires de justice.
"Après, j'ai vu aussi des abus familiaux, des gens de la famille qui ont profité de la situation de la personne, certains cas d'aides à domicile aussi qui ont également profité de la personne, des tiers" ajoute-t-il. "Malheureusement, ça arrive assez régulièrement maintenant puisqu'on sait que, dans le Limousin, les populations vieillissent et sont donc de plus en plus vulnérables. Les personnes se font avoir".
Des mesures de protection existent
D’où l’importance de la vigilance de tous et d’une mesure de protection que peut mettre en place le Juge des contentieux de la protection, autrefois appelé juge des tutelles. Valérie Chaumond exerce cette fonction au tribunal judiciaire de Limoges.
"Le plus souvent, c'est un tiers qui va ressentir la dégradation de l'état physique ou psychique d'un proche et qui va lancer l'alerte, ça peut être le médecin traitant, les services hospitaliers à la suite d'une chute, l'assistante sociale aussi, et progressivement un chemin se dessine jusqu'au juge des tutelles qui va éventuellement mettre en place une mesure de protection, dont la graduation est possible selon la situation, qui va de l'assistance de la personne via une curatelle jusqu'à sa représentation, par une mesure de tutelle" précise Valérie Chaumond.
"Mais c'est aussi le pharmacien qui ne va plus être payé, ou l'infirmier, le kiné, ou le banquier qui va constater des mouvements de fonds suspects, qui peuvent aussi faire le signalement et déclencher une enquête".